La protection et la sécurité font partie de la culture du chantier. Constat dressé après un tour d’horizon de l’offre à disposition du bâtiment et des travaux publics.
S’il y a dix ans, bottes de sécurité et casques suffisaient, désormais la panoplie du compagnon est « total look » : s’y sont ajoutés les vêtements techniques, les lunettes, les protections auditives et les gants. En témoigne l’abondance de site de ventes sur internet.
Côté vêtements, les fonctions se sont diversifiées et superposés. Pantalons et vestes sont réalisés dans des textiles composites très techniques -matériaux naturels et matériaux synthétiques. Ce qui assurent le confort au regard de la météo -chauds et imper-respirants- et des mouvements -du stretch extensible pour traiter les articulations, du kevlar dans les zones soumises aux chocs comme les genoux-… Et inévitablement, ils seront hypervisibles.
On en trouve des exemples chez Blaklader, Codupal, Dikies… Et fin du fin, ces vêtements de travail sont destinés au même entretien que ceux de l’hôtellerie-restauration : les fournisseurs proposent des services de blanchisserie adaptés aux consignes d’entretien des textiles. Ce qui, indirectement, valorise des métiers réputés durs.
Les mêmes principes de conception s’appliquent aux chaussures. Tout en maintenant ou développant la résistance aux coups à l’avant ou sur le dessus du pied, les produits sont allégés par l’emploi de composites comme de fibre de verre. Idem pour les gants, produit devenu banal pour éviter abrasions et coupures et dont l’offre est désormais pléthorique en entrée de gamme.
Trois familles de produits se distinguent par des développements innovants. La première est celle de la protection respiratoire. Le développement des chantiers de désamiantage comme la prise de conscience des pathologies sur tous types de sites ouvrent ce marché. Après la reprise de l’entreprise Scott, 3M sort ses gammes Phantom Vision polyvalentes et rendues confortables par leur large visière. Honeywell suit la même tendance. En matière de ventilation assistée, 3M promet de renouveler sa gamme prochainement avec une nouvelle génération de moteurs.
La deuxième famille est celle de la protection auditive. Casques classiques et bouchons d’oreilles sont couramment utilisés sur chantier. Et 3M commence à diffuser un produit qui fera certainement des émules : des bouchons d’oreilles à atténuation et amplification sélective. De taille réduite et adaptés au casque anti-bruits, ces Peltor EEP 100 possèdent une électronique qui affaiblit les bruits élevés mais rend audibles les sons de moins de 82 dB ; l’usager a le choix entre trois niveaux.
La troisième famille qui affiche des développements rapides est celle des harnais pour le travail en hauteur. Auparavant réservé à quelques intervenants spécifiques qui ne trouvaient que des fournisseurs tels que Petzl, qui a fait sa réputation avec l’alpinisme et la spéléo, il se démocratise à la faveur de l’amélioration de sa manipulation.
Les américains Ergodyne ou 3M sont bien présents sur ce créneau, car le produit devient un standard pour répondre aux interventions rapides et sûres en façade ou en toiture. Des opérations récentes comme celles sur Notre-Dame de Paris ont démontré l’étendu des possibilités.
Avis d’expert : Mohamed Trabelsi, responsable EPI à la direction technique de l’OPPBTP*
« Le sport et le militaire sont des sources d’inspiration et d’innovations pour la sécurité dans le bâtiment. »
Quels sont aujourd’hui les risques sur les chantiers de construction auxquels s’intéresse l’OPPBTP ?
M.T. : Les professionnels disposent de tout ce qui leur est nécessaire. Pour chaque nouveau métier, la démarche systématique consiste à analyser les risques, puis établir un plan d’actions en priorisant les mesures organisationnelles et collectives avant les EPI, enfin le suivre le plan d’actions, celui-ci devant être vivant et mis à jour. Quels que soient les secteurs, les métiers et les tâches, cette méthode fonctionne et a toujours été appliquée en regroupant l’ensemble des risques, ce pour éviter de se concentrer sur un seul en oubliant les autres.
Comment, dans ce cadre, la Covid a-t-elle été abordée ?
M.T. : La démarche de prévention est la même. Les mesures organisationnelles – distanciation physique et nettoyage des mains – restent les priorités. Pour ce qui est du masque chirurgical, il faut préciser que ce n’est pas un EPI ; il ne sert pas à se protéger, mais à protéger les autres. D’où l’importance du port collectif.
Dans le BTP, nous ne découvrons pas les masques ; le port du FFP 1, 2 ou 3 est une habitude pour certains métiers. Il faut noter qu’en quelques mois, de nombreux nouveaux produits sont apparus comme le masque transparent qui permet de lire sur les lèvres, ceux avec une meilleure respirabilité, l’amélioration de la ventilation assistée… Ils ont été testés et validés. Il reste des pistes d’amélioration comme la buée, le confort respiratoire…
Pour les protections traditionnelles, quelles améliorations techniques ou conceptuelles sont attendues, demandées, voire proposées par l’OPPBTP ?
M.T. : À l’évidence, le sur-mesure constitue l’innovation marquante, qu’il s’agisse des lunettes de protection à verres correctifs, des bouchons d’oreilles, des semelles… Viennent ensuite les EPI connectées et intelligentes.
Attention ! Il est important de les distinguer pour ne retenir que les innovations à réelle valeur ajoutée et éviter les gadgets. Plusieurs solutions sont prometteuses comme les casques dotés d’un capteur de distanciation physique, les vêtements équipés d’un badge de détection d’un piéton dans le périmètre d’un engin de chantier, les chaussures avec détecteur de chute…
Les catalogues présentent maintenant des gammes complètes de produits pour le travail en hauteur qui étaient inconnus il y a quelques années. Est-ce une tendance lourde ?
M.T. : Le sport et le militaire ont souvent été à l’origine d’innovations en matière de sécurité dans le bâtiment. Lui-même suit les évolutions et les démocratise. Prenons le cas des harnais pour les alpinistes.
Initialement, ils manquaient de confort et ont fait l’objet d’innovations pour gagner en ergonomie. Les plus récentes portent sur la vérification réglementaire de leur état de fonctionnement à l’aide d’une puce lisible par smartphone. Aujourd’hui, le travail sur ces équipements a pour but d’améliorer les conditions d’intervention des secours pour simplifier les opérations de secours.
Le vêtement aussi est l’objet d’évolution, que ce soient les tissus ou les fonctions…
M.T. : Il devient autonettoyant avec l’emploi de la nanotechnologie ; les températures extrêmes – chaleur, froid – sont l’une des priorités en R&D ; et, on l’a dit, il peut être connecté à une puce pour mettre les opérateurs en sécurité. Et pour cela, il est nécessaire d’alimenter l’appareillage avec une batterie, un élément encombrant, fragile voire dangereux dans certains cas : il peut s’échauffer, exploser…
Pour s’en affranchir, des startups étudient la production d’énergie par les mouvements du vêtement. À ce sujet, on ne fera pas l’impasse sur le recueil de données nécessaire pour ces applications. De quelles informations a-t-on besoin ? Comment sécuriser les systèmes informatiques d’une entreprise ? Ce débat sur les données est important.
* Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics |
RéglementationEPI : un sujet sensible et largement couvert
Les équipements de protection individuelle sont des dispositifs ou des moyens qui s’utilisent dans les situations où les compagnons sont exposés à des nuisances et des risques en matière de santé et de sécurité au travail. Le code du travail traite largement de ce sujet.
Pour en connaître les principes généraux, on se reportera à l’article L. 230 ; ce texte précise que le port d’EPI est une obligation légale, et que le chef d’établissement doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.
La définition des EPI est développée dans les articles R. 4311-8 à R. 4311,-11 ; la conception des EPI est abordée dans les articles L. 4311-1 à L. 4311-7, et les règles de conception dans les articles R. 4312-6, R. 4311-12 et R. 4311-13 ; quant à l’utilisation des EPI, elle est développée dans les articles L. 4321-1 à L. 4321-5 ainsi que R. 4321-4 à R. 4322-3 (transposition de la directive européenne 89/656/CEE de 1989).
Les caractéristiques, conditions d’utilisation, vérifications périodiques et formation des travailleurs sont les objets des articles R.4323-91 à R. 4323-106. Y ajouter les articles R. 4323 (interdiction de travailler sur les échelles, escabeaux et marchepied) et R. 4224 (travail sur les plateformes…) pour le travail en hauteur.
Ce sujet est couvert par un texte européen récent : le règlement (UE) 2016/425 relatif aux équipements de protection individuelle, applicable depuis avril 2018. Ce texte reprend le classement par types apparu dans la précédente directive 89/686/CEE : Type I pour les risques mineurs (lunettes, gants…), Type II pour les risques intermédiaires (casques, vêtements…), Type III pour les risques mortels (protection respiratoire, anti-chute, contre la noyade, les coupures par tronçonneuse, les jets d’eau haute pression, les bruits nocifs…). Ces matériels sont aussi soumis à de nombreuses normes. La liste qui suit se veut élémentaire et est non exhaustive… |
Équipements | Normes applicables | Observations |
Casques | EN 812 – Applicable aux casques et casquettes dits anti-heurts EN 397 – Norme de base applicable aux casques EN 14052 – Pour les casques de haute performance (chocs, pénétration, flamme) EN 50365 + EN 397 – Pour les casques isolants aux chocs électriques | |
Gants | EN 420 – Norme de base EN 374 – Produits chimiques EN 388 – Risques mécaniques (abrasion, coupure, déchirure, perforation) EN 407 – Protection contre la chaleur EN 511 – Protection contre le froid EN 421 – Protection contre les radiations ionisantes EN 12477 – Protection pour les soudeurs EN 60903 – Protection pour les travaux électriques | |
Vêtements | NF EN 340 – Exigences de base NF EN 342 – Protection contre le froid ; NF EN 343 – contre la pluie NF EN 14058 – Protection contre les climats frais NF EN 471 – Haute visibilité NF EN 381 – Risques mécaniques NF EN 14404 – Protection des genoux NF EN 531, NF EN 533 – Protection contre la chaleur et la flamme NF EN 470-1 – Protection pour le soudage NF EN 13034 – Protection contre les produits chimiques liquides NF EN 14065 – Protection contre les produits chimiques liquides et pulvérisés NF EN 943 – Protection contre les produits chimiques, ventilée ou non NF EN 1149 – Protection contre les risques électrostatiques | |
Protections respiratoires | NF EN 136/143 – Masques complets équipés de filtres NF EN 149 – Demi-masque filtrant NF EN 140/143 – Demi-masque équipé de filtre NF EN 12941 – Appareil filtrant à ventilation assistée avec casque ou cagoule NF EN 12942 – Appareil filtrant à ventilation assistée avec masque complet NF EN 14594 – Protection isolante à adduction d’air comprimé à débit continu | Vérification annuelle obligatoire, arrêté du 19 mars 1993 ; pour les appareils utilisés sur les chantiers de désamiantage, l’arrêté du 7 mars 2013 impose une vérification par une personne qualifiée après toute intervention sur l’équipement ou événement ayant pu l’altérer. Le résultat des vérifications est consigné dans le registre de sécurité. |
Protection anti-chutes | NF EN 13374 – Garde-corps provisoires NF EN 1263-2 – Mise en œuvre des dispositifs d’arrêts de chute EN 361 – Harnais anti-chutes EN 358 – Ceintures et longes de maintien EN 813 – ceintures et cuissardes pour le travail en hauteur | Vérification annuelle obligatoire, arrêté du 19 mars 1993 |
Chaussures | NF EN ISO 20346 – Avec embouts résistants à 100 joules NF EN ISO 20345 – Avec embouts résistants à 200 joules EN 13832 – Protection contre les risques chimiques |
Source : batirama.com/ Bernard Reinteau