Photo : Le projet a reçu le label Fondation du Patrimoine, ce qui a permis la subvention d’une partie des travaux de la façade sud, visible depuis la route.
Acteur récent de la filière chaux-chanvre, Lafarge France fait instrumenter les murs, sols et plafonds d’une grange de l’Eure pour étudier ses solutions en grandeur nature.
Dépendance d’une jolie propriété de l’Eure, ce petit bâtiment agricole du début du 19e siècle, en torchis et colombages, avait subi peu de modifications. Les propriétaires souhaitaient le restaurer pour en faire un logement d’appoint.
Le but était de créer un lieu à l’atmosphère saine et confortable, en conservant un aspect authentique. Le choix du chaux-chanvre pour remplacer le torchis délité répondait à cette attente : ce matériau biosourcé laisse respirer les murs tout en apportant une isolation intéressante. Et l’aspect extérieur reste conforme à l’esthétique d’origine.
Lafarge France, chaufournier « historique », a développé en 2016 une activité béton de chanvre. Il a fait de ces 47 m2 rénovés au béton de chanvre une vitrine de cette nouvelle orientation en même temps qu’un « banc d’essai », avec l’aide de son partenaire, le Laboratoire de génie civil et génie mécanique de Rennes I.
Entre octobre 2016 et août 2017, au fur et à mesure de l’avancement des travaux, les techniciens bretons ont placé des capteurs thermo-hydriques sophistiqués à différentes profondeurs.
Ces capteurs ont été placés aussi bien dans les murs nord et sud, au droit des colombages et entre ces derniers, que dans le plancher du premier niveau et dans la dalle du rez-de-chaussée (où seule la température est mesurée). Au total, 110 points de mesure seront relevés et transmis à distance au laboratoire à Rennes via la « box » de la maison principale.
Une masse de données à traiter et analyser pendant au moins deux ans. « Aucune campagne aussi longue ni aussi complète n’a encore été menée. En savoir plus sur les transferts hydriques et thermiques devrait permettre d’expliquer comment est assuré le confort dans ces bâtiments. C’est important pour qu’à terme, les qualités des matériaux biosourcés comme le béton de chanvre puissent être prises en compte dans les futures réglementations de la construction », indique Christophe Lanos, directeur du laboratoire.
On sait que grâce aux propriétés de la chènevotte, le béton de chanvre régule l’atmosphère ambiante et contribue au confort des occupants, en absorbant et restituant l’humidité au gré des changements de part et d’autre des parois. Cette étude saura peut-être percer dans le détail les secrets de ce matériau étonnant !
A l’œuvre sur ce bâtiment, L’entreprise artisanale Dominique Leroy, basée à Drucourt (27). Elle pratique la technique du béton de chanvre depuis des années dans la région, sur des constructions à pans de bois.
Août-sept 2016 : Préparation : le torchis est retiré et des ouvertures sont créées au sud pour des fenêtres. Le pignon est a également été modifié, après approbation par l’ABF. Le sol, en terre battue, est décaissé et les fondations, superficielles, sont consolidées.
Octobre 2016 : Sol du rez-de-chaussée : un hérisson de granulat 20/40 est posé sur 20 cm, pour ventiler la dalle de chaux-liège, qui est coulée sur 15 cm.
Pour la dalle chaux-liège, le dosage est de 230 kg de chaux Tradibat85HL + 330 kg de sable + 670 L de liège 4/8 par m3(bouchons recyclés fournis par l’association « La chaîne du liège »). Cette technique a été mise en œuvre sur les conseils de « Maisons Paysannes du Calvados ».
Mars 2017 : plancher du premier étage : l’ancien plancher est déposé. Des poutres et solives sont posées, et des canisses déroulées, qui serviront de coffrage. Puis c'est la pose des portes et des fenêtres en bois. Les travaux de charpente, de renfort et choix des huisseries ont bénéficié de l’appui technique de « Maisons paysannes de l’Eure ».
Mai 2017 : Plancher du premier étage : un papier Kraft est intercalé, puis un contre solivage posé. Une partie de la toiture nord (des tuiles en fibro-ciment, non changées) est momentanément découverte pour permettre de déverser le béton de chanvre à l’aide d’un godet.
Le mélange est réparti sur 30 cm, sans tasser, puis arasé. Divers capteurs sont installés également. Le dosage pour 1 m3 : 200 kg de chaux Tradibat 85HL + 270 L d’eau + 100 kg de chènevotte Kanabat
Leur épaisseur finale est homogène. Le béton de chanvre atteint 30 cm en pleine épaisseur ; il est de 15 cm en recouvrement des bois de colombage (de section 15 cm). Et 10 cm de béton de chanvre couvrent le soubassement brique-silex, épais de quelque 20 cm d’épaisseur.
Pose d’une ossature bois ; distribution des réseaux électriques et de communication ; installation de capteurs.
Pose des banches en bois sur 50 cm de haut. Le béton de chanvre est rempli manuellement sur 20 cm de haut, avant d’être tassé au droit des parois et montants en bois (le « cœur » est laissé aéré).
Le béton de chanvre peut être décoffré aussitôt. Le dosage pour 1 m3 : 330 kg de chaux Nathural NHL3,5 + 350 L d’eau + 100 kg de chènevotte Kanabat
Noyés à l’intérieur, les colombages sont apparents à l’extérieur.
Septembre 2017 : Un enduit chaux-sable lissé vient protéger le mur sud.
Il faut compter 70 € pour la dalle en chaux-liège, 125 € pour les murs chaux-chanvre, 65 € pour l’enduit intérieur chaux-chanvre et 110 €, pour le plancher chaux-chanvre
En attendant des preuves scientifiques chiffrées, certains maîtres d’ouvrage choisissent désormais de faire confiance au matériau dans des réalisations de grande ampleur : le premier bâtiment tertiaire de grande superficie réalisé en France en béton de chanvre sort de terre près de Rennes.
Utilisant notamment un système novateur de mur rideau bois/béton de chanvre (avec de la chaux Tradical de chez BCB) il sera le premier bâtiment labellisé E+C- en béton de chanvre et, par ailleurs, le premier labellisé Bas Carbone en béton de chanvre.