Hydrogène : HDF construit une usine de piles à combustible de fortes puissances

Hydrogène : HDF construit une usine de piles à combustible de fortes puissances

Le français Hydrogène de France (HDF) utilisera les stacks (cœurs de pile) de Ballard pour produire des piles à combustibles de 1,5 MWe




Une entreprise française construit une usine, c’est une nouvelle en soi. Cette usine fabriquera des piles à combustible, c’est une grande nouvelle. Ce seront des piles à combustible de grande puissance ≥ 1 MWe, c’est l’indice qu’une entreprise française s’apprête à défricher un nouveau marché qui n’existe pas encore vraiment.

 

Hydrogène de France a été créé en 2012 par Damien Havard qui dirige l’entreprise et détient 80% de son capital. Après un parcours au sein de Immosun Solutions, un BE spécialisé dans les énergies renouvelables (ENR), son objectif est clair : développer le stockage d’ENR à grande échelle en passant par le vecteur hydrogène.

 

Sous la marque HDF Energy, l’entreprise a développé une expertise sur l’hydrogène. Elle a été le coordonnateur initial du cluster H2Bus France, mandaté par l’Union Européenne pour représenter le sud de l’Europe et promouvoir le déploiement de bus à hydrogène. Depuis 2017, l’AFHYPAC (Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible) a repris le pilotage de ce cluster.

 

HDF Energy a également développé une station de recharge pour véhicule à hydrogène. C’est une station-service, capable de produire de l’hydrogène sur site grâce à un électrolyseur de forte puissance et de fournir de l’hydrogène à des véhicules sous des pressions de 350 et de 700 bar. Le projet a été » cédé à Engie à Paris en 2017.

 

Début 2016, HDF Energy avait entamé le développement d’une idée : créer une centrale électrique de plusieurs MW, fonctionnant exclusivement aux ENR, produisant de l’électricité 24 heures / 24. Rapidement baptisé « Renewstable », ce projet de centrale électrique a déclenché la décision d’HDF Energy de devenir fabricant de piles à combustible de forte puissance.

 

 

Voici le schéma de l’installation de la Ceog : un champ photovoltaïque, une électrolyseur pour la fabrication d’hydrogène, un stockage massif d’hydrogène, et deux piles à combustible pour la production d’électricité.©HDF Energy

 

Les prémices du développement d’une centrale électrique à base d’ENR

 

Le concept Renewstable a d’abord été finalisé à la faveur de deux projets concrets : une centrale pile à combustible dans une raffinerie en Martinique, une centrale solaire en Guyane.

 

En Martinique, la raffinerie appartenant à la SARA (Société anonyme de raffinerie des Antilles) a demandé à HDF Energy de lui construire une pile à combustible de forte puissance pour couvrir une partie de ses besoins en électricité et alimenter le réseau de Martinique. Le projet baptisé Cleargen a bénéficié du soutien financier de l’Union Européenne, à travers son programme Fuel Cells and Hydrogen 2 Joint Undertaking.

 

L’idée était simple. Dans une raffinerie ou dans nombre d’industries chimiques, l’hydrogène est un sous-produit du processus de production, inutilisé la plupart du temps. Il est possible de l’épurer et d’alimenter des piles à combustible – le contraire de l’électrolyse : hydrogène + oxygène passent à travers des membranes spécifiques et produisent de l’électricité, de la chaleur et de l’eau – pour produire de l’électricité, sans aucun rejet polluant.

 

Rencontre avec le canadien Ballard Power Systems

 

C’est à la faveur de ce projet qu’HDF Energy a rencontré le canadien Ballard Power Systems, l’un des principaux fabricants mondiaux de cœur de piles (stack) à combustible et de piles à combustibles complètes.

 

En 2017, HDF Energy et Ballard ont mené à bien l’étude et la construction de deux piles à combustible de 500 kW de puissance unitaire. Elles ont chacune été montées dans un conteneur maritime standard et testé en usine avec succès. Les travaux de Génie Civil pour la construction du stockage d’hydrogène ont commencé sur site en juillet 2018. Le 24 juillet 2018, la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) a validé le prix de vente de l’électricité. Le commissionnement de l’installation a eu lieu en novembre 2019 et, depuis le 5 décembre, le système fonctionne. Il est prévu pour une durée de vie de 15 ans au minimum.

 

Ces deux piles à combustible de 500 kW ont été fournies par Ballard Power Systems. Ce sont des piles à combustible du type PEM pour Proton Exchange Membrane, dont le fonctionnement a été détaillé dans un précédent article . Chacune des piles à combustible de 500 kW contient environ 40 stacks de base fournies par Ballard. Le projet représente un investissement de 10 millions d’euros environ.

 

 

 

Une centrale Renewstable utilisera des panneaux photovoltaïques ou de l’éolien, voire les deux, pour la production d’électricité. Cette électricité passera dans des électrolyseurs pour produire de l’hydrogène, mais sera aussi directement stockée dans des batteries. L’hydrogène alimentera des piles à combustible pour la production d’électricité. La centrale livrera de l’électricité depuis ses piles à combustible et en déchargeant ses batteries. ©HDF Energy

 

Renewstable, la centrale électrique 100% ENR

 

Second projet, la Centrale Electrique de l’Ouest Guyanais (Ceog) fait un pas de plus : elle produira son hydrogène sur site par électrolyse. La Ceog délivrera une puissance électrique fixe : 10 MW de 8 heures à 20 heures, puis 3 MW de 20 heures à 8 heures, tous les jours de l’année, durant 20 ans.

 

La Ceog associe un parc photovoltaïque de 60 MWc (MW crête : la puissance nominale de l’ensemble des panneaux), un électrolyseur dont le fabricant n’est pas encore choisi, un stockage de 6 tonnes d’hydrogène, soit environ 100 MWh, 3 piles à combustible de 1MW de puissance unitaire, chacune dans un conteneur maritime, et un stockage d’électricité de 30 MWh en batteries Li-ion.

 

Cette opération est financée entièrement par des fonds privés et est détenue à 80 % par Meridiam, un fond d’investissement dans l’énergie, 30% par SARA et 10% par HDF. Les travaux doivent commencer en avril 2020, pour une mise en service en 2022.

 

 

 

Voici à quoi ressemble une stack, un cœur de pile à combustible, produite chez Ballard Power Systems à Vancouver au Canada. ©Ballard Power Systems

 

L’industrialisation des piles à combustible de forte puissance

 

Entre-temps, HDF Energy a continué sa prospection commerciale et a déjà un accord pour trois nouvelles centrales Renewstable de 3 MW de puissance unitaire en pile à combustible, plus deux autres de 50 MW de puissance unitaire chacune encore en discussion.

 

Fort de ses acquis, de son analyse du marché et de son carnet de commandes, HDF Energy a franchi le pas, décidé de construire une usine près de Bordeaux – le lieu précis reste à trouver -, signé un accord exclusif avec Ballard Power Systems le 9 décembre pour la fourniture de stacks (cœur de piles) pour la fabrication de piles à combustibles de 1 à 1,5 MW.

 

HDF Energy a choisi la technologie de Ballard en raison de la grande expérience de ce dernier dans les piles à combustible pour camions et bus. En effet, tous les développements de piles à combustibles pour l’automobile dans le monde, en Corée, au Japon, en Chine et même l’association Michelin/Faurecia à travers la start-up Symbio devenue « Symbio, a Faurecia Michelin Hydrogen Company », travaillent sur des durées de vie de 4500 à 5000 heures.

 

HDF Energy, pour sa part, envisage que ses centrales Renewstable fontionnent au moins 20 ans sans changer leurs piles à combustibles. Ballard a fourni des piles à combustibles pour des bus en fonctionnement à Londres depuis plus de 30 000 heures. Ballard possède une unique expérience.

 

Ballard viendra former les équipes HDF Energy en France

 

Les centrales Renewstable ressembleront beaucoup au prototype Ceog : PV ou éolien + électrolyse + stockage massif d’hydrogène et d’électricité en batteries + piles à combustible pour la production d’électricité. HDF Energy ne s’engage pas dans la production d’électrolyseurs de forte puissance, estimant qu’il existe déjà les fabricants nécessaires et que les prix baissent rapidement. Le stockage dans des réservoirs à des pressions de 30 à 300 bars est largement maîtrisé et quantité d’industriels fournissent les réservoirs nécessaires.

 

La pile à combustible de forte puissance, en revanche, n’est pas encore industrialisée. Le petit nombre d’équipement en fonctionnement dans le monde sont des prototypes. Le projet d’usine de 8000 m² d’HDF Energy vise à fabriquer 50 MW de pile à combustible en 2025 à partir d’un seul type de stacks Ballard développées pour des usages longs en mobilité hydrogène, puis 300 MW en 2028.

 

Les deux premières piles à combustibles utilisée dans l’opération Cleargen de la SARA ont été assemblées à l’usine Ballard de Vancouver où Ballard a formé les équipes HDF Energy. Seconde étape, construction de l’usine : autorisation en 2020 et assemblage de la première pile au 1er trimestre 2022. Enfin, dès le second trimestre 2020 et jusqu’au début 2022, Ballard vient en France former les équipes HDF Energy.

 

Pour l’instant, HDF n’emploie que 18 personnes. Mais elle prévoit d’atteindre 50 personnes mi-2020, puis d’en embaucher plus d’une centaine en 2021 pour assurer la production dans sa nouvelle usine. Hanane El Hamraoui, ancienne d’Arcelor Mittal – Exosun, est chargée du développement industriel. Le coût initial de l’usine, y compris celui du transfert de technologie, est évalué à 15 millions d’euros. Et une visite d'usine, attendue impatiemment, pourrait se dérouler début 2022..

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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