Construction mixte bois-acier pour le grand atelier Louis Vuitton

Construction mixte bois-acier pour le grand atelier Louis Vuitton

Inauguré par Louis Vuitton, l’atelier de maroquinerie de Beaulieu-sur-Layon, dans le Maine-et-Loire, constitue une référence de l’architecture française industrielle, mais aussi de la construction mixte bois-acier.




Il y a vingt ans, l’architecte Dominique Perrault surprenait en concevant, au Cellier-sur-Loire, une usine aussi immense que basse et fondue dans le paysage par les clins en inox poli de sa façade.

 

Alors que cette usine Aplix fait actuellement l’objet d’une extension, le 16e atelier français du maroquinier Louis Vuitton, qui s’y réfère par sa silhouette et son élégante discrétion, poursuit la quête d’une architecture industrielle française digne des enseignes de luxe qu’elle abrite.

 

L’atelier de Beaulieu-sur-Layon s’inscrit comme une réponse aux polémiques autour de la délocalisation passées des activités de confection. Et crée également une sorte de standard à partir duquel le groupe est en mesure de bâtir de façon rationnelle des surfaces de travail dont la polyvalence est un gage de pérennité.

 

Aplix reloaded

 

Le projet de Beaulieu remonte au début de la décennie et identifie un terrain bien raccordé, tant aux marchés qu’aux ateliers vendéens de la marque. L’agence DE-SO entre en scène lorsque, cinq ans plus tard, le groupe opte pour une multiplication des ateliers en France : non loin des ateliers de Ste Florence en Vendée, l’entrepôt logistique de la Merlatière fait l’objet d’une reconversion express (3 mois) en atelier de production.

 

Outre la création d’un nouveau site de production à Beaulieu, Louis Vuitton programme une extension de son site de Saint-Pourçain dans l’Allier, en ajoutant la création d’un restaurant d’entreprise. DE-SO n’est pas une agence spécialisée dans l’industrie, loin de là.

 

Et il est significatif qu’au moment où le projet de salle polyvalente de La Boiserie de Mazan est remis à l’honneur dans le cadre des Fibra Awards dédiés à l’architecture biosourcée, cette même réalisation emblématique a joué son rôle pour la sélection de l’agence par sa capacité d’intégration d’un projet dans l’espace rural.

 

Car à Beaulieu, on n’est pas avenue Georges V et l’enjeu n’est pas de faire lire en grosses lettres le nom de l’enseigne aux vignobles du Layon ou aux usagers de l’autoroute A87. L’usine Aplix de Perrault reflète la campagne environnante tout en se faisant remarquer. Celle de Louis Vuitton à Beaulieu fond le bâtiment dans le paysage, tout en l’ouvrant largement sur l’extérieur, notamment par l’immense baie ininterrompue côté nord.

 

 

Les poutres sont complétées par des caissons en CLT qui font office de diaphragme. ©DE-SO

 

L’art de la mixité

 

Le programme se résume pour l’essentiel à une surface couverte et libre d’un seul tenant sur environ 6000 m2, visant une certification environnementale BREAAM « very good ». La démarche de DE-SO est on en peut plus rationnelle : 6000 m2, c’est 100 x 60 m.

 

Si une poutre sépare l’ouvrage dans le sens longitudinal, il suffira d’y placer en appui, perpendiculairement, des poutres d’une portée de 32 m environ. Les ateliers ne requièrent pas une hauteur importante. C’est pourquoi l’agence se réfère tout simplement à la hauteur maximale des vitrages de la baie, soit 6 mètres.

 

En mono-matériau, les poutres en BLC descendraient assez bas. Des sous-tensions métalliques triangulées font l’affaire du bureau d’études T/E/S/S, d’autant qu’elles vont permettre d’abriter les réseaux techniques et d'exploitation.

 

Cette charpente mixte fera agir la couverture en panneaux CLT en diaphragme, tout en apportant une touche de confort. Les travaux sont confiés à Briand Construction Bois, experts de bois-métal. N’en déplaisent aux chantres de la préfabrication, et pour des raisons pratiques, les poutres triangulées sont reconstituées sur site à l’aide d’un gabarit. Elles associent d’emblée deux poutres en BLC côté haut, préparant la pose des caissons en CLT et servant de support d’éclairage.

 

Ces 32 poutres reposent côté façades, sur de fins poteaux métalliques contreventés par endroit par des croix de Saint-André. Au milieu, les poutres prennent appui sur une poutre centrale triangulée entièrement métallique, en appui sur six poteaux en V espaces de 15 m de même nature. Tout a été conçu pour paraître léger et aérien.

 

Des lanterneaux apportent un surcroît de lumière zénithale, la toiture n’ayant été conçue ni pour une végétalisation, ni pour l’installation massive de panneaux photovoltaïques, supporte les équipements de ventilation sur son arrête centrale.

 

 

Les choix structurels permettent de dégager l’espace pour un ouvrage dont la hauteur totale dépasse à peine 6 mètres. ©DE-SO

 

Ordre et beauté

 

La façade strictement tramée à 2,5 m prolonge précisément le pas de la charpente. Au nord, elle est intégralement vitrée sur toute la hauteur : une gageure en termes d’efficacité énergétique, mais les calculs font apparaître que le ratio entre cette surface et l’ensemble du bâtiment est suffisamment faible.

 

Pour le confort d’été, mais aussi pour l’élégance globale de l’ouvrage, les toitures sont largement débordantes, faisant apparaître une poutraison entièrement en bois, tout en jouant sciemment sur la finesse du complexe de toiture qui apporte une touche de distinction à l’ouvrage.

 

Les caissons opaques préfabriqués en ossature bois sont masqués côté extérieur par des parements en métal déployé. A l’intérieur du bâtiment, quelques locaux fermés se détachent des parois pour mieux lire l'espace.

 

 

Les façades exposées au soleil sont protégées par l’auvent et des parties opaques habillées de métal déployé. ©DE-SO

 

Un « grand atelier d’artiste » primé lors d’un concours

 

La performance face au feu est atteinte par la visibilité de la charpente et l’ouverture de l’espace. Quant à l’acoustique, il s’agit du point sensible de l’ouvrage. Le projet prévoyait d’habiller les poutres triangulées de panneaux absorbants, une solution qui n’a finalement pas été retenue, notamment à cause de l’insuffisance de son effet.

 

Il est probable que dans un second temps, ou dans le cas d’une réutilisation des plans pour d’autres ateliers plus bruyants, des baffles verticaux suspendus entre les poutres s’imposeront peut-être, en complément de cloisonnettes acoustiques mobiles.

 

Pour l’heure, le confort acoustique ne remet nullement en cause l’adhésion du personnel à ce lieu de travail qu’il tend à désigner, avec une pointe d’incrédulité, comme « grand atelier d’artiste », en résonnance avec le Prix National de la Construction Bois 2019 décerné à l’ouvrage dans la catégorie « travailler, accueillir » avec la mention « industriel ». Quant à l’agence DE-SO, l’agence a d’ores et déjà pu décliner son concept en l’adaptant à un autre projet d’atelier de l’enseigne, en cours de réalisation.

 

 

La façade nord est intégralement vitrée, ce qui suscite précisément, chez les utilisateurs, cette impression de « grand atelier d’artiste ». ©DE-SO


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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