Le tribunal correctionnel de Besançon a reconnu l'hôpital de Pontarlier et une ex-directrice, Gaëlle Fonlupt, coupables de "mise en danger de la vie d'autrui" et de "manquements aux obligations de sécurité" du personnel.
La justice a estimé que l'établissement de santé et son ancienne directrice avaient exposé 23 salariés à l'amiante, un matériau hautement cancérigène, lors d'un chantier de rénovation dans l'un des bâtiments du centre hospitalier de Pontarlier, en février et mars 2012.
Environ 60 m2 de faux plafonds contenant de l'amiante avaient été retirés lors de ces travaux. Les salariés avaient respiré ou manipulé les plaques d'amiante sans avoir été informés, ni formés aux risques liés à ce type de produit.
Mme Fonlupt a été condamnée en son nom propre à 5.000 euros d'amende délictuelle avec sursis et 2.300 euros d'amende contraventionnelle avec sursis. Cette condamnation à titre personnel est une première en France, selon l'hôpital de Pontarlier.
"Cette condamnation, en l'absence de victime et d'exposition avérée, est incompréhensible", a réagit la direction du centre hospitalier dans un communiqué, en se laissant la possibilité de faire appel.
L'établissement a été condamné en tant que personne morale à 10.000 euros d'amende délictuelle, et à 2.300 euros d'amende contraventionnelle, deux amendes assorties du sursis.
Selon les salariés constitués en parties civiles, la direction leur a fait prendre des risques en leur cachant qu'il y avait de l'amiante, pour réaliser une économie de 10.000 à 15.000 euros.
"Une faute inexcusable", selon la procureure de Besançon, Edwige Roux-Morizot, qui avait requis 4 mois de prison avec sursis et 2 000 euros d'amende à l'encontre de l'ancienne directrice, et plus de 10.000 € d'amende à l'encontre de l'hôpital, estimant qu'ils "n'avaient pas protégé les salariés".
Mme Fonlupt a souhaité recourir aux dispositions du IV de l'article 6 de la loi N°2004-575 et nous a adressé le droit de réponse suivant :
J'ai pris acte du jugement du tribunal de grande instance de Besançon du 8 septembre 2017. J'ai décidé de ne pas faire appel de celui-ci. Cette décision que j'avais prise avant même l'audience publique ne signifie pas pour autant que je suis d'accord avec le jugement. En effet, il n'y avait pas d'amiante dans les dalles en questioncomme nous l'avons démontré au cours de l'audience, certificat du constructeur à l'appui alors même que le Parquet n'a pas su démontrer qu'il y en avait. Je rappelle que nous parlons du plafond de deux salles de bains communes, soit 60m2...
Deux expertises (qui ont été réalisées par des cabinets d'expertises certifiés avec à chaque fois trois échantillons pour le sol et pour le plafond) indiquaient en effet qu'il n'y avait pas d'amiante dans ces dalles de faux plafonds, mais qu'il y en avait en revanche dans la colle du sol. Une troisième expertise, réalisée sur la base d'un seul prélèvement pour le plafond et un seul pour le sol, indiquait qu'il y en avait dans les dalles de faux-plafonds mais soudainement plus dans le sol ! Le sol n'était pas concerné ayant préalablement été recouvert. Selon nous, il y a eu une inversion d'échantillons : il n'y avait pas d'amiante dans les dalles qui ont été retirées - je le rappelle - par le seul ingénieur travaux qui était dûment protégé (combinaison, masque, gants). Nous sommes allés demander au constructeur (Armstrong) de nous renseigner sur les composants exacts des dalles concernés et la réponse à été écrite et formelle : Armstrong n'a jamais mis d'amiante dans ce modèle de dalles de faux-plafonds !
La charge de la preuve a été inversée et notre argumentation n'a pas été prise en compte par le Tribunal.
Indépendamment de cela, ce qui m'importe le plus, c'est de savoir que personne n'a été exposé. Je ne pourrai pas vivre en ayant le sentiment contraire.
Si je n'ai pas fait appel, c'est tout simplement que je n'ai pas souhaité infliger une nouvelle épreuve à ma famille. Celle-ci a été suffisamment éprouvée par cette procédure qui aura été longue et douloureuse puisque j'ai été entendue la première fois en juin 2013 : 4 ans d'épreuve et d'étalage médiatique souvent infamant.
Je souhaite par ailleurs rappeler que le jugement a précisé que je n'avais commis "aucune faute détachable du service". En effet, la condamnation est dirigée uniquement contre la "responsable légale de l'établissement" et non contre ma personne. En dépit de cela et d'une peine symbolique, je ne me résous pas à accepter une décision que je considère injuste et incompréhensible.
Je souhaite enfin remercier tous ceux (agents, médecins, patients, élus, ...) qui m'ont soutenue dans cette épreuve.
Gaëlle FONLUPT