Une trentaine de personnes ont assisté, le 4 juillet dernier à Belcaire dans l’Aude, à la première démonstration publique de la version 4 d’un outil qui suscite déjà un fort intérêt dans le monde de la charpente.
Son nom, Oakbot, combine le terme anglais pour désigner le chêne, et le suffixe ‘bot’ pour robot. Pourtant, il ne s’agit pas spécialement d’un robot pour tailler du chêne. Mais tout simplement de créer un outil portatif qui permettra de tailler des charpentes de la même manière que les centres de taille à commande numérique, mais de façon foraine et pour un investissement minime en comparaison.
L’idée a germé parmi deux compagnons charpentiers alsaciens qui se sont installés à l’autre bout du monde, dans les Pyrénées, à la frontière de l’Aude et de l’Ariège : Pierre Giusti et Ilias Zinsstag.
Leur culture, c’est la barre de 13 mètres aboutée et sèche, les machines de taille à commande numérique dans les ateliers. Mais du côté des belles sapinières de la forêt de Bélesta, c’est un autre monde.
Les bois collés qui s’y aventurent viennent par camion d’Autriche. Ici, les charpentes traditionnelles se montent en bois vert à assemblage bois-bois, avec les outils de toujours. C’est sans doute à ce choc des cultures que l’on devra l’idée d’un outil de taille portatif.
Quant à savoir pourquoi, dans ce coin magnifique mais loin de tout, l’idée s’est concrétisée au fil des années pour parvenir jusqu’à la version 4, mystère. Un charpentier géo-trouve-tout entêté et bien entouré de jeunes collègues enthousiastes, quelques aides opportunes, le soutien durable de la BPI…
La V4 en situation
L’Oakbot se compose essentiellement de trois parties : l’outil de taille proprement dit, mais aussi le délicat système de bridage de l’appareil sur la poutre à tailler, et enfin l’interface numérique.
Pour ce qui est de l’outil, la V4 tout en alu et convenablement capotée est désormais certifiable et ne pose plus de problèmes de sécurité pour l’utilisateur. Le poids n’a pas pu être ramené en-dessous de 20 kg, entraînant une réflexion actuelle sur l’adjonction d’un chariot permettant de réduire la pénibilité. Et ce même si les charpentiers sont amenés à manier des poutres bien plus lourdes que l’Oakbot.
La section de taille désormais admissible est 350 x 200 x110 mm. Lors des démonstrations réalisées par Ilias Zinsstag avec la V3, tout comme lors de la présentation de la V4 en juillet dernier, les spectateurs sont impressionnés par la vitesse de fraisage des pièces.
Installer l’outil est plus long que l’usinage proprement dit. En ce qui concerne le bridage, il a évolué vers un système de serre-joint mais Ilias Zinsstag prévoit de revenir à une fixation par sangles, plus souple, pour les modèles V4 qui seront soumis à l’automne aux béta-testeurs.
Enfin, l’interface se doit d’être fiable et simple à manier. L’un des retours de la démonstration, c’est que les utilisateurs ne sont pas forcément au fait des indications x, y, z propres aux outils trois axes. Sans doute sera-t-il plus approprié de visualiser la pièce à usiner et d’y inscrire sur écran les dimensions et sections.
Le bridage par serre-joint sera abandonné au profit de l’approche initiale par sangle, plus légère et flexible.
L’entreprise EPUR qui a été constituée pour développer cet outil très original ne compte pas quitter son environnement idyllique et difficile d’accès. Ilias Zinsstag : « Nous nous chargerons ici-même de l’assemble de l’interface. Mais pour ce qui concerne la fabrication de l’outil proprement dit, plusieurs pistes sont à l’étude ».
Que la machine à bois française renaisse ainsi dans l’Aube serait formidable pour contribuer à inverser la spirale de désertification sociale qui frappe aujourd’hui le monde rural en France. Mais ce serait aussi un choix logique.
Si l’Oakbot peut être imaginé comme outil d’appoint de charpentiers équipés de centres de taille, c’est aussi l’outil idoine pour tailler du bois de pays tel qu’il est, non séché, non abouté, non collé : que ce soit le sapin des contreforts pyrénéens, ou le hêtre, le châtaignier des Cévennes, voire le pin des Landes.
Ce n’est pas la bonne solution pour les ouvrages à ossature bois qui demandent du bois sec. Mais qui sait si, à partir d’un tel outil, on ne verra pas se développer une nouvelle forme de construction bois locale et durable.
La V3 et son interface
Aspect de la version qui sera commercialisée l’an prochain.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven