Covid-19, ventilation et climatisation, quels sont les risques ?

Covid-19, ventilation et climatisation, quels sont les risques ?

Avant la reprise du travail le 11 Mai, voici une approche rationnelle des installations de ventilation et de climatisations tertiaires face au risque de propagation du virus du Covid-19.




Avant la reprise du travail, prévue très progressivement à partir du 11 Mai, une question simple apparaît : est-ce que les systèmes de ventilation et de climatisation peuvent contribuer à répandre le virus du Covid-19 dans un immeuble de bureaux ? La réponse à cette question est en revanche relativement complexe.

 

Nous savons encore peu de choses sur la propagation du virus SARS-CoV-2 qui donne la maladie Covid-19. Mais nous en apprenons davantage semaine après semaine.

 

Par exemple, initialement, les chercheurs estimaient que le nouveau coronavirus se propageait par les gouttelettes libérées dans l’air lorsqu’une personne infectée tousse. Les chercheurs de l’université américaine John Hopkins ajoutaient que ces gouttelettes ne demeuraient pas longtemps en suspension dans l’air, mais tombaient au sol.

 

Depuis, on sait qu’elles peuvent s’accrocher sur des particules fines issues de pollutions intérieures ou extérieures et sans doute voyager loin en chevauchant ces particules. Nous faisons par conséquent l’hypothèse que le coronavirus se déplace comme les particules fines.

 

Des chercheurs italiens ont par ailleurs montré que la pollution aux particules fines constitue un substrat qui permet au virus de demeurer dans l’air pendant des heures, voire plusieurs jours.

 

Une étude chinoise a contribué à créer une certaine inquiétude puisqu’elle attribue un épisode de contamination, le 26 février dernier à Guangzhou, à la ventilation d’un restaurant.

 

 

Les unités extérieures des systèmes de ventilation, qu’elles soient à détente directe ou à eau, ne présentent aucun danger par rapport au coronavirus. ©Aermec

 

Pression et dépression

 

En ce qui concerne les systèmes de ventilation et de climatisation, il faut distinguer plusieurs configurations d’installations. Commençons par les réseaux de ventilation et de distribution d’air quand la climatisation s’effectue en tout air neuf.

 

Par rapport aux locaux qu’il dessert, un conduit de ventilation est soit en dépression quand il extrait l’air, soit en pression quand il l’insuffle dans le local.

 

Un conduit en dépression, même non-étanche, ne présente aucun danger de dissémination. En effet, s’il comporte des défauts d’étanchéité, cela signifie que l’air des locaux qu’il traverse est aspiré dans le conduit. Il n’y a pas de risque que l’air du conduit soit disséminé dans les locaux traversés. L’air, éventuellement contaminé, est expulsé à l’extérieur.

 

Cas de la VMC simple flux : risque faible de contamination

 

Dans le cas d’une VMC simple flux classique avec entrées d’air en façade, balayage des locaux et extraction dans les pièces humides, le risque est faible. Il apparaît seulement si une personne tousse dans un local, si les gouttelettes expulsées traversent d’autres locaux – le fameux balayage – avant d’entrer dans le conduit d’aspiration.

 

L’étude chinoise montre qu’il faut un débit d’air particulièrement important dans une pièce pour transporter des gouttelettes aérosols. Dans un restaurant ventilé par balayage avec entrée d’air dans la salle à manger, expulsion dans la même pièce et présence d’une unité intérieure de climatisation, une personne contaminée, mais asymptomatique à ce moment-là, a contaminé d’autres personnes à sa table et à deux autres tables séparées de la sienne par un mètre de distance au moins.

 

Les personnes assises à ces deux tables ont été exposées les unes pendant 53 minutes, les autres pendant 73 minutes. Les chercheurs concluent que le débit d’air important à la fois de la ventilation et du climatiseur a transporté les gouttelettes de table en table et permis cette contamination.

 

 

 

Selon des chercheurs chinois, dans un restaurant, le patient asymptomatique A1 a contaminé d’autres personnes à sa propre table et aux deux tables de part et d’autre. Les personnes assises aux tables non-soumises au même flux d’air (E et F) et le personnel du restaurant et des cuisines n’ont pas été contaminées. ©Guangzhou Center for Disease Control and Prevention

 

Les systèmes double-flux : l'efficacité des filtres à l'air primordiale

 

Dans le cas d’un conduit en pression, en revanche, un défaut d’étanchéité signifie qu’il est susceptible d’expulser de l’air parasite dans les locaux qu’il traverse. Tout dépend donc d’où provient cet air en surpression. S’il est prélevé directement à l’extérieur, puis filtré par des filtres efficaces, tout va bien.

 

La norme européenne EN 779:2012 définit trois catégories de filtre à air en fonction de leur efficacité moyenne à retenir des particules d’un diamètre de 0,4 μm. Les filtres G1 à G4, plutôt grossiers, retiennent moins de 40% des particules de diamètre 0,4 μm. Les filtres M (moyens) retiennent entre 40% pour la catégorie M5 et 80% pour la catégorie M6. Les filtres F (fins) affichent une efficacité moyenne supérieure à 80% : de 80 à 90% pour les filtres F7, de 90 à 95% pour les filtres F8 et supérieure à 95% pour les filtres F9.

 

Chaque type de filtre s’accompagne d’une perte de charge : 250 Pa pour les filtres G, 450 Pa pour les filtres M et F. Bref, une installation de ventilation dont l’entrée d’air neuf est équipée de filtres au moins F7 peut être considérée comme adéquate face au risque d’introduction de particules fines éventuellement porteuses de virus.

 

VMC double flux : privilégiez les flux séparés sans récupération de chaleur

 

Les systèmes double flux présentent plusieurs configurations différentes. Les installations anciennes offraient deux conduits et deux ventilateurs, sans échangeur de récupération de chaleur entre les deux. Si l’entrée d’air neuf est correctement filtrée, tout va bien. Rappelons au passage qu’on ne peut plus désormais remplacer ces installations à l’identique, puisque la Directive ecoDesign impose la récupération de chaleur.

 

Certains de ces anciens systèmes fonctionnent toutefois non en tout air neuf, mais avec un % ajustable d’air repris mélangé à l’air neuf pour l’insufflation. L’idée consistait à économiser l’énergie en ne chauffant pas ou en ne rafraîchissant pas la totalité du volume d’air neuf insufflé. Il vaut mieux bypasser cette possibilité et fonctionner en tout air neuf.

 

Si la récupération de chaleur s’effectue sans contact entre les flux d’air extrait et insufflé, par flux croisés, par exemple, tout va bien également. En revanche, les systèmes les plus performants avec des échangeurs enthalpiques qui récupèrent à la fois la chaleur et l’humidité de l’air extrait ou des échangeurs à roues qui accumulent la chaleur dans la veine d’air extrait et la transmettent par rotation à la veine d’air entrant peuvent poser des difficultés.

 

Comme les souches des virus SARS-CoV-2 sont pour l’instant réservées à la recherche biologique et médicale, les fabricants de ces types d’échangeurs n’ont pas pu les tester avec leurs systèmes. Voici par conséquent une recommandation simple : le 11 mai à la reprise du travail, il vaut mieux bypasser les échangeurs enthalpiques ou à roues des groupes double-flux qui en sont équipés et fonctionner en flux séparés sans récupération de chaleur. Les caissons double flux et les CTA offrent systématiquement cette possibilité.

 

 

 

Toutes les unités intérieures de climatisation, quelle que soit leur technologie, fonctionnent par brassage d’air. Si le débit d’air est important, cela peut favoriser la distribution du virus dans le local. ©PP

 

Les unités intérieures de climatisation : évitez les débits d'air importants

 

Dernier point, les unités intérieures de climatisation, par définition, brassent l’air en circuit fermé. Il semble bien que ce soit le mécanisme de transmission mis en cause dans l’étude chinoise portant sur le restaurant. Un fort flux d’air issu d’une unité intérieure de climatisation avec soufflage et reprise, quelle que soit la technologie détente directe ou émetteur à eau, contribue indéniablement à l’augmentation du risque de propagation dans le local ainsi traité, si une personne asymptomatique s’y trouve.

 

Voici pour finir deux recommandations. La première consiste à régler les débits d’air sur le minimum. Le confort s’en ressentira indéniablement. La portée du jet d’air sera réduite. Certaines parties d’un local ne seront plus directement chauffées ou rafraîchies. La seconde recommandation est plus extrême : s’il n’est pas possible de modifier le débit d’air, il vaut mieux que les personnes qui travaillent dans ce local portent des masques en permanence. Ce qui évitera d’expulser des gouttelettes contaminées par une personne asymptomatique.

 

Notons au passage que les solutions de rafraîchissement par radiation – dalle active, plancher, plafonds – ne présentent aucun risque puisqu’elles ne comportent pas de ventilateur. Ce n’est pas le cas des poutres froides – motorisées ou non - qui fonctionnent aussi par débit d’air et présentent donc, à cet égard, les mêmes contraintes que des ventiloconvecteurs ou des unités intérieures de climatisation à détente directe.

 

Pour mémoire, depuis quatre ans, environ, les industriels asiatiques mettent en avant le caractère bactéricide, voire virucide, des échangeurs de chaleur de leurs unités intérieures. Or, la plupart sont devenus très discrets sur ce thème. Les plus honnêtes, comme Panasonic par exemple, admettent volontiers que si leurs solutions sont capables de retenir bactéries et virus, en des proportions variables, chaque virus est différent. Panasonic souligne que, faute de disposer de souches de SARS-CoV-2, il n’a pas pu mesurer l’efficacité de son système nanoe-X sur ce virus en particulier.

 

 

 

Les systèmes de plafonds chauffants et rafraîchissants fonctionnent surtout par radiation, sans brassage d’air, simplement une convection naturelle. ©PP

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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