Légende : Depuis le 1er juin s’applique la nouvelle norme internationale sur la filtration de l’air soufflé dans les espaces intérieurs. Une mesure qui s’ajoute à l’application des nouvelles règles d’éco-conception à la ventilation et à l’évolution des avis techniques sur ces matériels.
L’année 2018 marquera-t-elle la ventilation d’une borne aussi visible que 1983, date de la publication des textes majeurs pour ce domaine de la construction et toujours en application ? Quelques faits marquants semblent indiquer que ce pourrait bien être le cas.
Premier indice. Après la charge menée par la directive ERP, dite Éco Conception, pour faire évoluer les moteurs gourmands en énergie – qui a impacté les fournisseurs de circulateurs et de pompes –, la ventilation est entrée dans la même tourmente.
Depuis 2016, cette directive européenne touche aussi les ventilateurs, turbines et enveloppes des caissons de ventilation. Cette mesure d’application obligatoire a conduit les fournisseurs à renouveler leurs gammes avec des matériels équipés de moteurs basse consommation à commutation électronique, souvent en prise directe sur les ventilateurs, et dans des enveloppes à la fois très isolées et très étanches.
Deuxième indice. En France, la CCFAT, la commission chargée de formuler les avis techniques au sein du CSTB, a aussi contribué au coup de balai. En 2015, elle a largement revu le cahier des prescriptions techniques de tous les systèmes de ventilation simple flux hygroréglables, dit « Cahier 3615 ».
De fait, au 31 décembre dernier, tous les avis techniques sur les groupes de ventilation devenaient caducs. Les industriels ont repris leur rédaction. Désormais, ces dernières doivent satisfaire aux nouvelles prescriptions intégrant les dernières innovations, tant au niveau des moteurs que de leur régulation.
Ce nouveau « cahier des prescriptions techniques connues » tient particulièrement compte de l’intérêt des moteurs de dernière technologie au regard de la maîtrise des déperditions de chaleur dans les constructions. En collectif, ce point était déjà géré par deux coefficients de dépassement, ou Cdep ; Ils dépendent de la taille du logement (T1 à T7 et plus) et du fonctionnement du groupe d’extraction.
Ainsi, le Cdep1 s’applique à un caisson de ventilation fonctionnant avec une commande 0-10 V standard, non régulée ; le Cdep2 concerne un caisson qui travaille en pression constante (avec une « courbe plate ») et d’au moins 140 Pa ; et désormais, un Cdep3 prend en compte un caisson régulé en pression optimisée, c’est-à-dire avec une courbe montante, dotée d’un asservissement ou d’une régulation spécifique.
L’intérêt du Cdep3 est de pouvoir valoriser les systèmes de dernière génération. Principalement, leur pression de fonctionnement augmente lorsque le débit augmente, ce de manière à ajuster la consommation électrique au besoin. Ce qui, inversement, signifie qu’il applique au débit de base une pression inférieure à celle au débit maximal. De fait, la consommation des moteurs sera sensiblement réduite.
À l’occasion d’une récente présentation technique, le fabricant France Air annonçait que le gain de consommation entre une version « à pression constante » et « à pression optimisée » atteignait 18 à 20 %. Pour aider les entreprises de maintenance à argumenter leur choix d’équipements innovants auprès des maîtres d’ouvrages, ce fournisseur souligne, qu’à plage de fonctionnement équivalente, ce delta atteint 50 % entre une centrale d’ancienne génération, de type « à poulie et courroie » pilotée par variateur de fréquence, et celles « à pression optimisée ».
Tout en maintenant un débit hygiénique, ces nouvelles solutions techniques devraient permettre un gain de consommation de chauffage de quelques kWhep/m².an, notamment sur les grands logements dont le niveau de Cep étaient précédemment handicapés en raison des déperditions occasionnées.
Troisième indice : le changement de norme de filtration des centrales de traitement d’air. En effet, après une période de tuilage des normes de six mois, la norme de filtration EN 779 qui classait les filtres entre grossiers (G1 à G4), moyens (M5 et M6) et fins (F7 à F9) a laissé la place à la norme internationale NF EN ISO 16890.
Rédigé en tenant compte des demandes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de qualité d’air intérieur au regard de la pollution extérieure, notamment les particules fines de 10 µm, 2,5 µm et 1 µm, cette norme bouscule les industriels, les prescripteurs et les mainteneurs (figure 1). Depuis ce printemps les industriels au sein d’Uniclima et les ingénieurs de l’AICVF Île-de-France organisent des réunions pour informer leurs adhérents des principes novateurs de ce texte.
Figure 1 : Selon les exigences, les filtres doivent afficher une efficacité minimale de 50 % dans leur classement
Du côté des industriels, la nouvelle norme demande de retenir de nouveaux modes de test et de classement. celui-ci s’effectue d’après des poussières standard d'une granulométrie plus proche de la réalité ; le test porte sur l’ensemble du filtre et non un échantillon ; et le classement de performance de filtration s’effectue après calcul de la moyenne de son efficacité l’état neuf et usager. Pour entrer dans l’un des nouveaux classements ePM10, ePM2,5 ou ePM1 – le « e » signifiant « efficacité » –, le filtre devra afficher une efficacité de plus de 50 %, la moyenne étant systématiquement ramenée au pas de 5 % inférieur.
Ce type de classement a pour effet de modifier marginalement les classements ; il est d’autant plus perturbant pour les professionnels et les bureaux d’études ou mainteneurs d’installations qu’aucune correspondance ne peut être établie entre les filtres G, M ou F et les nouveaux ePM. Le temps de voir disparaître les anciennes habitudes, des tableaux de correspondance sont apparues (voir la figure 2 et 3).
Figure 2 et 3 : Sans correspondance entre l’ancienne et la nouvelle norme, les prescripteurs ont d’eux-mêmes élaboré des tableaux d’équivalence indicatifs. En voici 2 exemples. Selon qu’ils soient à poches ou rigide, en matière synthétique ou en fibre de verre, ces classements peuvent toutefois considérablement varier.
Le grand intérêt de la norme volontaire NF EN ISO 16 890 est de permettre de traiter un bâtiment en tenant compte de la pollution de son environnement extérieur.
1- Elle tient compte des valeurs guides d’exposition des occupants dictées par l’OMS. Pour les PM10, la valeur guide est de 20 µg/m3 avec des pointes à 50 µg/m3 au maximum trois jours par an. pour les PM2,5, elle est de 10 µg/m3, avec une tolérance à 25 µg/m3 au maximum trois jours par an.
2- La nouvelle norme définit trois niveaux de pollution extérieur, les ODA comme « outdoor air », d’après ces valeurs guides :
* ODA 1, un air peu pollué, qui correspond à la valeur guide de l’OMS, ce qui correspond à la campagne (hors périodes d’épandage de phytosanitaires…)
* ODA 2, un air relativement chargé en particules, entre une fois et une fois et demi la valeur-guide de l’OMS, soit un environnement urbain peu dense,
* ODA 3, Un air très pollué, de plus d’une fois et demi la valeur-guide de l’OMS, c’est-à-dire un environnement urbain soumis aux pollutions routières ou industrielles.
3- Face à cela, la norme crée cinq niveaux de qualité d’air soufflé, dits « SUP » :
* SUP1, applicable aux salles blanches, aux blocs opératoires… Le niveau de PM2,5 sera ≤ 2,5 µg/m3, celui de PM10, ≤ 5 µg/m3.
* SUP2, pour les locaux publics, bureaux, salles de spectacles… Le niveau de PM2,5 sera ≤ 5 µg/m3, celui de PM10, ≤ 10 µg/m3.
* SUP3, applicable aux centres commerciaux, entrepôts… Le niveau de PM2,5 sera ≤ 7,5 µg/m3, celui de PM10, ≤ 15 µg/m3.
* SUP4, applicable aux espaces communs, escaliers… Le niveau de PM2,5 sera ≤ 10 µg/m3, celui de PM10, ≤ 20 µg/m3.
* SUP5, applicable aux garages, parkings, salles informatique… Le niveau de PM2,5 sera ≤ 15 µg/m3, celui de PM10, ≤ 30 µg/m3.
L’intérêt de cette nouvelle norme est de proposer des solutions de filtration minimale (Figure 4).
Figure 4 : Basée sur les préconisations de l’OMS, la qualité d’air intérieur peut être maîtrisée sur la base de la connaissance de la qualité d’air extérieur et de l’efficacité de la filtration.
Au fil des mois et des révisions des différentes normes, et sur cette base, les experts devraient prochainement tomber d’accord sur les pourcentages d’efficacité des solutions de filtration à retenir.
Comment parvenir à répondre ponctuellement aux demandes des maîtres d’ouvrage ? Les associations régionales de mesure de la qualité d’air extérieur, réunis au sein d’Atmo France, sont en mesure de fournir des données. Pour l’instant, leur grille d’analyse est relativement large. À Paris, seulement trois stations sont en activités.
Mais toutes ces structures s’engagent actuellement dans la construction de bases de données dites « spacialisées et à haute définition ». En clair, un investisseur devrait, à l’avenir, pouvoir demander des données relevées sur un territoire précis, selon un pas horaire ou inférieur. À charge pour les bureaux d’études de produire les équipements de ventilation et leur régulation idoines : conception du bâtiment, placement des prises d’air neuf, ventilation et filtration, maintenance des filtres…
Pour donner aux industriels et exploitants un temps d’avance, en 2017, Airparif a lancé AirLab. Cette initiative a pour but de proposer aux fournisseurs réunis en équipes de tester des solutions à industrialiser. Exemple : gérer la qualité d’air intérieur en temps réel par rapport à l’évolution de la qualité d’air extérieur. Six projets AirLab sont en cours.
Enfin, dernier indice de changement : la qualité d’air intérieur figure en clair dans l’article 55 de la la loi Elan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), actuellement en discution au Sénat. La prise en compte de ce sujet serait en partie liée à l’action de l’association HQE-GBC auprès des parlementaires. Est-ce une première marche avant la remise à plat de l’arrêté ventilation de 1983 ?
Source : batirama.com/ Bernard Reinteau