Le taille-charpente débarque sur les chantiers

Le taille-charpente débarque sur les chantiers

Aujourd’hui, la taille de charpente s’effectue en atelier, par des machines de fraisage lourdes et stationnaires. Demain, les charpentiers disposeront sans doute d’une alternative portative.




Legende photo d'ouverture : Le prototype du taille-charpente portatif Oakbot d’Epur SAS.

 

Jean-Claude Baudin, le patron de l’entreprise sarthoise Charpente Cénomane, estime que l’arrivée des machines de taille à commande numérique, au cours des 25 dernières années, a propulsé la profession du Moyen-âge au 21e siècle : difficile de trouver depuis dans la filière une innovation qui puisse rivaliser avec un événement de cette ampleur.

 

Qui sait d’ailleurs si le chef de l’une des plus grandes entreprises de construction bois de France sera séduit par l’arrivée probable sur le marché un outil de taille de charpente numérique et portatif.

 

Charpente Cénomane est équipé depuis longtemps de l’un de ces gros centres de taille stationnaires, et il vient de s’acquitter de la dernière traite. Tout le fonctionnement de son entreprise très mobile, qui intervient souvent en région parisienne notamment, s’est adapté aux possibilités de la machine et mise sur un haut degré de préfabrication en atelier.

 

Machine de taille, problème de taille

 

Les charpentiers de taille artisanale ont tous tendance, également, à passer progressivement d’une approche de chantiers forains à une préfabrication en atelier. La taille numérique constitue cependant un obstacle à cause du coût élevé, de l’ordre de 100 à 300 000 euros selon le degré de mécanisation.

 

Ces dernières années, la crise a renvoyé sur le marché des machines d’occasion soigneusement remises à niveau et un peu plus abordables. Mais le coût reste élevé, d’autant qu’une ligne de préfabrication d’éléments en ossature bois comporte aussi, a minima, une table de montage plus ou moins automatisée.

 

Si la mutualisation de ces outils est possible la pratique en montre souvent les limites. De sorte que la petite entreprise de charpente et de construction bois n’a guère le choix que de franchir le pas ou de se cantonner dans une activité de pose. Ce qui revient tantôt à prendre un gros risque financier, dans le cas où les banques veulent bien suivre ; ou bien à faire une croix sur une partie de la valeur ajoutée.

 

L’inventeur dans son garage

 

Les compagnons charpentiers alsaciens Pierre Giusti et Ilias Zinsstag n’ont pas pensé à tout cela quand ils ont eu l’idée de concevoir une machine de taille portative. Ils travaillaient dans une entreprise de l’Aude dépourvue de centre de taille stationnaire et se retrouvèrent un jour face à la tâche répétitive et fastidieuse de réaliser plusieurs dizaines de tenons et mortaises.

 

En bon inventeur, Pierre Giusti a ensuite fait mûrir son idée de machine portative pendant deux ans dans son garage. Il a compris que l’outil devrait se concentrer sur le fraisage, sans tronçonnage. Un premier prototype est né, avec une section utile de 150x350 mm, pour un poids de 25 kg. 

 

L’outil est fixé sur la pièce à tailler par des serre-joints. La commande se fait pas un écran tactile intégré. Les outils de fraisage se déplacent selon trois axes. De quoi réaliser une bonne partie des opérations de taille demandées dans le domaine de la charpente traditionnelle : embrèvement simple ou double, en pied ou tête de poteau, mi-bois, moise, queue d'aronde (en changeant de mèche)…

 

S’ajoutent les possibilités décoratives, comme la sculpture ou par exemple la gravure sur les limons d’escalier. Le temps d'usinage d'un tenon de plus de 60 mm est de l'ordre de 30 secondes. La machine est baptisée Oakbot, Oak pour chêne, bot pour robot.

 

 

 

Pierre Giusti et Ilias Zinsstag, à l’origine du Oakbot © Epur

 

Du prototype au produit de série

 

Cette première étape a permis de former une équipe à laquelle s’est adjoint l’expérimenté Freddy Stoof. Epur SAS bénéficie d'une aide locale pour financer une étude de faisabilité commerciale et une étude de faisabilité technique. Le Comité du Massif du plateau de Sault, qui dépend de Datar, finance dans la foulée 80% du brevet déposé. En tout, les aides publiques se montent à ce jour à 60 000 euros.

 

Ilias Zinsstag concède qu'il existe déjà aux USA un outil pour bricoleurs lourds dont le principe est apparenté, le Handybot, une petite 3 axes reliée à un ordinateur. Pas de quoi remettre en cause l’originalité de l’approche française qui vise délibérément le marché professionnel.

 

Un second prototype est en cours d’achèvement. Sa section utile a été portée à 200x350 mm, une envergure utile pour des opérations récurrentes de taille en tête de poteau 20x20 cm. L’objectif est également de ramener le poids de l’appareil de 25 à 20 kg, et de remplacer les serre-joints par des attaches plus pratiques.

 

Le nouveau prototype sera proposé à des « béta-testeurs », et si tout se passe bien, une production en série sera lancée dans la foulée, à un prix qui devrait tourner autour de 10 000 euros. A suivre !

 

En savoir plus ici




Source : batirama.com / Jonas Tophoven

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