La Capeb, qui a dépassé ce trimestre la barre des 60 000 adhérents, a présenté à la presse ce mercredi son bilan conjoncturel du 3ème trimestre. Un bilan qui, malgré le maintien de l'activité (68% des entreprises indiquent anticiper la stabilité pour les 6 prochains mois), souligne la crainte grandissante des entreprises artisanales du bâtiment, notamment face à la hausse des prix des matériaux.
En effet, la hausse des prix moyenne entre janvier et octobre 2022 est de 26%, déclarent les artisans qui ont été interrogés par la Capeb (dans son étude menée en collaboration avec Xerfi). Bien sur ces hausses varient en fonction du secteur d'activité (+28% dans le secteur menuiseries-serrurerie, +24% pour le secteur électricité).
En conséquence, les artisans sont plus nombreux à répercuter ces prix sur leurs prestations (89% d'entre eux), à une hauteur moyenne de 68% de ces coûts. "Elles n'étaient que 81% à le faire au second trimestre. C'est une bonne nouvelle qu'elles soient plus nombreuses à y parvenir", indiquait Romane Charpentier, qui présentait les résultats de l'enquête.
Autre information inquiétante, la multiplication par trois depuis un an du nombre d'entreprises qui déclarent être touchées par des pénuries de matériaux. Elles sont désormais 78% à indiquer devoir réorganiser leur activité en raison de ces pénuries (modification de plannings, réduction de la durée de validité des devis, recherche de nouveaux fournisseurs...)
La Capeb a profité de la conférence de presse pour diffuser plusieurs témoignages vidéo d'adhérents, expliquant leur quotidien face à cette situation.
Andréas Milet, qui tient une entreprise de couverture en Ille-et-Vilaine, indique : "les perspectives d'avenir sont difficiles parce qu'on ne maîtrise plus le coût et le cours des matériaux et des approvisionnements. Difficultés pour faire des devis, difficultés pour se projeter sur des marchés à venir... donc difficultés de recrutement... Et plus d'envie de recruter puisqu'on n'a plus de perspectives d'avenir (...) Avoir un carnet de commandes à l'heure actuelle, c'est dangereux. C'est à double tranchant."
Alexandra Gemin, dans la menuiserie en Haute-Garonne, souligne : "nous nous sentons impuissants, nous sommes des spectateurs face à ces hausses permanentes qui ne sont pas toujours annoncées par nos fournisseurs. (...) On est en train de se rendre compte que toutes nos marges brutes sont en train d'être réduites".
Céline Valognes et Jean-Luc Duprey, propriétaires d'une entreprise de couverture dans l'Eure, relatent l'augmentation conséquente des accessoires : "Par exemple sur les tuiliers, pour la fabrication de tuiles, on est à pratiquement 26% d'augmentation. Ce sont des augmentations que nous n'avons jamais eu les années précédentes (...). Pour les ardoises, c'est pareil, on va reprendre 10%, sachant qu'on a déjà eu trois augmentations cette année. Le prix de l'ardoise en une année a doublé."
Une fois de plus, c'est l'entretien-rénovation qui reste la "locomotive" de l'activité, tandis qu'avant-Covid il s'agissait toujours du neuf. La croissance est en léger ralentissement, passant de 3% à 2,5% en volume. Si les défaillances d'entreprises sont en forte hausse (+54% par rapport au 2e trimestre), leur niveau reste cependant bien en dessous des chiffres avant-Covid.
Les entreprises artisanales évoquent également un besoin en trésorerie important (15% d'entre elles sont en manque de trésorerie, pour un montant moyen de 22 000€) et une détérioration de leurs marges, pour 42% d'entre elles.
Les sociétés Saint-Gobain Distribution Bâtiment France et ses sociétés associées (Point P, Cedeo et Brossette, La Plateforme du Bâtiment, Asturienne, SFIC, Dispano, Décocéram, CDL Elec) s'étaient engagées auprès de la Capeb depuis le mois d'avril sur trois points :
La Capeb a annoncé aujourd'hui que les sociétés du groupe Herige (VM, Atlantem, Edycem), mais aussi Weber, Isover, Placo, Pladur, l'Orcab se sont également engagées sur ces trois points.
La déclaration commune écrite par la Capeb dès la mi-avril, va encore plus loin dans les engagements qu'elle recommande aux industriels, fabricants, négoces et distributeurs. Elle demande notamment de maintenir les mêmes prix sur une durée minimum de 60 jours, de répercuter dans les meilleurs délais les baisses constatées au niveau des coûts de l'énergie ou des matières premières et de participer activement au comité de crise du BTP mis en place par le Gouvernement. Cette déclaration avait déjà été signée dans son intégralité par BDR Thermea France (marques De Dietrich, Chappée et Oertli, Berner, Coroxyl, Dimos, Layher, Téréva, Urmet/Yokis France et Viessmann). Aujourd'hui, la Capeb annonce l'ajout des signataires suivants : Frans Bonhomme, Knauf Insulation, Wurth, Wienerberger.
"Nous nous félicitons aujourd’hui de la décision des acteurs de s’engager dans une démarche de solidarité économique au sein de la filière. Elle est pour nous essentielle si nous voulons parvenir à maintenir l’activité et accélérer la contribution du secteur à la transition énergétique", a indiqué Jean-Christophe Repon.
Evoquant le thème de la rénovation énergétique des bâtiments, Jean-Christophe Repon martèle : "Il ne faudrait pas 12 milliards, mais au moins 40 milliards". Notamment, afin de venir en aide aux nombreuses petites entreprises artisanales qui souhaitent obtenir la qualification RGE. "Seules 59 000 entreprises en France sont labellisées RGE. Ca ne veut pas dire que les autres ne sont pas qualifiées, mais qu'elles ne sont pas certifiées. Et si elles ne le sont pas, c'est parce que pour la majorité des entreprises, l'accès à la qualification est trop complexe." Pour Jean-Christophe Repon, il est urgent de simplifier l'accès à la qualification, afin de permettre à plus de ménages d'obtenir des aides à la rénovation énergétique.
Jean-Christophe Repon s'est également désolé de "l'absence totale de la banque" en ce qui concerne le financement de la rénovation énergétique, soulignant qu'il est plus facile d'obtenir un prêt pour acheter une nouvelle voiture ("en trois clics") que pour faire une rénovation de son logement, qui pourtant est un investissement pour l'avenir.
Enfin, en ce qui concerne la REP, il a évoqué le besoin de s'assurer d'un maillage territorial suffisamment serré pour permettre à toutes les entreprises, qui vont être forcées de cotiser, d'avoir accès à suffisamment de points de collectes de déchets.
Ces thèmes, ainsi que le sujet de la transparence des prix, feront l'objet de propositions qui seront envoyées à Elisabeth Borne, Première Ministre, ainsi qu'aux autres ministères concernés. "Etant donné l'urgence de la situation nous ne souhaitons pas attendre les prochaines Assises du BTP pour faire ces demandes" a ajouté M. Repon.