Photo : Des hommes travaillent en haute montagne à la construction de l'aiguille du Midi © P.Tournaire
Il a été cordiste lui-même pendant de nombreuses années avant de devenir le PDG de Jarnias : Xavier Rodriguez a accepté de répondre à nos questions sur les conditions de travail des professionnels qui travaillent à l'extérieur dans des conditions climatiques parfois sévères.
Xavier Rodriguez est PDG de Jarnias depuis 5 ans, après être passé par tous les postes de l'entreprise. © H.Alexandre
Xavier Rodriguez a commencé sa carrière de cordiste en tant que spécialiste des structures métalliques. Et comme chacun sait, les structures métalliques amplifient le ressenti du froid : un challenge donc de travailler sur les hauteurs du monument le plus visité de France en plein hiver !
"Au début de ma carrière, je suis arrivé sur la tour Eiffel dans un chantier sur lequel on devait remplacer les cordons chauffants qui allaient du 2e étage au sommet pour éviter que les canalisations ne gèlent. Le froid était déjà un sujet lors de cette première mission ! J'y ai par la suite réalisé beaucoup de travaux sur de nombreuses années : comme la modernisation des voies d'ascenseur ou l'entretien du scintillement de la tour Eiffel, qui avait été posé par Jarnias. Aujourd'hui encore, on entretien les 20.000 flashs qui le composent. On y a réalisé énormément de travaux par tous les temps."
Bien évidemment des vêtements de travail adaptés sont primordiaux. Certains vêtements de travail "grand froid" sont similaires à des combinaisons de ski. Il faut aussi veiller à bien protéger les extrémités : bonnet sous le casque, gants... car c'est par là que le froid s'immisce en premier.
"Certains de mes salariés ne jurent que par les chaussettes en laine, d'autre par les sous-gants en soie. Mettre plusieurs couches de vêtements, c'est ce qui a toujours le mieux fonctionné pour moi et c'est ce que je leur conseille. Mais même lorsqu'on met plusieurs couches, lorsqu'il fait très froid, on finit par le ressentir" indique le PDG. D'où l'importance de rester à l'écoute de son corps.
Travaux du tramway du Mont-Blanc © R.Perrin
Que cela soit en haute montagne ou tout simplement par une journée glaciale en haut de la tour Eiffel, Xavier Rodriguez, conseille de s'adapter. "Malheureusement il n'y a pas de solutions magiques. Il est primordial d'adapter son poste de travail, car le corps est soumis à des températures auxquelles il n'est pas habitué : c'est donc un effort supplémentaire pour le corps. Pour intervenir en toute sécurité, il faut rester concentré et vigilant. Et pour le rester tout au long de l'intervention, il est très important de faire des pauses régulières, de s'hydrater. C'est vrai d'ailleurs pour tous les métiers physiques."
Idéalement, lorsque cela est possible, faire une pause dans un abri chauffé est idéal. Mais lorsque cela n'est pas possible, une pause même dans le froid permet de reprendre des forces et de retrouver de la concentration.
En haute montagne, l'hiver en extérieur, seules les interventions de secours ou de sécurité sont maintenues. "Notre saison normalement en haute montagne s'arrête fin novembre et recommence en mars. Mais cet hiver, sur le mois de décembre il y a eu beaucoup de glissements de terrain liés à des variations de températures importantes, donc on intervient pour sécuriser des routes, pour réouvrir des accès..."
Autre point de vigilance : le gel, entraînant des risques de chute. "Notre métier, c'est de travailler en hauteur en suspension, sur des toits, des terrasses... alors dans ces cas-là, lorsqu'il est possible de décaler un petit peu les interventions pour que le gel ait fondu, c'est mieux," précise encore Xavier Rodriguez.
Enfin, à la fois pour des raisons de sécurité physique mais aussi pour le moral, il est important de travailler à plusieurs. "On ne dit jamais qu'on est 'un cordiste' mais 'des cordistes' parce qu'on travaille toujours minimum par équipe de deux. On a cette logique de solidarité."
"Notre métier est hors norme : on intervient juste après l'incendie de Notre-Dame-de-Paris, celui de l'hôtel de Seignelay, après l'explosion de la rue Saint-Jacques, au-dessus de fours industriels par des chaleurs extrêmes.... On est habitué à des situations psychologiquement difficiles. Il est donc important de rester à l'écoute. Quand on travaille de nuit, ou l'hiver, on sait à quel point c'est difficile. Il faut pouvoir en parler."
Notre-Dame-de-Paris : un chantier d'ampleur en cours pour Jarnias © P.Tournaire
Jarnias regroupe 350 salariés cordistes, situés un peu partout sur le territoire français (Île-de-France, Rhône-Alpes, Marseille, Bretagne.... mais également en Suisse). Ces professionnels sont également spécialisés dans 80 métiers. "On a des maçons, des soudeurs, des peintres, des conducteurs de travaux, des assistants... Intervenir sur des cordes est une spécialité supplémentaire qui s'ajoute à leur premier métier."
Jarnias intervient sur de nombreux monuments historiques, dans le nucléaire, dans des travaux liés à la réduction du bruit...
A l'heure actuelle, Jarnias est présent sur de nombreux chantiers des JO 2024 (stades, arénas...), sur la tour Eiffel pour la 20eme campagne de peinture du monument, à Notre-Dame-de-Paris... mais aussi, hors Île-de-France, dans l'industrie et le nucléaire. "2024 est une année très chargée et qui s'annonce prometteuse pour Jarnias", s'enthousiasme Xavier Rodriguez.