Christophe Possémé, président du CCCA-BTP "J’ai une vraie croyance en l’alternance"

Portrait de Christophe Possémé, président du CCCA-BTP et de la soirée anniversaire des 80 ans du CCCA-BTP

Depuis juillet 2022, il est président du CCCA-BTP - le comité de concertation et de coordination de l’apprentissage du bâtiment et des travaux publics. Interview d’un chef d’entreprise lui-même issu de l’apprentissage.




Photo : portrait de Christophe Possémé © CCCA-BTP & photo de la soirée anniversaire du CCCA-BTP en juillet 2022. © Vincent Bourdon / CCCA-BTP

 

Président depuis 12 ans de l’entreprise Le Bâtiment Associé à Muizon, près de Reims, entreprise spécialisée en gros œuvre construction bois et monument historique en maçonnerie, taille de pierre et charpente, Christophe Possémé porte plusieurs casquettes. Président de l’Union de la maçonnerie et du gros œuvre à la FFB depuis 3 ans, membre de l’exécutif de la Fédération Française du Bâtiment, il a été élu président du CCCA-BTP en juillet 2022.

 

Batirama : Pourriez-vous me parler de votre parcours ?

 

Christophe Possémé (C.P.) : Je suis un pur profil de l’apprentissage. J’ai commencé sur les chantiers. Je suis maçon de métier, compagnon – j’ai fait mon tour de France. J’avais fait une première année d’apprentissage au sein de mon entreprise actuelle, Le Bâtiment Associé, avant de partir pendant 7 ans dans d’autres régions. Je suis revenu en 2001. C’est depuis 2011 que j’ai pris la présidence de l’entreprise.

 

C’est important en tant que manageur, chef d’entreprise, de savoir faire soi-même, de pouvoir montrer, savoir faire faire aux autres. C’est pourquoi je suis très impliqué dans la formation depuis toujours, avec une culture de transmission dans ma propre entreprise. Tous les ans, 10% de mes effectifs entrent dans l’entreprise via l’alternance. J’ai une vraie croyance en la qualité de l’alternance pour permettre à l’ensemble des salariés de s’intégrer dans une entreprise.

 

Batirama : est-il difficile d’embaucher dans le contexte actuel ?

 

C.P : Le problème du recrutement est une éternelle question dans la profession. Que met-on en place pour recruter ? Il faut donner envie aux jeunes de rejoindre notre secteur. Leur donner de bonnes conditions pour s’intégrer dans l’entreprise. La question de la rémunération est importante, mais ce n’est pas le premier facteur.

 

Il faut faire découvrir nos métiers, aller dans les collèges, les lycées, les forums d’orientation, accueillir des jeunes en stage au sein des entreprises… J’accueille très régulièrement des jeunes qui m’écrivent pour faire un stage découverte au sein de mon entreprise. 

 

Des organismes paritaires comme le CCCA-BTP sont là pour communiquer sur les métiers du BTP, les voies de formation faire de la communication à plus grande échelle, par exemple avec de grandes campagnes nationales, sur tous les canaux possibles comme les réseaux sociaux ou la télévision pour faire connaître le bâtiment et les travaux publics et donner envie de rejoindre nos métiers pour s’épanouir. Nous ne sommes pas seuls, l’ensemble de la profession s’associe à nos efforts pour communiquer sur nos métiers.

 

Le bâtiment et les travaux publics sont l’un des seuls secteurs professionnels qui offre de véritables perspectives d’évolution. On peut commencer en tant qu’apprenti, devenir conducteur de travaux, créer son entreprise …

 

Sans compter la fierté de laisser une trace. On construit des choses qui durent. On participe à écrire l’histoire de notre cadre de vie, on peut dire à nos enfants que papa ou maman a contribué à la construction de tel bâtiment ou telle infrastructure. Les métiers du BTP sont très visuels.

 

Batirama : que souhaitez-vous apporter au CCCA-BTP ? 

 

C.P : Le CCCA-BTP est un outil national des branches bâtiment et travaux publics. Sa gouvernance est paritaire. Les décisions se prennent de manière collégiale au sein de notre conseil d’administration.

 

Au mois d’octobre, nous avons adopté un nouveau plan stratégique pour les trois prochaines années, Dévelop’BTP, avec quatre axes stratégiques, pour assurer une haute qualité pédagogique sur l’ensemble des territoires, en prise directe avec les spécificités locales. Cela concerne la pédagogie, l’innovation, le soutien aux expérimentations, la montée en compétences des collaborateurs des organismes de formation, ou encore la communication sur les métiers du BTP et l’apprentissage pour s’y former. Notre rôle est d’accompagner de manière universelle l’ensemble des organismes de formation aux métiers du BTP.

 

Epreuve régionale des Worldskills en Occitanie

Epreuve régionale des Worldskills à Baillargues, Occitanie, Tailleur de Pierre, mars 2023. © Emilie Wood

 

Sur le champ de la promotion de nos métiers auprès des jeunes, je citerai la WorldSkills Competition, qui est un moment phare. La finale internationale, prévue à Lyon en 2024, est un événement qui n’arrive qu’une fois par génération (la dernière édition en France était en 1995). Le CCCA-BTP est partenaire de longue date de WorldSkills France, qui organise la compétition dans notre pays. Nous sommes très impliqués, y compris au niveau régional. Nous serons également présents à Lyon en septembre 2023 lors de la compétition nationale.

 

Le CCCA-BTP souhaite ainsi mieux investir les territoires, avec la mise en place de partenariats avec les conseils régionaux, afin d’accompagner au mieux les centres de formation d’apprentis au plus près des territoires. En 2022 on comptait 1200 centres de formations d’apprentis et près de 103.000 apprentis en formation aux métiers du BTP.

 

Signature d'une convention entre le CCCA-BTP et la banque des territoires

Benoît Sénéchal, responsable du pôle formation et investissements directs et des programmes PIA-PIC à la banque des territoires et Christophe Possémé signent une convention de financement du projet "créer, innover pour hybrider dans les métiers du bâtiment" afin d'accélérer la transformation numérique de la formation professionnelle aux métiers du bâtiment le 9 mai 2023. © Vincent Bourdon - CCCA-BTP

 

Le rôle du CCCA-BTP est de conseiller et d’accompagner de manière universelle l’ensemble des centres de formation aux métiers du BTP, sur tous leurs champs d’activité, en premier lieu celui de la pédagogique de l’alternance et des nouveaux modes d’apprentissage, comme la réalité virtuelle ou la formation distance, mais aussi en termes d’innovation. On les accompagne techniquement mais aussi financièrement, à travers des appels à projets et des appels à candidatures pour leur permettre de réaliser leurs projets innovants ou de conduire des expérimentations.

 

Notre rôle est aussi d’assurer la diffusion des projets réalisés auprès de l’ensemble des organismes de formation aux métiers du BTP. Une réussite à Brest doit pouvoir être transposée à Marseille ou à Strasbourg, sans être obligé de recommencer préalablement toute l’ingénierie.

 

On est capable aussi de tester du matériel. Un nouvel incubateur technologique va bientôt être inauguré au siège en 2023, pour savoir si un nouveau matériel est adéquat pour la profession et s’il doit être intégré aux référentiels de formations pour demain.

 

On doit rester en veille pour tester de nouvelles typologies de formation, qui utilisent l’intelligence artificielle, le numérique… Le présentiel à 100% est en train d’évoluer. On regarde les côtés positifs, négatifs… afin de permettre aux centres de formation d’évoluer dans le bon sens.

 

En ce qui concerne la montée en compétences des collaborateurs des organismes de formation, dont les formateurs, nous avons créé une plateforme d’offre de connaissance en libre accès, la 3C.Académie. Le CCCA-BTP a également un rôle dans l’élaboration des référentiels de compétences des diplômes aux métiers du BTP, qui lui a été confié par les CPNE conjointes du bâtiment et des travaux publics

 

Nous travaillons par ailleurs actuellement sur la réduction des taux de rupture et d’abandon des apprentis, qui reste élevé (25% en moyenne en France). Une expérimentation menée en Occitanie a permis de faire baisser ce taux de moitié grâce à un accompagnement des jeunes tout au long de leur formation. 

 

Je souhaite aussi développer plus encore les stages professionnels des apprentis à l’étranger, avec des actions de mobilité européenne avec le programme Erasmus+… Pourquoi pas des expériences de 3 mois, 6 mois ? Nous menons d’ailleurs des expérimentations de mobilité longue, y compris dans le supérieur.

 

Batirama : est-ce que la conjoncture actuelle vous inquiète ?

 

C.P : L’apprentissage connaît un fort développement depuis plusieurs années, car les entreprises connaissent une forte activité et ont besoin de recruter et de former des jeunes. Si le marché devait se tendre en 2024, nous souhaitons faire en sorte que les entrées en apprentissage se maintiennent. La formation est un enjeu essentiel pour nos entreprises.

 

Batirama : Que pouvez-vous me dire des métiers en tension ? de ceux qui montent ?

 

C.P : On observe une montée sur les niveaux de formation des alternants, ainsi qu’une augmentation du nombre de femmes qui intègrent notre secteur. On ne peut que s’en féliciter, car le milieu est historiquement très masculin.

 

Les métiers qui s’exercent à l’intérieur, comme électricien, installateur sanitaire, ou encore peintre décorateur séduisent de nombreux jeunes

 

En revanche, les métiers d’extérieurs, comme maçon, charpentier, couvreur ou serrurier-métallier par exemple, sont des métiers qui souffrent encore d’un manque de notoriété et d’image et dans lesquels on a des difficultés à recruter des jeunes.

 

Mais il faut savoir que ces métiers sont en pleine évolution. Dans mon entreprise, on est en modulation. Quand il pleut, on rentre à l’entreprise. Avec la construction hors site, en atelier, on limite le temps d’exécution à l’extérieur. Les solutions de levage, les gestes et postures, les exosquelettes, les robots utilisés pour certaines tâches… permettent de limiter la pénibilité de ces métiers. Les choses ont considérablement évolué et évoluent encore, c’est l’une des préoccupation majeure de nos professions.

 

Batirama : voyez-vous de nouveaux métiers émerger ?

 

C.P : Je vois surtout à l’avenir des métiers transversaux. Les formations en CAP ou brevet professionnel seront enrichis par des modules et des options qui permettront d’apprendre les bases d’autres métiers. Avec la rénovation énergétique, il faut savoir faire du CVC, de la plomberie, de l’électricité. Pourquoi ne pas créer des spécialités où l’on possède les bases de plusieurs métiers pour faire l’ensemble de ces tâches ? C’est comme pour les métiers de façade. Il faut savoir faire du bois, du métal, du PVC… Il faut faire évoluer les formations pour permettre aux jeunes de pouvoir assembler tous ces matériaux. Dans les années 70, le maçon savait faire du plâtre, du carrelage. Aujourd’hui il faut que l’on réfléchisse à la typologie des métiers.

 

Le photovoltaïque n’existait pas il y a 25 ans. En béton armé, le prémur a été créé au début des années 1990. L’évolution des matériels et des matériaux nous impose de faire évoluer les formations. 

 

 



Source : batirama.com / Propos recueillis par Emilie Wood

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
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