Le chantier du pôle scientifique du Lycée de Feurs (maître d’œuvre : Archipente/construction bois : Lignatech) est stoppé en cours de réception. Les entreprises ont terminé … à l’exception du lot paillasses.© : Lignatech
La semaine 12 de l’année 2020 s’inscrira tristement dans les annales, avec son parcours abyssal partant parfois d’une suractivité de dernière minute pour arriver à une suspension quasi-totale de l’activité, notamment dans le domaine du bois.
Lundi dernier, certains négoces spécialisés ont connu une forte activité parce que leurs clients ont voulu anticiper les fermetures qui s’annonçaient. Parallèlement, l’injonction de confinement a poussé les employés à s’occuper de leurs familles en premier lieu, ce qui a contribué à une démobilisation en série, confortée par les difficultés que rencontraient les entreprises à mettre en place les dispositifs de prévention.
Cet écroulement de l’activité n’est pas allé sans passes d’arme entre notamment la FNBM et la FNB, les scieurs s’insurgeant contre la fermeture des négoces qui sont aussi leurs clients directs, interrompant ainsi le flux de livraison et les commandes.
Les négoces pouvaient de leur côté justifier leur décision par la cohésion historique des trois grandes organisations professionnelles du Bâtiment. Ces dernières ont demandé un arrêt de tous les chantiers pour deux semaines, afin de permettre une adaptation de ces derniers à principes de précaution.
Le ministère du travail est venu en support de la FNB, de même que le gouvernement, pour tenter de freiner cet emballement. Tout cela s’est produit dans un contexte de rumeurs évoquant un renforcement supplémentaire du confinement, qui ne devait maintenir l’activité que pour les secteurs vitaux.
En réalité, la fin de la semaine a été marquée par les rappels à l’ordre. Tantôt, c’est un préfet de région qui insiste pour qu’un papetier poursuive la production de papiers hygiéniques. Ailleurs, des raboteries doivent tourner pour alimenter les chaufferies des hôpitaux.
La FNB insiste dans un communiqué publié en fin de semaine sur la nécessité vitale de poursuivre l’activité de la filière bois : Sans palettes bois, la logistique s’arrête et les usines de gel, de masques, de l’agroalimentaire seront bloquées.
Sans papeteries, l’approvisionnement de biens essentiels s’arrête (produits d’hygiène, cartonneries, emballages de médicaments,… ). La FNB en dérive la nécessité impérative de continuer à récolter et à approvisionner les scieries, d’autant que l’Office National des Forêt a pris des mesures pour permettre une poursuite des activités commerciales jugées vitales.
Un an après l’incendie, le chantier d’étaiement de la cathédrale est très avancé. La phase critique de l’évacuation de l’échafaudage, préparée dès la mi-décembre par l’installation d’une immense grue, devait démarrer le 22 mars. Le chantier est stoppé, entre autres par le fait que les sas de décontamination plomb ne permettent pas de garantir la distance réglementaire. ©JT
Durant le week-end, un accord est intervenu entre les fédérations patronales du Bâtiment et le gouvernement, qui prévoit la diffusion « dans les prochains jours d’un guide de bonnes pratiques, préalablement validé par les Ministères du Travail et des Solidarités et de la Santé ».
Immédiatement, l’accord a été dénoncé par la CGT Construction-bois-ameublement, qui demande aux employés de ces filières de rester chez eux. Le lundi 23 mars, la CGT dénonce le parti-pris de l’OPPBTP en termes très durs, évoquant « un crime de masse » et citant en exemples les conséquences funestes du maintien des chantiers en Italie, désormais suspendu.
Concrètement, le syndicat demande que « l’ensemble des soignants et des services de santé du BTP (Médecine du travail) soit intégré dans la chaîne sanitaire et soit également partie prenante pour un avis de reprise des activités sans risque aucun pour les salariés ».
Si l’on écoute la CGT, les seules activités essentielles caractérisées, en matière de bois, se situent macabrement dans la fabrication de cercueils. Pour la CGT, les travaux neufs ou de rénovation sont secondaires jusqu’à la fin du confinement.
La crèche publique installée en plein périmètre de l’hôpital St Louis, à Paris, est en cours d’achèvement mais le clos-couvert est effectué.©JT
Fermer en cascade semble d’ores et déjà plus facile à faire que redémarrer. Outre les désaccords entre les fédérations patronales et salariales sur le plan national, le redémarrage d’une chaîne de valeur complexe comme celle du bois place les acteurs devant une situation complexe.
Les chantiers jouent un rôle déterminant pour le fonctionnement de la filière bois, tant en termes de volume de bois consommé que de valeur ajoutée, ce que vient de mettre en évidence la Veille Economique Mutualisée mise en place par la filière bois.
Le point commun entre un maçon et un charpentier, c’est la promiscuité dans les transports, les vestiaires, le besoin de restauration dans des conditions sanitaires optimales. Mais aussi, dans le cas de la menuiserie ou de la charpente, la difficulté de respecter les distances de sécurité lors de la manutention des éléments sur le chantier.
La préfabrication est une option de la construction « virale » du futur, à l’image de ce que pratique l’entreprise Sybois. ©Willy.Berre
Toutefois, le propre de la filière bois et la contrepartie de sa complexité, c’est que certains secteurs ne se sont pas arrêtés. Les abatteuses, voire le débardage peuvent se gérer avec une personne isolée.
Les achats de bois sont plus compliqués, dans la mesure où les acheteurs doivent battre la campagne pour inspecter des lots, sans possibilité de restauration. Les petites unités de transformation, qui emploient un nombre restreint de personnes, parviennent à procéder aux aménagements sanitaires, par exemple en décalant les repas.
En conséquence, pour l’heure, certaines entreprises de transformation spécialisées dans l’export européen continuent parfois même à plein régime. Ainsi, les transformateurs de hêtre sont tenus de transformer rapidement le bois abattu, sous peine de dégradation. Par ailleurs, certains transformateurs ont la possibilité d’approvisionner leurs propres stocks de produits transformés.
Evidemment, la transformation pour l’export se poursuit sous réserve d’une suspension possible de ces marchés. Ainsi, l’Italie vient de renforcer ses restrictions d’activité face à l’envolée de la mortalité épidémique. Le marché du meuble est affecté, avec des répercussions à attendre sur celui des approvisionnements français. La situation doit donc être réévaluée au jour le jour, et il n’est pas certain que le point bas soit atteint.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven