Zoom sur la REP Bâtiment, un an et demi après son entrée en vigueur

La plateforme de déchets non-triés d'Ypréma à Emerainville

Après un début laborieux, la REP Bâtiment progresse maintenant à un rythme soutenu. Il reste toutefois à améliorer le tri des déchets sur chantiers.




La REP Bâtiment, ou plus exactement la REP PCMB pour Responsabilité Élargie du Producteur Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment, a été créée par la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), promulguée le 10 février 2020. Elle a créé des éco-organismes qui prélèvent une éco-contribution (pas une taxe, pas une taxe du tout) auprès des fabricants, des importateurs et de tout autre metteur sur le marché des produits qui figurent sur liste publiée le 10 décembre 2022 sous forme d’un avis du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (NOR : TREP2232096V). L’ADEME évalue le volume annuel des déchets du bâtiment à 47 millions de tonnes, contre 30 millions de tonnes pour les déchets ménagers.

L’objectif de la REP dépasse le traitement des déchets générés par les produits mis sur le marché. Il s’agit aussi d’éviter, autant que possible, l’apparition de ces déchets. Les metteurs sur le marché, soutenus par les éco-organismes dans le cadre de la REP, doivent donc désormais s’intéresser à l’ensemble du cycle de vie de leurs produits : favoriser l’éco-conception et la durée de vie des produits, la réparabilité le cas échéant, et ainsi prévoir le réemploi.

 

 

 

Plusieurs types d’acteurs sont mobilisés pour la REP PMCB

La REP PMCB mobilise différents types d’acteurs. Pour commencer, les metteurs sur le marché sont concernés au premier chef par la loi AGEC. Mais cette loi prévoit que le metteur sur le marché – en échange d’une éco-contribution levée sur ses produits – peut transférer son obligation à un éco-organisme qui se chargera de la collecte et du traitement des déchets. Quatre éco-organismes ont été agréés :

Écomaison traite des déchets non-inertes ;

Écominéro, comme son nom l’indique, se focalise sur les déchets inertes ;

Valdelia traite aussi des déchets non-inertes ;

Valobat s’occupe à la fois des déchets inertes et des déchets non-inerts

 

Un arrêté du 10 Juin 2022 a fixé le cahier des charges pour les éco-organismes de la REP PMCB. Cet arrêté sépare les déchets PMCB en deux catégories : les déchets inertes (ardoises, béton, chaux, granulats, pierre, terre, …) et les déchets non-inertes (bois, enduits, laine de verre, laine de roche, plastiques, dont les isolants, peintures, plâtre, verre, …). Les éco-organismes peuvent s’occuper d’une seule ou des deux catégories à la fois.

Les déchets du bâtiment se décomposent en 75 % de déchets inertes (environ 35 millions de tonnes), 23 % de déchets non-dangereux et non-inertes (environ 10 Mt) et 2 % de déchets dangereux, notamment l’amiante.

Selon le cahier des charges, en ce qui concerne les déchets inertes, les éco-organismes devaient atteindre un taux de collecte de 82 % en 2024 et de 93 % en 2027, un taux de recyclage de 35 % en 2024 et de 43 % en 2027, enfin, un taux de valorisation de 77 % en 2024 et 88 % en 2027. À propos des matériaux non-inertes, les objectifs sont : un taux de collecte de 53 % en 2024 et de 62 % en 2027, un taux de recyclage de 39 % en 2024 et de 45 % en 2027 ainsi qu'un taux de valorisation de 48 % en 2024, puis de 57 % en 2027.

Ensuite, les entreprises du bâtiment bénéficient de plusieurs solutions de collecte de leurs déchets : des bennes dans leurs propres entrepôts, mises à disposition par les éco-organismes, la collecte directe sur les chantiers ou l’acheminement vers des déchetteries publiques ou privées.

Enfin, des entreprises, qui peuvent être différentes de celles qui collectent les déchets, assurent leur transformation et leur valorisation.

 

Seulement 50 % des déchets de déconstruction, notamment les déchets du second-œuvre, arrivent pré-triés dans les points de collecte. © PP

 

 

Si les déchets sont triés sur le chantier, leur dépose en point de collecte est gratuite pour les entreprises. © PP

 

 

 

Yprema transforme les déchets des uns en ressources pour les autres

Yprema, par exemple, une entreprise spécialisée dans la transformation des déchets issus de la déconstruction de bâtiments, pratique le recyclage depuis 35 ans et a créé ses premiers "Espaces Artisans", des déchetteries professionnelles pour les artisans du bâtiment, il y a déjà 15 ans.

 

En 2014, Yprema ouvrait son second "Espace Artisan" à Emerainville en Seine-et-Marne. L’une des promesses de la REP PMCB est que les artisans bénéficient de la gratuité sur la dépose des déchets préalablement triés. © Yprema

 

 

Force est de constater cependant, selon Yprema, que la moitié des déchets du second-œuvre arrivent non-triés sur l’Espace Artisan d’Emerainville. Pourtant, affirme Pierre Prigent, président de la SAS Espace Artisan, filiale d’Yprema, "tous les déchets pré-triés seront réceptionnés gratuitement et facturés à un éco-organisme. Tous les déchets mélangés seront facturés directement à l’entreprise qui les dépose". Yprema demande une modification du statu de ses plateformes dans la mesure où elles assurent la transformation des déchets en matériaux, elles devraient sortir du statut de déchetterie pour devenir des installations industrielles fabricant de nouveaux matériaux. Dans ce cadre, Yprema ne rêve que d’une chose : être lui-aussi assujetti à la REP et payer son éco-contribution à un éco-organisme. Nous n’en sommes pas encore là.

 

Pour les gros chantiers, Yprema a mis au point une procédure spécifique. Il faut premièrement, à l’aide de photos, vérifier que le chantier entre dans le cadre de la REP PMCB. Le responsable du chantier remplit un document d’acceptation préalable. Le chantier est créé dans le logiciel de gestion d’Yprema. À chaque passage des camions sur le pont bascule à l’entrée et à la sortie du site d’Yprema, un bon d’acceptation préalable est remis au chauffeur pour assurer une traçabilité des déchets. Chaque mois, Yprema envoie à l’éco-organisme avec lequel il travaille – en l’occurrence Écominéro – un fichier qui répertorie l’ensemble des passages sous REP et facture directement l’éco-organisme. © PP/© Yprema

 

 

 

 

 

Gratuité des déchets triés au 1er Janvier 2025

Nous avons récemment rencontré les deux principaux éco-organismes de la REP PMCB : Ecominéro et Valobat. Depuis le lancement de la filière REP PMCB en mai 2023, Ecominéro compte déjà plus de 2 900 adhérents, fabricants et distributeurs de matériaux de construction lui ayant transféré leur obligation de REP, pour les PMCB de catégorie 1 (déchets inertes) et 3 700 points de reprise affiliés, ayant déjà permis la collecte et le recyclage de 8 millions de tonnes de déchets inertes. D’ici la fin d’année 2024, et conformément à ses objectifs, la performance de valoriser ou recycler 77 % des déchets inertes sera atteinte. L’éco-organisme vise aussi une couverture de 90 % du territoire avec un réseau de 5 500 points de reprise et, sur cette année 2024, près de 9 millions de tonnes de déchets inertes collectés et recyclés. À terme, Ecominéro souhaite garantir aux artisans du bâtiment qu’un point de reprise soit accessible à moins de 10 km des chantiers en zone urbaine et à moins 20 km en zone rurale.

En parallèle, dès le 1er janvier 2025, les détenteurs de déchets – professionnels comme particuliers – pourront déposer gratuitement leurs déchets triés dans un point de reprise affilié à Ecominéro. Aujourd'hui, 20 % du coût restent à la charge du détenteur de déchets.

"Nous sommes sur le point de dépasser notre objectif ambitieux de 9 millions de tonnes de déchets recyclés d'ici la fin de l'année, un excellent résultat pour cette première année pleine de mise en œuvre de la REP Bâtiment. En 2025, nous réitérerons notre engagement fort en faveur du réemploi, tout en intensifiant nos actions sur l'éco-conception, un enjeu clé pour l'avenir. Par ailleurs, l'introduction de la gratuité de la reprise des déchets triés, dès le 1er janvier 2025, marquera une étape décisive qui devrait considérablement dynamiser la collecte", explique Michel André, le président d'Ecominéro.

 

 

 

Valobat est sur la bonne trajectoire

Pour sa part, Valobat a assuré le déploiement de plus de 3 000 points de reprise à travers la France, la collecte sur les chantiers via 800 gestionnaires de déchets et l’augmentation des contrats "entrepôts" avec plus de 350 entreprises signataires et 1 000 demandes en cours d’instruction. En 2025, Valobat introduira de nouveaux services : la prise en charge des fonds de toupie aux fabricants de bétons prêts à l’emploi et la reprise des déchets inertes en entrepôts. Comme Ecominéro, Valobat prendra en charge 100 % du coût des déchets inertes triés, contre 80 % aujourd’hui.

Au total, Valobat a :

– passé contrat avec plus de 3 000 points de reprise, dont 1 300 chez les distributeurs, 260 déchetteries professionnelles, 1 500 déchetteries publiques et 40 plateformes de recyclage de déchets inertes ;

– référencé 800 gestionnaires de déchets pour la collecte sur les chantiers ;

– a signé un contrat entrepôt avec 350 entreprises (sans compter les 1 000 demandes en cours).

 

Selon Olivier de Maistre, son président, Valobat a pris en charge plus de 2 millions de tonnes de déchets en 2024, multiplié ce volume par 4 entre 2023 et 2024 et le multipliera à nouveau par 3 entre 2024 et 2025. © PP

 

 

En partenariat avec l’association Construction21, Valobat lance la 1ère édition de ses Trophées. Ce concours a pour ambition de mettre en lumière les démarches vertueuses et novatrices sur les chantiers du bâtiment en matière d’économie circulaire, de solution de tri ou de recyclage des déchets, valorisation, réemploi des matériaux, … © PP

 

 

Tous les artisans, maîtres d’œuvre et d’ouvrage, négoces en matériaux de construction, gestionnaires de déchets, plateformes de réemploi, entreprises de travaux, … peuvent gratuitement se porter candidat aux Trophées Valobat. Il leur suffit de remplir le dossier téléchargeable sur les sites internet de Valobat ou de Construction21, et de le renvoyer avant le 10 janvier 2025 à minuit. Leur chantier devra être inscrit dans l’une des trois catégories « Réhabilitation », « Déconstruction /Démolition » ou « Construction neuve ». Chacun d’eux sera évalué selon plusieurs critères tels que la stratégie, l’accessibilité, la qualité et la pertinence des solutions mises en place.

La cérémonie de remise des prix se déroulera le jeudi 22 mai 2025 à Paris et les lauréats seront récompensés à travers quatre prix : celui du "Chantier exemplaire du tri", celui du "Chantier exemplaire du réemploi", celui du "Chantier exemplaire en valorisation" et ,enfin, le "Grand Prix du Jury".



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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