Le Onze est un projet de 12 logements collectifs implanté à proximité du centre-ville de Chartres sur 3 étages. Pilotée par le promoteur Pierre et Territoire Eure et Loir-Procivis, l’opération s’inscrit dans le cadre d’une démarche écoresponsable expérimentale en visant le label ambitieux E2C1.
Rappelons que l’expérimentation E+C- (E pour énergie positive et C pour réduction carbone) a été encouragée par la DHUP afin de mesurer et valider les conséquences de l’évolution de la réglementation thermique actuelle (RT2012) vers la nouvelle réglementation environnementale RE2020 (dont on ne connaît pas encore le curseur exact en termes de réduction carbone, c’est à dire le fameux C-).
La résidence de 12 logements collectifs, le Onze, sera livrée en février 2020 après 12 mois de travaux.©DR
Toujours est-il que quelques projets démonstrateurs ont été menés en France, parmi lesquels, celui du Onze en Eure-et-Loir. Ce type d’opération expérimentale n’est jamais simple car il innove sur de nombreux points.
Il requiert au préalable la coordination étroite de divers acteurs de l’acte de construire (promoteur, architecte, bureau d’étude, industriels, entreprises) qui ne maîtrisent pas d’emblée les sujets de l’économie circulaire et du circuit court.
Outre les sujets de l’économie circulaire et du label E+C-, deux autres thèmes complémentaires ont permis d’articuler la démarche en cours : l’intégration de granulats de béton recyclé dans les produits préfabriqués en béton et BPE et l’exploitation du BIM en phase travaux par les TPE-PME.
L’équipe de maîtrise d’ouvrage Pierre & Territoire Eure-Loir et Procivis Eure-et-Loir en visite chez Granudem (spécialiste des granulats de béton recyclé) a privilégié un projet environnemental sans révolution et à coût maîtrisé.©F. Leroy
Deux conditions essentielles ont cependant été posées par le maître d’ouvrage : pas question de verser un centime de plus en coût de construction pour ce projet environnemental, ni de modifier les méthodes de travail des acteurs locaux. En clair, pas de révolution sur ce projet, mais des innovations… à moindre frais. Précision : le coût d’accession à la propriété de l’immeuble en question est plafonné à 3100 € TTC/m2.
Les acteurs opérationnels et filières industrielles se sont par conséquent impliquées pour répondre au cahier des charges du maître d’ouvrage. C’est le cas de la FIB (Fédération de l'industrie du béton) et du Cerib, lauréat en 2018 de l’Appel à manifestation d’intérêt « permis d’innover ».
Objectif de la filière du béton : répondre à la démarche d’écologie industrielle et territoriale (EIT) en utilisant des granulats de béton recyclés issus de la déconstruction de Chartres métropole. Des granulats destinés à être réutilisés dans les ouvrages en béton structuraux réalisés à partir du BPE ou de produits industriels préfabriqués.
Le projet démonstrateur a utilisé des granulats de béton recyclés issus de la déconstruction d’ouvrages de Chartres métropole, des granulats produits par Granudem.©F. Leroy
Un pari tenu puisque le projet de construction intègre 80 millions de tonnes de béton recyclé et permettra d’économiser 360 tonnes de CO2, soit – 20 % d’impact carbone par rapport à une opération classique, affirme le maître d’ouvrage.
Le maître d’ouvrage a choisi de mixer les matériaux (béton en rez-de-chaussée, briques Bio Bric pour les murs de façades et bois pour le 3e étage). Il a utilisé le béton recyclé dans les 400 m3 de béton structuraux de chantier. Cela concerne précisément le BPE (béton prêt à l’emploi) utilisé pour couler les dalles et les blocs à bancher mais aussi les ouvrages réalisés en béton préfabriqué : les escaliers (fabriqués par PBM) et les prémurs réalisés par un acteur local : Spurgin Léonhart
Notons que les prédalles en béton précontraintes (BP) sont en béton courant, la NF EN 206/CN n’autorisant pas encore l'utilisation de GBR dans les produits en béton précontraint.
Quant aux autres produits testés, ils intègrent 20% de granulats de béton recyclé (GBR), c’est à dire des granulats issus de la déconstruction de bâtiments locaux et traités par Granudem, autre acteur local situé à Poisvilliers (28). Cette plateforme est spécialisée dans le stockage des matériaux de démolition et la production de granulats recyclés.
La production de granulats de béton recyclé de qualité permet leur réincorporation dans de nouveaux bétons, selon Granudem, qui envisage de développer son activité en France via des licences accordées à des opérateurs locaux dans les autres départements.©F. Leroy
Le démonstrateur a permis de valider l’utilisation de granulats recyclés à hauteur de 20 % dans les bétons structuraux mis en oeuvre, notamment dans les prémurs. Alors, pourquoi seulement 20 % ? « La réglementation est encore très rigide et ne permet pas de mettre en oeuvre des produits innovants aussi rapidement", répond Pierre Bollard, directeur général de Spurgin Leonhart Préfabrication (voir encadré sur la norme NF EN 206/CN ci-dessous)
Selon le directeur général, il aurait été possible d’aller plus loin. « On est resté dans le cadre fixé par les assureurs car en dérogeant, il aurait fallu obtenir des Atex (Appréciation technique d’expérimentation) qui sont des procédures longues et compliquées » reprend Pierre Bollart. Le responsable estime ainsi qu’il est possible de réaliser le noyau de remplissage du prémur avec une quantité de granulat recyclé bien supérieure à 20 %.
En rez de chaussée, l’immeuble est construit avec des prémurs béton matricié utilisant du granulat recyclé ©F. Leroy
Spurgin Leonard Préfabrication a ouvert une 4e unité de production de prémurs à Chartres (il y en a 5 en France en tout). Pierre Bollart, directeur général, estime qu’il est possible de réaliser le remplissage du prémur avec une quantité majoritaire de béton de granulat recyclé.©F. Leroy
L’expérience a en tout cas permis aux industriels du béton de réfléchir à améliorer leurs procédés de production. « Notre idée serait de parvenir à intégrer des granulats recyclés en les faisant prémélanger en amont et notre carrier SMBP y réfléchit actuellement » confie Pierre Bollart.
A noter que les blocs béton (creux, pleins ou à bancher) utilisés sur le chantier (et fournis par Risori) sont courants, sans GBR, car contraints par une certification NF et un planning de livraison exigeants. Rasori a néanmoins lancé des productions tests de Blocs béton avec un taux de substitution de 100% de sables recyclés, en cours d’essais mécaniques, avant d’envisager de lancer une production régulière. Affaire à suivre…
Bois, Briques et blocs béton participent au projet de construction. Les blocs béton utilisés sur le chantier sont sans granulats de béton recyclé, mais leur fabricant envisage de lancer une production régulière avec 100 % de sables recyclés. ©F. Leroy
Leur substitution consiste à remplacer les granulats courants par des granulats recyclés à un certain taux :
Source : batirama.com / Fabienne Leroy