Selon Manuel Estèves, la communication entre les 80 entreprises titulaires des divers lots a constitué très vite une difficulté qu’il a fallu résoudre. Vinci Construction a décidé de profiter de l'expérience de Gehry & Partners et d'utiliser son logiciel de conception 3D Digital Project, développé à partir du moteur Catia de Dassault Systems.
C'est un logiciel exceptionnellement puissant, mais aussi nettement plus gourmand en puissance informatique et bien plus coûteux que ceux que les entreprises utilisent habituellement. De plus, même si c'est un logiciel 3D bâtiment, il ne connaît pas tous les métiers.
En plomberie, par exemple, il peut dessiner des parcours de canalisations d'évacuation en fonte avec des coudes à 20° qui n'existent pas dans le commerce. Bref, si Vinci a produit une maquette 3D du projet sous Digital Project, il est rapidement devenu évident que l'entreprise générale ne pouvait pas imposer cet outil à ses 80 sous-traitants de premier rang.
En 2005, au début des études du projet, le BIM est en à ses balbutiements. Les fichiers IFC qui permettent un échange 3D intelligent ne sont pas reconnus par toutes les applications. Vinci a donc inventé une méthode BIM, qui ressemble beaucoup à celle que le gouvernement britannique a adopté pour ses propres projets.
Les échanges s'effectuent à partir de fichiers graphiques 3D Digital Project ou DWG, assortis de feuilles Excel portant une minutieuse description dimensionnelle de chacun des objets 3D figurant dans le fichier graphique.
Cette méthode a assuré un parfait recollement des données issues de tous les sous-traitants et a abouti a une maquette numérique sous Digital Project, comportant des millions d’objets 3D individuellement identifiés.
Avec toutes leurs caractéristiques, cela représente des milliards de données. Soit beaucoup plus que ce que les serveurs de Vinci pouvaient faire tourner en 2005-2007. La maquette numérique a donc été envoyée au centre de calcul du CEA à Saclay qui l'a soumise à différents calculs, stress, etc. durant 6 semaines.
La maquette numérique du projet est même passée en 4D : Vinci Construction a ajouté le temps pour simuler les interventions de tous les corps d’état sur le chantier. Par exemple, le chantier a compté jusqu'à 70 nacelles évoluant simultanément, au lieu de 4 ou 5 habituellement pour un bâtiment de volume comparable.
Digital Project a été mis a profit pour calculer, pour chaque nacelle, un volume d'intervention qui ne gênait pas les nacelles environnantes, par pas d'une demi-journée. Chaque nacelle a reçu la liste et l'ordre des tâches à effectuer dans le volume affecté demi-journée par demi-journée.
Les mouvements des nacelles d'un volume à l'autre, ainsi que le parcours de leur approvisionnement en matériel à mettre en oeuvre ont été simulés sur Digital Project pour éviter les collisions.
Vinci Construction estime avoir énormément appris au cours de ce chantier. Grâce à lui, la conception-réalisation à l'aide de maquettes numérique 3D et 4D (le temps) à été étendue à 70% des projets de l’entreprise qui s'est dotée des moyens de calcul appropriés.
Cette approche, estime Manuel Estèves, fiabilise et accélère la conception et a permis de remporter de nouvelles affaires, notamment auprès de la Foncière des Régions. De nouvelles méthodes de mise en œuvre – 75 Atex sur ce chantier – ont été imaginées.
Ce chantier a servi de test en grandeur nature pour développer tout un nouveau savoir-faire en coordination de corps d'Etat pour des chantiers complexes. Bref, même si l'entreprise reste muette comme une tombe, quant à ses coûts, marges et prix de vente, elle estime que le bilan de cette opération est largement positif. A tel point qu’elle est partenaire de l'exposition sur la rétrospective de l'oeuvre de Frank Gehry qui se tient au Centre Pompidou jusqu’au 25 janvier 2015.