Le village bourguignon de Vézelay, classé au Patrimoine mondial de L’Unesco, reçoit chaque année un million de visiteurs, attirés avant tout par sa basilique.
Dressé à la proue du vaisseau-colline, le célèbre bâtiment qui mêle styles roman et gothique aurait pourtant pu disparaître, s’il n’avait été sauvé de la ruine par l’architecte Eugène Viollet-Le-Duc, qui le restaure de fond en comble à partir de 1840.
La municipalité de Vézelay a, depuis, commandité plusieurs campagnes de travaux pour le conserver en état. La dernière en date, initiée en 2000 avec la réfection complète des toitures, se poursuit.
Chargé de la 4e phase du programme de restauration, Christophe Wagner, architecte de 2BDM, précise : « Depuis février 2019 et jusqu’au printemps 2020, nous travaillons sur les sculptures intérieures et extérieures de la façade occidentale et sur les voûtes de l’avant-nef. Comme dans le reste de la basilique précédemment, les enduits des voûtes sont restaurés pour retrouver leur éclat d’origine.»
Comme le maître d’œuvre, les entreprises qui interviennent sont spécialisées dans le patrimoine ancien. Leur démarche passe par une connaissance la plus fine possible de l’historique du bâti et des matériaux et techniques utilisés antérieurement.
Depuis 2014, pour pouvoir restaurer dans le respect des choix de leurs prédécesseurs, les uns et les autres mènent d’importants travaux de documentation et de nombreux essais techniques. Leur passion pour le patrimoine ancien et leur savoir-faire font des merveilles.
La réfection des 950 m² de voûtes fait partie des travaux réalisés sur l’avant-nef. Fragilisé par les infiltrations d’eau de pluie, le revêtement est tâché, craquelé et, à certains endroits, très délité par les sels minéraux.
Jointes à la chaux aérienne dès l’origine, les voûtes datent de l’époque romane. Certaines ont été refaites à la période gothique et les plus abîmées ont été reconstruites à l’identique par Viollet-Le-Duc. Toutes sont revêtues d’enduits à la chaux aérienne, qui contribuent à la clarté si particulière de l’intérieur.
« Il reste très peu d’enduits anciens, » note l’architecte, « la plupart ont été restaurés au 19e siècle et pour certains, au 20e, toujours en employant des techniques à base de chaux aérienne. »
Prescrire de la chaux aérienne était une évidence pour l’architecte : d’un point de vue esthétique, « ce matériau est primordial pour conduire la lumière », et pour la pérennité du bâti, « l’enduit à la chaux aérienne laisse respirer la maçonnerie. » Au contact de l’air, la chaux aérienne fait sa prise, puis se comporte comme la pierre. Les échanges de vapeur d’eau se font ainsi au travers des enduits.
Maximilien Werner, le chef de chantier de SNBR, l’entreprise qualifiée en Restauration des Monuments Historiques qui a obtenu le lot maçonnerie-pierre de taille : « 30 % de la surface sont à ré-enduire intégralement. Par rapport à des enduits industriels, la mise en œuvre d’enduits à la chaux aérienne est beaucoup plus douce et agréable. »
Le choix s’est arrêté sur la Tradical H 98, une chaux développée par BCB pour les Monuments Historiques, très pure et à la blancheur éclatante.
Employée sous forme de pâte, cette chaux aérienne éteinte a servi de base aux différentes couches appliquées successivement. Les mortiers sont préparés plusieurs semaines à l’avance, l’eau ne servant qu’à régler leur onctuosité, pour obtenir le confort de pose idéal. Ils en sont à la fois plus gras et plus résistants.
Les fissures dues à des mouvements structuraux et aux infiltrations d’eau de pluie sont d’abord traitées, et quelques moellons replacés. Les enduits dégradés sont purgés mécaniquement, le principe étant d’en conserver un maximum.
Un premier corps d’enduit chaux-sable est appliqué à la truelle. Ce mortier à granulométrie importante (>0/4 mm) est épais de 2 à 5-6 cm selon les endroits. Toujours à base de chaux, mais associée à un sable plus fin, un nouvel enduit est mis en oeuvre sur une épaisseur de 5 à 10 mm, pour tendre la surface.
Une polissure de chaux, obtenue avec de la chaux aérienne et un faible volume de sable très fin, est appliquée sur la totalité de la voûte, afin d’harmoniser les parties réparées et existantes. Divers essais ont été nécessaires pour retrouver la technique d’application de cette pellicule de 1 mm à 1,5 mm, spécifique à la région Bourgogne.
La touche finale est apportée sur la polissure encore fraîche par un lait de chaux qui donne sa transparence à l’enduit. Appliquée à la brosse et à l’éponge, cette eau-forte est nuancée par des pigments naturels ; une intervention de longue haleine puisque depuis 2015, une seule décoratrice-restauratrice réalise la patine de tous les enduits et masque les ragréages de la pierre sur l’ensemble des voûtes de la basilique.
Le lait de chaux donne un aspect cotonneux qui apporte de la profondeur aux voûtes.
Endroit le plus visité de l’Yonne, la colline de Vézelay est fréquemment en chantier. Depuis 2014, ce sont presque 2 millions d’euros qui sont consacrés annuellement aux travaux de la basilique. Supportés à hauteur de 4-5% par la commune de 450 habitants, ils sont essentiellement subventionnés par l’Etat et par la Fondation du Patrimoine.
La préservation du site passe aussi par des travaux au sein du village, tout aussi exceptionnel que sa basilique. En 2019, un dossier « Opération Grand Site » a été déposé, dans le but d’obtenir le label du même nom en 2023.
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson