La crise sanitaire inédite qui frappe le monde et le pays a plongé la filière de la construction dans le plus grand désarroi. Alors que le syndicat des négociants en bois et matériaux, FNBM, avait obtenu le maintien de l’ouverture de ses points de vente, pour satisfaire à la demande de sa clientèle professionnelle, les organisations syndicales de la construction ont demandé 24 heures plus tard, l’arrêt pur et simple de leurs activités, pour des raisons de santé et sécurité.
Un communiqué commun signé par la Capeb, la FFB et la FNTP demande en effet un arrêt temporaire des chantiers pour pouvoir s’organiser. « La santé et la sécurité des personnes est une priorité absolue pour les entreprises de Bâtiment et de Travaux Publics » fait valoir le communiqué.
"Face à des mesures de protection qui ne sont pas toujours assurées pour les salariés, en l’absence notamment de masques de protection, face à des donneurs d’ordre qui, de manière éparpillée, arrêtent certains chantiers, face à des difficultés majeures d’approvisionnement, face à certaines interventions des forces de l’ordre pour interrompre des chantiers, le BTP est confronté à une désorganisation, à des risques sanitaires et à une incompréhension mêlée d’inquiétude légitime à la fois des chefs d’entreprise et des salariés.
Pour rappel, le BTP emploie en France plus de 2 millions de salariés sur tout le territoire national. Il est de notre responsabilité collective de limiter au maximum les risques de propagation du coronavirus et de trouver avec le Gouvernement des solutions pour protéger la santé des salariés et assurer la poursuite de l’activité dans de bonnes conditions" concluent les signataires du communiqué.
Les syndicats de la construction n’ont pas tort : la désorganisation et la pagaille semble générale sur les chantiers, face aux incertitudes de la crise sanitaire. Une pagaille accrue par la diversité des situations rencontrées sur le terrain selon la typologie des chantiers et des acteurs en charge des projets de construction.
Si certaines entreprises de travaux ont rapidement pris la décision d’arrêter leurs activités au moins pour 15 jours, d’autres se posent encore des questions… tout en constatant des obstacles de plus en plus nombreux.
D’une part, l’approvisionnement en matériaux devient compliqué : certaines centrales à béton suspendent leurs activités de même que les gros acteurs du béton préfabriqué (Compobaie et Alkern ont fait part de leurs décisions de stopper leurs usines).
D’autre part, il est difficile pour les entreprises de garantir la sécurité de leurs salariés vis à vis du virus sur les chantiers. « Est-ce simple ? demande Jean Balas, président du groupe Balas. Nous, dirigeants d’entreprises du Bâtiment devons prendre les mesures pour protéger nos salariés, respecter les consignes du gouvernement pour éviter tout déplacement, répondre aux demandes de nos clients, payer nos salariés et nos fournisseurs, expliquer à nos salariés l’explicable et en même temps réaliser la production indispensable à notre survie en attendant que l’état nous rembourse ou tout simplement nous paye nos factures dans les délais… Si vous avez une solution… »
De son côté, certains comme Nicolas Baudy, de Bati services, se demandent si le gouvernement connait bien les spécificités de l’activité du BTP. "Le gouvernement est-il au courant que pour se rendre sur chantier, une voiture ou camionnette avec plusieurs personnes à l’intérieur est nécessaire ? Est-il au courant que sur le chantier, nous pouvons éternuer dans nos gants et passer de la main à la main un outil" se demande l'entrepreneur.
"Est-il au courant que des surfaces métalliques ou en acier, comme des élingues ou encore les garde-corps sont touchés par des dizaines de personnes par jour ? ou que le matériel électroportatif se passe de la main à la min et non par e-mail ?" termine-t-il.
D’ailleurs, certains se demandent aussi qui doit prendre la responsabilité d’arrêter les chantiers en cours : maître d’ouvrage, dirigeant d’entreprise, conducteur de travaux, ingénieur de sécurité ?
Certains acteurs se renvoient la balle, ainsi tel architecte regrettant que les coordonnateurs SPS n’aient pas pris la décision de mettre fin aux chantiers en cours. Et ceux-ci de leur rétorquer que la réponse n’est pas simple compte tenu de la situation inédite.
« En effet, en tant que tel, le CSPS ne peut pas arrêter le chantier mais il peut faire cesser une situation de danger grave imminent conformément à son contrat. Il peut également jouer un rôle pour éviter « les risques », mais le risque du virus génère-t-il une obligation d’arrêt de chantier ? » s’interroge Eddie Gimenez de la société Secure coordination. Il est vrai que cette situation exceptionnelle n’est pas à ce jour mentionnée dans les textes.
Enfin, de leurs côtés, les négociants agissent en ordre dispersé : certains qui avaient décidé de maintenir l’ouverture de leurs points de vente ont finalement décidé de les fermer (dont Point.P chez SGDB) tandis que d’autres tentent de poursuivre leur activité, en appliquant les consignes sanitaires.
La fédération nationale des bois et matériaux explique dans un communiqué que les négociants « conscients de leurs devoir de civisme et de solidarité » souhaitent dans les délais les plus brefs, organiser la réouverture de leurs agences… ».
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy