En théorie, le détachement de salariés répond "au besoin de travailleurs spécialisés en vue d'effectuer une tâche de nature complexe dans un autre Etat membre confronté à un manque de main d'oeuvre dans ce domaine précis", indique le rapport réalisé pour la commission par le sénateur du Nord Eric Bocquet (CRC, communiste).
Une directive européenne de 1996 (96/71) encadre ces détachements. Elle prévoit notamment que le "noyau dur" des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...) mais que les cotisations sociales sont dues dans le pays d'origine.
Mais dans les faits, la Commission européenne reconnaît elle-même que le nombre de travailleurs détachés est difficile à évaluer. La Commission estimait leur nombre à 1 million en 2009, un chiffre qui atteindrait 1,5 million aujourd'hui, écrit le sénateur, une progression qui "reflète notamment l'intérêt en période de crise, pour des travailleurs à quitter leur pays d'origine". Plus de la moitié des détachements (55%) concernent l'industrie et la construction, mais tous les secteurs sont concernés (transports, agriculture, événementiel...).
En France, le nombre de travailleurs déclarés comme détachés a été multiplié par quatre depuis 2006, passant de près de 38.000 salariés à environ 145.000 en 2011. Mais, indique le rapport, beaucoup de salariés ne sont pas déclarés et "le chiffre de 300.000 salariés low-cost détachés en France au mépris du droit communautaire semble crédible".
"En période de crise, ce chiffre devient un réel problème politique tant il peut générer au sein de la population le sentiment d'une captation des emplois par des salariés étrangers forcément moins coûteux", écrit le sénateur communiste, évoquant du "dumping social".
Pour M. Bocquet, "l'absence de dispositions concrètes en matière de contrôle au sein de la directive de 1996 constitue une des raisons principales de cette explosion de la fraude au détachement" qui "fait souvent apparaître cascade de sous-traitants (...) et sociétés +boîte aux lettres+ au sein du pays d'envoi". Selon lui, le dispositif de contrôle peut apparaître comme "une réelle coquille vide", les demandes de coopération entre Etats n'étant notamment pas assorties de délais pour les réponses.
Face aux abus, la Commission européenne a présenté en mars 2012 un projet d'amélioration de la directive de 1996. Mais, indique M. Bocquet, il s'agit d'un "dispositif modeste et contradictoire". Le texte est en cours de négociations au sein d'un Conseil "divisé entre tenants d'un renforcement des contrôles à l'image de la France (...) et partisans d'un statu quo favorables à leurs intérêts, à l'instar d'un certain nombre d'Etats membres ayant adhéré après 2004".
Selon M. Bocquet, deux points font particulièrement blocage: l'instauration d'une liste précise des mesures de contrôle que peut imposer un Etat à une entreprise étrangère et la création pour le seul secteur de la construction d'un "mécanisme de responsabilité solidaire" du donneur d'ordre, qui peut être tenu responsable en lieu et place du sous-traitant direct.
La France et d'autres Etats comme la Belgique et l'Espagne aimeraient ne pas restreindre la liste des moyens de contrôle et étendre la responsabilité solidaire à d'autres secteurs. Mais les nouveaux Etats membre et le Royaume-Uni sont contre.
Pour le sénateur, en l'état, une adoption du texte avant la fin de la présidence irlandaise de l'UE, en juin 2013, comme souhaité, paraît "illusoire". Il insiste sur le bien-fondé d'un renforcement des contrôles. Une proposition de résolution en ce sens a été adoptée par la commission des affaires européennes du Sénat.
Source : batirama.com