La réponse du gouvernement ne s’est pas faite attendre après la publication du « cri d’alarme du BTP », un communiqué signé notamment par la Fédération française du Bâtiment (FFB) et la Fédération nationale des Travaux publics, et relayé par la presse et les réseaux sociaux.
Les acteurs du BTP, redoutant un effondrement de la construction malgré la reprise des chantiers réclamaient cinq mesures à intégrer d’urgence au projet de loi de finances rectificatif, dont la prise en charge des surcoûts liés au Covid et l’annulation des charges fiscales et sociales.
Sur ces deux premières mesures, la profession a été entendue partiellement. A l’issue du conseil des ministres, le gouvernement a détaillé un dispositif qui tiendra compte d’une part des surcoûts (négociation systématique pour les marchés de l’Etat et recommandée pour les autres marchés publics) et d’autre part, des difficultés des entreprises de moins de 50 salariés (remise partielle des charges et non pas annulation totale). Deux mesures qui sont loin de satisfaire la profession, dont la FFB qui, a publié un communiqué par la suite.
Ainsi, concernant la prise des surcoûts des marchés de travaux de l’Etat (comprenant ceux de la SNCF, le Grand Paris ou la Solideo, société de livraison des ouvrages olympiques) les maitres d’ouvrages devront négocier rapidement avec les entreprises du BTP.
Le premier ministre a en effet envoyé une instruction aux maîtres d’ouvrages de l’Etat leur demandant de prendre en charge une partie des surcoûts liés à l’arrêt des chantiers et aux mesures sanitaires. Certes, répond la FFB qui précise que les marchés de l’Etat ne représentent que 2 % du chiffre d’affaires du Bâtiment.
Pour les autres marchés publics (commandés par les collectivités locales), le gouvernement a demandé aux préfets de « promouvoir des chartes définissant une approche solidaire des surcoûts » entre les parties prenantes des travaux (maîtres d’ouvrage, collectivités bailleurs, maîtres d’oeuvre et entreprises). Ce sera donc du cas par cas après discussion et négociation entre les acteurs.
Si aucun accord ne peut être trouvé, en cas de difficultés financières des collectivités locales par exemple, les préfets pourront agir, affirme le gouvernement. Les représentants de l’Etat pourront en effet utiliser leur pouvoir de dérogation pour mobiliser une partie des dotations de l’Etat (dotation de soutien à l’investissement local DSIL et dotation d’équipement des territoires ruraux DETR).
Afin de calculer le montant des surcoûts au plus juste et dans un souci de maîtrise de ses dépenses, le gouvernement va créer un comité de suivi. Il pourra évaluer et objectiver les surcoûts liés aux pertes de rendement sur les chantiers compte tenu de l’application des règles de sécurité sanitaire. Il sera piloté par le commissariat général au développement durable (CGDD) en lien avec les fédérations professionnelles.
Concernant la seconde mesure réclamée, l’annulation des charges fiscales et sociales, le gouvernement annonce une remise de 50 % des charges pour les entreprises de moins de 50 salariés ayant subi des pertes de chiffres d’affaires importantes. Une demande qui devra être formulée auprès de l’Urssaf. Quant à l’ensemble des entreprises, elles pourront demander un apurement de leurs charges reportées depuis mars sur une durée pouvant aller jusqu’à 36 mois.
Par ailleurs, le 3e projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) prévoit d’autres mesures intéressant les acteurs du Bâtiment. D’une part, l’Etat ajoute 1 milliard d’euros de dotation à l’investissement local, alors que l’enveloppe initiale prévoyait seulement 600 millions d’euros.
Au total, les collectivités disposeront d’un montant de 1,6 milliard d’euros pour financer des projets dans le domaine de la santé, transition écologique, rénovation thermique de bâtiments publics et restauration du patrimoine. Le gouvernement rappelle par ailleurs que ces dotations ont un effet de levier sur les financements des collectivités : un euro de dotation génère un investissement de 4 à 5 euros, ce qui multipliera par 4 ou 5 le montant des travaux investis, affirme-t-il.
D’autre part, le PLFR 3 renforce le dispositif de garantie de l’Etat à l’assurance crédit afin que les entreprises puissent conserver leurs couvertures. Rappelons que ce dispositif est important notamment pour les entreprises du BTP dont la trésorerie dépend du crédit interentreprises (en raison du décalage entre les achats de fournitures et la livraison des ouvrages). Or, la situation actuelle peut générer des faillites et donc des risques que les assureurs redoutent. Pour éviter un blocage de l’assurance-crédit, l’Etat garantira par conséquent les nouveaux contrats souscrits ainsi que ceux qui seront renouvelés.
Enfin, autre mesure du PLFR 3 intéressant également le secteur : les entreprises soumises à l’Impôt sur les sociétés pourront demander cette année le remboursement immédiat de leurs stocks de créances de report en arrière de leurs déficits ainsi que des créances constatées en 2020 (du fait des pertes liées à la crise sanitaire).
Aucune nouvelle mesure n’est annoncée en termes de rénovation énergétique des bâtiments (Ndlr : autre mesure réclamée par la profession dans son « Cri d’alarme »), mais ce n’est que partie remise, affirme le gouvernement. En effet, un plan de relance de l’économie, en discussion avec les acteurs concernés, sera annoncé cet été et appliqué en septembre prochain.
« Le BTP sera concerné par ce plan de relance « notamment pour la rénovation thermique et au titre des simplifications de procédure pour accélérer les projets et les lancements de chantiers sans diminution des exigences » explique le gouvernement. Attendons donc de voir...
Quant à la dernière mesure demandée par les fédérations, à savoir la TVA de 5,5 % pour l’ensemble des travaux, elle n’est pas d’actualité, a répondu le gouvernement.
« Bruno Lemaire, ministre de l’Economie et des Finances, n’y est pas favorable en raison de son manque d’efficacité et parce qu’elle ne cible pas les objectifs de politique publique relatifs à la rénovation énergétique des Bâtiments » a fait savoir son porte-parole qui a comparé les recettes fiscales de la France et l’Allemagne. En effet, la TVA contribue à 20 % des recettes fiscales de l’Allemagne contre 15 % en France alors que le taux d’imposition demeure plus élevé dans l’hexagone…
Source : batirama.com / Fabienne Leroy