Dévoilé le 30 mars 2023, le Plan Eau prévoyait 53 mesures, dont une réduction de 10 % des prélèvements d’ici 2030 par rapport à 2019, ainsi que la réutilisation de 10 % des eaux usées en 2030, notamment grâce à 1 000 projets menés par les collectivités territoriales. L’objectif de réduction des prélèvements était inférieur à ce que prévoyaient les Assises de l’eau en 2019 : 10 % de réduction d’ici 2025 et 25 % en 15 ans (2035). Mais, on ne va pas ergoter.
La mise en œuvre du Plan Eau avait commencé en août 2023 avec la publication du décret n°2023-835 du 29 août 2023 sur la Réutilisation des eaux usées traitées (Reut) et sur l’utilisation des eaux de pluie. Ce premier décret simplifiait des procédures :
– clarification des règles sur l'utilisation des eaux de pluie ;
– Suppression de la consultation de la commission locale de l'eau, l'avis de l'ARS (Agence Régionale de Santé) devient consultatif et non plus conforme pour les demandes d’utilisation des Reut ;
– La durée de validité à cinq ans de l'autorisation est supprimée ;
– Et bilan du projet tous les cinq ans ou selon la fréquence prévue par l'autorisation, au lieu d’un bilan annuel auparavant.
Mais ce premier décret était particulièrement restrictif en ce qui concerne l’utilisation des eaux de pluie qui restait interdite dans les locaux à usage d’habitation et toutes sortes d’autres bâtiments, dont les ERP, les crèches, écoles maternelles et élémentaires, maisons de retraites, … Il étendait même l’interdiction de l’emploi des eaux de pluies à l’arrosage des espaces verts des bâtiments.
En octobre 2023, le ministère de la Transition écologique recensait 419 projet de réutilisation des eaux conventionnelles sur les 1000 envisagés d’ici 2027 par le Plan Eau, dont 136 mis en service.
Ensuite, l’arrêté du 14 décembre 2023 précisait les conditions d’utilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage d’espaces verts. Il définit deux classes A et B, A étant la classe la plus exigeante et requise pour l’irrigation agricole.
Paru le 25 janvier 2024, le décret n° 2024-33 du 24 janvier 2024 portait sur les eaux réutilisées dans les entreprises du secteur alimentaire et contenait des dispositions relatives à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Ce premier texte avait été suivi d’un nouveau décret et d’un nouvel arrêté. Ce qui complétait les exigences sur la réutilisation des eaux usées par les industriels de l'alimentation.
L’utilisation de l’eau de pluie avait été restreint par le décret n°2023-835 du 29 août 2023, sans que l’on comprenne bien pourquoi. © PP
Pour compléter la mise en œuvre du Plan Eau, un décret qui entre en vigueur le 1er septembre 2024 et un arrêté, pris le 12 juillet 2024 et parus 13 juillet 2024, posent les exigences techniques et sanitaires minimales pour autoriser une liste limitative d’emploi des eaux impropres à la consommation humaine. Le décret souligne d’abord qu’il ne s’applique pas aux eaux destinées à la consommation humaine.
Ensuite, le décret modifie le Livre III de la première partie du Code de la Santé Publique et introduit une section 3 dans le chapitre II bis du titre II : "Utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques". L’initiative d’utiliser des eaux impropres à la consommation humaine revient au propriétaire des réseaux intérieurs de distribution d’eaux : ménages, copropriété, bailleur, etc. Le décret précise que le "système d'utilisation des eaux impropres à la consommation humaine" contient l'ensemble des installations de collecte, de transport, de stockage, de traitement et de distribution des eaux impropres à la consommation humaine destiné à des usages domestiques permis dans ces nouvelles dispositions. Pour être plus clair, le décret porte sur la réutilisation :
– des eaux brutes, soit les eaux de pluie, issues des précipitations atmosphériques, exclusivement collectées à l'aval de surfaces inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d'entretien ou de maintenance, les eaux douces superficielles ou souterraines, les eaux des puits et forages à usage domestique ;
– des eaux grises, soit les eaux évacuées à l'issue de l'utilisation des douches, des baignoires, des lavabos, des lave-mains et des lave-linges ;
– des eaux issues des piscines à usage collectif.
De quels bâtiments parle-ton exactement : "dans l'enceinte des bâtiments pour les parties intérieures et extérieures, dans les lieux ouverts au public, les établissements recevant du public, les lieux de travail, les bâtiments d'habitation collective et dans les maisons individuelles."
Les caractéristiques techniques des installations et des équipements de récupération des eaux de pluies sont détaillées par le nouvel arrêté du 12 juillet 2024. © PP
Tout d’abord, l'utilisation d'eaux impropres à la consommation humaine n'est effectuée que dans l'enceinte de l'établissement ou du bâtiment dans laquelle elles ont été collectées. Mais il y a des exceptions :
– les zones d'activité, les zones industrielles, les lotissements et habitations collectives à partir de onze habitations, les complexes scolaires et les complexes hôteliers, peuvent mutualiser la collecte et les usages des eaux impropres à la consommation humaine ;
– Les eaux issues des opérations de vidanges des bassins des piscines à usage collectif peuvent être utilisées en dehors de l'enceinte de l'établissement où ces eaux sont produites.
Ensuite, L'utilisation des eaux brutes est permise pour le ou les usages suivants :
– 1° Lavage du linge ;
– 2° Lavage des sols intérieurs ;
– 3° Evacuation des excreta (chasses d’eau) ;
– 4° Alimentation de fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine ;
– 5° Nettoyage des surfaces extérieures, dont le lavage des véhicules lorsqu'il est réalisé au domicile ;
– 6° Arrosage des jardins potagers ;
– 7° Arrosage des espaces verts à l'échelle des bâtiments.
L'utilisation des eaux grises et des eaux issues des piscines à usage collectif est permise pour les usages suivants :
– 1° Evacuation des excreta ;
– 2° Alimentation de fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine ;
– 3° Nettoyage des surfaces extérieures, dont le lavage des véhicules lorsqu'il est réalisé au domicile ;
– 4° Arrosage des espaces verts à l'échelle des bâtiments.
Le décret du 12 juillet 2024 marque donc le grand retour de l’eau de pluie pour l’arrosage des espaces verts et des potagers.
L’utilisation d'eaux-vannes, y compris traitées, pour les usages alimentaires, les usages liés à la boisson, à la préparation et à la cuisson des aliments, au lavage de la vaisselle, les usages liés à l'hygiène corporelle et les usages de brumisation d'eau et de jeux d'eaux, le lavage du linge, le nettoyage des surfaces intérieures et l'alimentation de fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine est toujours interdite.
Tout comme demeure interdite l’utilisation d'eaux grises, y compris traitées, pour les usages alimentaires, les usages liés à la boisson, à la préparation et à la cuisson des aliments, au lavage de la vaisselle, les usages liés à l'hygiène corporelle et les usages de brumisation d'eau et de jeux d'eaux.
Pour les usages évoqués plus haut, le propriétaire des réseaux d’eaux intérieurs doit respecter toute une série de prescriptions, dont :
– recourir à des systèmes conçus, installés et exploités de manière à ne présenter aucune nuisance pour l'usager, aucun risque de contamination du réseau de distribution d'eau destinée à la consommation humaine ou aucun risque d'exposition des personnes à des agents pathogènes ou substances chimiques susceptibles d'altérer leur état de santé ;
– S'assurer de la conformité des réseaux intérieurs d'eaux impropres à la consommation humaine, aux obligations de protection des réseaux d'adduction et de distribution d'eau destinée à la consommation humaine contre toute pollution par retours d'eau, ainsi que des obligations de séparation de distinction et de repérage des réseaux intérieurs de distribution d'eaux prévues par l'article R. 1321-57 du Code de la Santé Publique ;
– Mettre en place une démarche d'analyse et de gestion préventives des risques liés à l'utilisation des systèmes d'utilisation d'eaux impropres à la consommation humaine ;
– Effectuer les vérifications et l'entretien périodiques nécessaires afin de s'assurer du maintien en bon état de fonctionnement du système ;
– Mettre le système immédiatement à l'arrêt, en cas de dysfonctionnement de nature à créer un risque pour la santé des personnes ;
– Mettre en place une signalétique ou un affichage mentionnant la présence d'eaux impropres à la consommation humaine à chaque point de soutirage du système de ces eaux ;
– Informer, par tout moyen, les usagers concernés de la présence et des modalités de fonctionnement du système et, le cas échéant, dans les bâtiments d'habitation collective, de la qualité et du prix de l'eau mise à disposition par le système ;
– Assurer la traçabilité de l'ensemble des informations relatives à l'application du présent article et les tenir à disposition des autorités sanitaires. Ces informations sont consignées dans un carnet sanitaire.
D’une manière générale, tout système d'utilisation d'eaux impropres à la consommation humaine, utilisant des eaux grises, des eaux issues des piscines à usage collectif ou des eaux brutes pour le lavage du linge, fait l'objet, avant sa première mise en service, d'une déclaration au préfet par le propriétaire des réseaux intérieurs de distribution d'eaux.
En revanche, s’il s’agit d’un "établissement recevant du public sensible" (établissements de santé, établissements et centre de transfusion sanguine, lieux d’exercice des médecins, dentistes, sages-femmes, pharmacies, hôpitaux de toutes sortes, les centres et maisons de santé, les établissements thermaux, les établissement et services d’accueil non permanent d’enfants, …), la déclaration ne suffit pas, il faut une autorisation préalable du préfet.
L’article 2 du décret indique que des expérimentations sont possibles jusqu’au 31 décembre 2034, notamment pour l’emploi des eaux grises, pour le lavage du linge, le lavage des sols en intérieur et l'arrosage des jardins potagers, des eaux issues des piscines à usage collectif, pour le lavage des sols en intérieur et l'arrosage de jardins potagers et même l’emploi des eaux-vannes issues des toilettes, pour l'évacuation des excreta, l'arrosage des jardins potagers, le nettoyage des surfaces extérieures et l'arrosage des espaces verts à l'échelle des bâtiments, ainsi que d’autres expérimentation. Un arrêté encore à venir doit préciser les conditions de ces expérimentations, dont la durée ne pourra pas excéder 5 ans.
Enfin, l’arrêté du 12 juillet codifie de nombreux aspects, depuis le repérage des canalisations véhiculant des eaux impropres à la consommation humaine, la signalétique, jusqu’au verrouillage des point de puisage.
Il indique également l’entretien des systèmes, le suivi des installations et leurs caractéristiques. Par exemple, les réservoirs de stockage des systèmes d'utilisation d'eaux impropres à la consommation humaine sont non translucides. Ils sont couverts, à pression atmosphérique et comportent un accès sécurisé pour éviter tout risque de noyade. Les matériaux des réservoirs n'altèrent pas la couleur, l'odeur, ne favorisent pas le développement de biofilms, ne libèrent pas de contaminants dans les eaux à des niveaux compromettant directement ou indirectement la protection de la santé humaine.
Les réservoirs sont protégés contre l'introduction et la prolifération d'animaux, d'insectes et notamment d'insectes vecteurs et contre toute pollution d'origine extérieure. Les aérations sont munies de grille anti-moustiques de mailles de taille inférieure ou égale à 1 millimètre. La canalisation de trop-plein équipant le système absorbe la totalité du débit maximum d'alimentation des réservoirs. Cette canalisation est protégée contre l'entrée d'insectes et de petits animaux. Si la canalisation de trop-plein est raccordée au réseau de collecte des eaux usées, elle est munie d'un clapet anti-retour.
Les équipements de récupération de l'eau de pluie comportent un dispositif de filtration inférieure ou égale à 1 millimètre en amont des réservoirs de stockage afin de limiter la formation de dépôts à l'intérieur.
Au total, les conditions d’emploi des eaux de pluies demeurent encore très strictes. Mais finalement, ce gouvernement n'a jamais déployé autant d'efforts que depuis que ses jours sont comptés.
Dans le même temps, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Cerema et l’ANEL, avec le soutien des Agences de l’Eau, de la Banque des Territoires et de l’Office Français de la Biodiversité, lancent un programme national d’accélération de la Réutilisation des Eaux Usées Traitées sur les territoires littoraux. Il s’agit de multiplier par 10 le volume d’eaux réutilisées d’ici à 2030. Le dépôt des candidatures est possible depuis le 12 juillet et jusqu’au 30 septembre pour la première vague. Les résultats seront annoncés au congrès de l’ANEL (Association Nationale des Elus des Littoraux) en décembre 2024, avant que ne soit lancée la seconde vague en janvier 2025 pour une réception des candidatures avant le 28 février 2025. © PP
Source : batirama.com / Pascal Poggi
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Bonjour, Est ce autorisé de récupérer l'eau de pluie sur une parcelle (toiture non accessible respectant les conditions) pour la stocker et l'utiliser sur une autre parcelle dont le propriétaire est différent ? Cela permettrait de récupérer l'eau de pluie des bâtiments privés pour l'utiliser dans les jardins publics ou partagés et ainsi accroître les économies d'eau et l'infiltration locale des eaux pluviales. Merci ! Bien à vous.