Jeudi 23 février, le Pôle Habitat de la FFB a présenté la situation du logement neuf en 2022 et ses prévisions pour 2023. Grégory Monod, son président, n’a pas eu besoin de forcer le trait pour exprimer le sérieux de la situation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Après un rebond en 2021, principalement attribuable à l’anticipation de l’entrée en vigueur de la RE2020, le marché de la maison neuve en diffus s’est écroulé de 31,3% en un an en 2022. La chute s’est même accélérée au dernier trimestre 2022, avec une baisse de 38,2% en comparaison du dernier trimestre 2021.
Avec 95.000 maisons vendues en diffus, les ventes passent en dessous de la barre des 100.000 maisons. Les ventes 2022 constituent la plus mauvaise année depuis 16 ans et se placent nettement en dessous de la moyenne 2007-2022 qui s’établit à 122.243 maisons. Pire, cette chute est constatée dans toutes les régions de France. 11 d’entre-elles enregistrent une chute des ventes de maisons individuelles neuves en diffus de plus de 25%. ©PP
Le logement individuel groupé s’était un peu redressé en 2021, il rechute fortement en 2022 et perd 22,2% avec seulement 6.105 maisons neuves groupées vendues en France, soit 1.000 de moins qu’en 2021.
C’est le pire exercice au cours des 22 dernières années pour les maisons neuves groupées et les ventes sont pratiquement 50% inférieures à la moyenne annuelle de long terme : 11.291 maisons neuves groupées. ©Atelier Rivat
Traditionnellement, ce segment des maisons neuves groupées est vendu à la fois directement aux particuliers – baisse de 37% au dernier trimestre 2022 par rapport au dernier trimestre 2021 – et aux investisseurs institutionnels : +11,2% pour atteindre 1654 maisons vendues.
En logement collectif neuf, les ventes avaient baissé de 22,7% en 2020, s’était redressées de 17,8% en 2021, repartent à la baisse en 2022 avec une réduction de 14,1% des ventes aux particuliers, pour atteindre 95 937 logements sur l’année. Cette baisse accélère même à 30,4% au 4ème trimestre 2022 par rapport au 4ème trimestre 2021.
Les ventes de logements collectifs aux investisseurs institutionnels ont baissé de 21% en 2022, pour atteindre 37.950 logements, après avoir déjà baissé de 4,2% en 2021. ©PP
Si l’on considère le segment de la promotion immobilière, c’est-à-dire maisons groupées plus logements collectifs, le taux d’annulation des ventes aux particuliers progresse de 3,3 points pour atteindre 16% fin 2022. Ce taux pousse même jusqu’à 21,6% au dernier trimestre 2022.
Sur ce segment, la baisse des ventes atteint 16,2% sur l’année, accélère à 30,9% au cours du 4ème trimestre et touche fortement toutes les régions, à l’exception de la Normandie (-2,1%) et le Centre-Val-de-Loire (-8,2%) où les ventes baissent moins.
En un an, calcule le Pôle Habitat FFB, le logement neuf a perdu 71 000 ventes : 44.000 maisons et 27.000 logements collectifs.
Au total, l’année 2022 a vu la mise en chantier de 376.000 logements, dont 207.710 logements collectifs et 168.290 maisons individuelles. Ce qui est au-dessus de la moyenne de long terme, mais nettement en dessous du sommet de 437.500 logements mis en chantier en 2017.
Le Pôle Habitat FFB rappelle que la Fédération Française du Bâtiment prévoit une baisse des mises en chantiers de 9% en 2023, ainsi qu’une réduction de 21% des autorisations de construire.
L’aide financière à l’accession à la propriété a toujours été, rappelle Grégory Monod, une variable d’ajustement budgétaire des gouvernements successifs. Mais, le logement a subi plus que sa part au cours des dernières années : suppression de l’APL accession, réduction à 20% de la quotité du PTZ (Prêt à Taux Zéro) en zones B2 et C, remplacement du PTZ par le PTZ Plus qui a montré à quel point il est inadapté, …
Il faut ajouter à cela l’augmentation des coûts de construction que le Pôle Habitat FFB attribue à la fois à l’arrivée de la RE2020 et à l’augmentation rapide du coût des matériaux de construction. Le prix moyen hors foncier des maisons individuelles en diffus atteint 198.000 € en 2022 pour une surface moyenne de 115 m², soit une augmentation de 13,9% du coût par rapport à 2020. Le prix des maisons groupées hors foncier atteint 344.427 € en moyenne, soit une hausse de 17,7% sur la même période. Les logements collectifs neufs se sont vendus à 4 421 €/m² en 2022, soit une hausse de 7,8%.
Enfin, nous étions dans une période de taux d’intérêt bas, ce n’est plus le cas : les taux d’intérêt atteignent 2,59% début 2023, contre 1,07% début 2022. De plus, le nombre de prêts immobiliers accordés aux particuliers pour l’acquisition d’un logement neuf a baissé 19,6% en 2022, avec une accélération à -44,6% au dernier trimestre.
Bref, réduction des aides, augmentation des prix, augmentation des taux d’intérêt, réduction du nombre de prêts accordés, … : 2023 s’annonce mal pour le logement neuf.
Face à la gravité de la situation, le Pôle Habitat FFB demande un remède de cheval, tout de suite. Naturellement, Grégory Monod, son président se félicite de l’installation du CNR Habitat qui, selon lui, progresse bien. Mais, avec bon sens et un zeste de perfidie à la fois, il rappelle que la Commission Rebsamen pour la relance durable de la construction de logement a publié son rapport fin septembre 2021. Et que ses recommandations n’ont pas été mises en œuvre. Il a l’air de souhaiter très très fort que le CNR Habitat ne soit pas une tactique dilatoire.
A droite, Grégory Monod rit, mais jaune et dit avec force "la conjoncture réclame des mesures radicales et nous avons besoin d’une médecine de guerre". Il réclame l’instauration d’un "bouclier logement". ©PP
Qu’est-ce que le bouclier logement exactement ? Le Pôle Habitat FFB appelle d’abord à la prolongation, immédiate, du PTZ jusqu’à fin 2024. Grégory Monod explique en effet qu’il est pour l’instant prévu que le PTZ s’arrête fin 2023. Ce qui signifie explique-t-il que les banques cesseront de le distribuer dès fin septembre 2023, mettant en danger un trimestre d’activité. Il faut réfléchit tout de suite également aux évolutions à lui apporter. Les ministres Klein et Béchu ont annoncé un groupe de travail il y a quelques mois : il faut le réunir maintenant et qu’il travaille vite.
Le Pôle demande aussi le rétablissement de la quotité du PTZ à 40% du prix du bien, sans discrimination territoriale entre zones tendues et zones non-tendues. Le PTZ, rappelle le Pôle a coûté 1,1 milliard d’euros en 2021, bien en dessous des 2,1 Md€ budgétés.
Il faut, dit le Pôle, revoir les plafonds d’opération pris en compte pour le calcul du PTZ. Ils n’ont pas changé depuis 2008, le Pôle Habitat FFB demande qu’ils augmentent de 25% maintenant. En 2015, 57% des opérations financées par un PTZ présentaient un coût supérieur aux plafonds. En 2021, dernière année connue, cette proportion atteignait 79%.
Le Pôle Habitat demande aussi l’instauration d’un crédit d’impôt de 15% sur les cinq premières annuités de remboursement d’emprunt, pour effacer le surcoût de la RE2020. Cette disposition concernerait seulement les acquéreurs d’un logement neuf destiné à devenir leur résidence principale.
Pour les investisseurs individuels, en effet, ceux qui bénéficient actuellement du Pinel et du Pinel Plus, le Pôle Habitat FFB a une autre idée. Le Pinel Plus s’arrête fin 2024. Et le Pôle ne veut clairement pas d’un nouveau dispositif, le Klein, par exemple. Il demande, tout d’abord, le retour au dispositif Pinel de 2022 (sans le Plus), puis l’avènement d’un statut du bailleur privé qui ferait cette activité – bail privé – un vrai investissement économique, donc amortissable selon les règles comptables classiques. Dans les rêves les plus fous du Pôle Habitat FFB – ils ont un petit côté naïf malgré tout -, ce statut du bailleur privé serait une disposition de long terme, stable dans le temps pour donner un vrai horizon aux investisseurs privés, une disposition à laquelle on ne toucherait pas tous les deux ans. Bonne chance ! Ils devraient proposer d’appeler ce nouveau statut du bailleur privé, le Lemaire, le Klein, voire le Béchu, pour qu’au moins il ait une chance d’aboutir.
Tout ceci mis à part, le Pôle Habitat FFB se préoccupe aussi de l’avenir. Un groupe de travail a été constitué lundi 20 février pour analyser avec des bureaux d’études spécialisés, ce que signifient en termes de techniques constructives les futurs sévérisations de la RE2020. Par ailleurs, le Pôle rencontre demain, vendredi 24 février l’association Build Europe qui rassemble tous les syndicats et associations de promotion privée en Europe. Il s’agit cette-fois-ci de comprendre quelles seront les répercussions de la révision de la Directive Européenne sur la construction neuve. La révision devrait aboutir fin 2023 et demandera notamment du solaire thermique et/ou photovoltaïque sur tous les bâtiments et un effort supplémentaire de performance énergétique. ©PP