Le 4 mars 2021, la FPI (Fédération des Promoteurs Immobiliers) a présenté les résultats de la construction neuve en 2020 et son analyse de la production à venir en 2021.
Côté catastrophisme, la FPI a bien raison. Mais, comme le souligne Alexandra François-Cuxac, présidente de la FPI, la crise a commencé au moins depuis trois ans, bien avant la pandémie du Covid-19. Et c’est une crise de l’offre : on ne produit plus assez de logements, que ce soit des logements sociaux, intermédiaires ou libres.
En 2020, en ce qui concerne le logement collectif, il y a eu plus de mises en chantier (194 100) que de dépôts de permis de construire (181 200). Ce qui augure mal de la suite. Au total, la nombre de permis de construire a baissé de 120 000 unités en trois ans, pour atteindre 381 600 demandes de permis en 2020, dont 122 100 maisons individuelles, 41 900 maisons individuelles groupées, 181 200 logements collectifs et 36 500 logements en résidences de services, résidences étudiantes, etc.
Les mises en chantier parviennent à peine à 376 700 au total, soit une baisse de 6,9% par rapport à 2019 : 110 700 en maisons individuelles (-7,2%), 38 200 en individuel groupé (-7,2%), 194 100 en collectif (-9,1%) et 33 700 résidences (+9,3%). Les élections municipales de juin 2020 sont passées par là : on n’accorde plus de permis de construire pendant la campagne et, une fois les élections passées, il faut que les nouvelles équipes définissent leur politique. Ce qui prend du temps.
Après juin 2020, cependant, la FPI n’observe pas le phénomène de reprise habituel. C’est, selon elle, pour une part l’influence de la pandémie qui ralentit toute l’activité. Mais, aussi et de manière plus structurelle, la traduction de l’attitude d’une partie croissante des collectivités locales qui sont devenues activement hostiles à la construction neuve, notamment la construction de logements collectifs. Et, toujours selon la FPI, cette attitude n’est pas du tout l’apanage exclusif des nouvelles municipalités écologistes, mais elle est largement partagée, indépendamment des étiquettes politiques.
Nous nous trouvons donc à une crise de l’offre de logements neufs. Elle se traduit d’abord par la baisse de 27,9% du nombre de logements mis en vente au cours du 4e trimestre 2020 qui culminent à 21 518 et de 33,2% sur l’année 2020 (79 373).
Cette crise structurelle se poursuit avec la baisse des ventes du 4ème trimestre 2020 de 14,1% par rapport au 4ème trimestre 2019. Ce qui, avec un total de 43 105 réservations au cours des trois derniers mois de 2020, nous ramène au niveau du 4e trimestre 2015 (40 872). En ce qui concerne les réservations du 4e trimestre 2020 en logement collectif neuf, l’investissement par des particuliers (51%, 11 936) et l’accession directe à la propriété (11 250, 49%) ont autant baissé l’une que l’autre.
Phénomène nouveau, les ventes en bloc en collectif – lorsqu’un promoteur vend tout un bâtiment ou presque à un investisseur institutionnel – ont significativement augmenté en 2020 : +7,2% par rapport à 2019, pour atteindre 37 685 logements, tandis que les ventes de logements au détail baissaient sévèrement (-31,5%), tout comme celles des ventes de résidences services (-31%).
En 2020, les ventes en bloc dans la France entière se répartissent entre 27% à des investisseurs institutionnels – les assureurs estiment que le logement rapporte désormais plus que les bureaux -, 20% aux acteurs du logement intermédiaire et 53% au HLM. En Île-de-France, la répartition est un peu différente : 34% pour les investisseurs institutionnels, 23 % pour les acteurs du logement intermédiaire et seulement 43% pour les HLM.
Les prix de vente du logement neuf ont baissé de 6,9% en 2020 en Île-de-France, mais ils ont augmenté de 2,3% en régions. Ce qui donne une lègère baisse de 2,1% en moyenne en France en 2020, entièrement attribuable à la forte baisse en Île-de-France. Jusqu’à présent, l’indice Insee des prix des appartements anciens et l’indice FPI du prix de vente des logements neufs évoluaient à peu près de manière similaire, atteignant tous deux 115 au 4e trimestre 2019. En 2020, ils se séparent. L’indice Insee continue sa progression : 117 au T1 2020, puis 119 au T2 et 122 au T3. Tandis que l’indice FPI baisse : 114 au T1, 116 au T2 et chute à 112 au T3.
La FPI est plutôt chiche en ce qui concerne l’évolution du marché des bureaux. Elle indique qu’en 2020, la production d’immobilier d’entreprise baisse, mais que la commercialisation baisse encore plus. Conclusion, si le résidentiel manque d’offre, l’immobilier d’entreprise pâtit plutôt d’un déficit de demande. En Île-de-France, par exemple, l’offre disponible atteint 2 662 994 m² en 2020 (+14% / 2019), la production baisse de 5% à 839 394 m², tandis que a demande placée chute de 48% à 530 375.
Autant la réalité chiffrée est nette et sévère, autant les diagnostics sont vagues : c’est les Maires, c’est les normes, c’est les recours, c’est pas de notre faute, … Pascal Boulanger, membre de la FPI, s’est engagé dans un tour de France pour interroger les membres de la fédération sur les freins et verrous qui pourraient expliquer cette baisse structurelle de l’offre de logement neufs. Selon lui, la première raison mise en avant par les adhérents de la FPI, c’est le fait que les municipalités affichent plutôt désormais une hostilité à l’acte de construire qui allonge les délais d’instruction des demandes de permis et multiplie les refus.
La FPI pointe également l’incohérence des PLU qui ne permettent pas de construire, exigeant des retraits par rapport aux limites des terrains, empêchant les surélévations, interdisant des solutions techniques (ITE, solaire en toiture, etc.). Il faudrait, dit la FPI, que l’Etat agisse plus vigoureusement pour débloquer ces freins locaux – qui, par ailleurs, ne sont pas de sa compétence. Il faut aussi que l’Etat fasse plus pour financer le logement neuf, pour réduire les prix du foncier, pour simplifier et numériser les démarches administratives (qui pour l’instruction des permis ne sont plus non plus de sa compétence).
Mais, en même temps, il faut que l’Etat cesse de produire de nouvelles normes. La transition écologique à travers la RE2020 ? D’accord, mais sans brutalité. La RE2020 promet d’être nettement plus coûteuse que la RT2012, dit la FPI qui visiblement ne connaît pas la construction passive. Et surtout la RE2020 est une usine à gaz dans sa complexité – nombre de plaisanteries sur ce thème par les intervenants de la FPI. La lutte contre l’artificialisation des sols ? Irréaliste et dissuasive.
Le label « Logement de Qualité » qu’Emmanuelle Wargon promet pour juin 2021 – il sera volontaire et assorti de diverses modalités incitatives, comme un dépassement du volume constructible, etc. - , « encore une couche de plus » de complexité et de coût. Les douches sans ressaut dans tous les logements ? Au secours ! Des coûts supplémentaires, toujours des coûts, des coûts !
Où sont, demande Alexandra François-Cuxac, présidente de la FPI, les mesures de simplification administratives, de numérisation des formalités administratives, d’application intelligente des demandes du terrain ( ?), de réduction des coûts du foncier, … autant de poches d’économies qui pourraient gommer l’effet des normes environnementales et sociales sur l’augmentation des coûts de construction.
La présentation se termine avec la reprise de l’antienne bien connue : les membres de la FPI savent construire des bâtiments performants, et ils souhaitent le faire massivement. Mais ce n’est possible sans surcoût et, surtout, ils ne savent pas massifier cette performance thermique et écologique dans les délais imposés par le calendrier de la RE2020. La RE2020 qui est d’ailleurs présentée comme la réglementation la plus contraignante d’Europe. Ils ne savent sans doute pas que Bruxelles, Anvers, Heidelberg et quantité d’autres villes en Europe exigent que la construction neuve soit conforme au standard Passivhaus depuis plusieurs années.