Energies, chauffage, climatisation : ce que le "zéro carbone" changera

Energies, chauffage, climatisation : ce que le

Malgré Covid-19, l’Europe pousse son but « zéro carbone en 2050 ». Ce n’est pas sans conséquence sur les technologies de chauffage, climatisation et froid commercial.




EPEE (European Partnership for Energy and the Environment) est une association crée à Bruxelles en 2000. Elle rassemble 50 membres dans le monde, représentant les industries du chauffage, de la climatisation, de la production d’eau chaude et du froid commercial.

 

EPEE avait prévu d’organiser fin mars a Bruxelles un séminaire sur le froid durable. Mais Covid-19 l’a contrainte à supprimer son séminaire pour le remplacer mardi 24 mars par un webinar qui a rassemblé plus de 200 personnes.

 

 

 

Le solaire sous toutes ses formes est appelé à jouer un rôle majeur dans la décarbonation des énergies. ©PP

 

L’avenir, c’est le solaire, l’électricité et les réseaux urbains

 

A travers les présentations des intervenants, il est très clair qu’à leur avis, il faut encourager trois tendances. La première est un fort développement du solaire sous toutes ses formes, partout et pour les trois usages chauffage-froid-ECS. La seconde est l’intérêt des réseaux urbains de chaleur et de froid. Troisièmement, pour les usages individuels non raccordés à un réseau de chaleur ou de froid urbain, l’avenir c’est l’électricité décarboné, produite sur site ou achetée au réseau.

 

Le gaz, naturel ou produit par méthanisation, a été mentionné comme une énergie fossile qu’il ne faut plus soutenir. Jutta Paulus, députée européenne, membre des Verts en Allemagne, a même souhaité que les fiscalités du gaz et de l’électricité soient identiques : en Allemagne, les taxes sont nettement plus élevées sur l’électricité que sur le gaz. L’hydrogène n’a pas été mentionné dans les présentations.

 

Le stockage d’énergie sous forme de chaleur ou de glace a aussi la faveur des intervenants, pour des infrastructures urbaines, mais aussi pour des installations en bâtiments collectifs ou tertiaires et même pour des systèmes en maison individuelle. Les idées mises en avant sont nombreuses, mais pas toujours très pratiques. Voici un bilan des plus prometteuses, et en attendant, ici, un petit focus sur les réseaux urbains, un thème abordé dans les présentations à la fois par IRENA (International Renewable Energy Agency) et par Engie.

 

 

 

Depuis le début 2018, le réseau de chaleur de Chateaubriant en Loire-Atlantique est alimenté en partie par 2400 m² de capteurs solaires thermiques qui contribueront pour 5% à la production de chaleur annuelle. La centrale solaire thermique au sol, composée de 200 capteurs de 12 m² de surface unitaire, a coûté environ 1,5 M € HT, financés à 70% par l’Ademe dans le cadre du Fonds Chaleur. Une garantie de performance sur la production de chaleur annuelle – 900 MWh/an au minimum – est apportée conjointement par Engie Cofely, l’exploitant de la centrale solaire, Eklor, le fournisseur des capteurs, Pasquiet Equipements, l’installateur, et Tecsol, le BE. Pour les abonnés, cette centrale solaire thermique diminuera de 5% environ le coût de la chaleur. Le reste de la chaleur est produite par une chaufferie biomasse et par une cogénération gaz.©EKLOR

 

Une idée et une expérience menée par Coriance

 

Dans sa présentation, Olivier Biancarelli d’Engie, qui exploite plus de 200 réseaux urbains dans le monde, a mis en avant les nombreuses vertus du chauffage et du froid urbain. Le schéma classique consiste à poser un réseau de chauffage urbain et un autre de froid urbain : double investissement.

 

Ceci rappelle une expérience menée par Coriance à Toulouse. Pour la production de froid urbain dans le quartier de La Cartoucherie à Toulouse, le groupe Coriance et sa filiale Eneriance ont eu une idée originale qui constitue une première technologique. Au lieu de tirer un réseau d’eau glacée alimenté par une production centralisée (2 tubes), ils ont décidé d’utiliser la chaleur distribuée par le réseau de chauffage urbain existant pour produire du froid.

 

L’idée est simple, mais ultra-séduisante. Lorsqu’un bâtiment a besoin de froid, Eneriance y installe une sous-station raccordée au réseau de chauffage urbain existant. Le réseau urbain alimente au minimum à 93°C en été, plus près de 100°C en hiver, une pompe à chaleur à absorption dans la sous-station. Ces Pompes à chaleur utilisent la chaleur issue du réseau urbain pour amorcer et entretenir une production d’eau glacée et d’eau chaude par absorption.

 

L’eau glacée est ensuite distribuée classiquement dans le bâtiment pour alimenter poutres froides, plafonds réversibles ou ventiloconvecteurs. Au total, trois Pac à absorption Thermax de 405, 240 et 730 kW sont installées dans des sous-stations. Elles sont alimentées à 93°C par le réseau urbain et utilisent cette chaleur pour produire de l’eau glacée à 8 ou 10°C, avec un retour 5°C plus chaud, soit à 13 ou 15°C.

 

Trois quartiers de Toulouse desservis par le réseau de chauffage urbain

 

L’eau chaude produite simultanément à 60-70°C par les Pac à absorption est utilisée pour le chauffage si le bâtiment présente des besoins simultanés de chaleur et de froid, pour la production d’Eau chaude sanitaire ou reversée dans le retour du réseau de chauffage urbain. Le réseau de chauffage urbain de Toulouse dessert aujourd’hui trois quartiers de la ville.

 

Il utilise à plus de 99% la chaleur produite par les quatre fours d’incinération de l’Usine d’Incinération des Ordures Ménagères (UIOM) sous forme de vapeur (73,5 MW de puissance combinée), mais dispose en secours de 2 chaudières gaz de 23 et 46 MW produisant de l’eau surchauffée et de la vapeur. Le réseau est constitué de 18 km de canalisations d’eau surchauffée, d’un km de réseau vapeur et de 4 km de distribution d’ECS.

 

Puisque le réseau est alimenté à plus de 99% par l’incinération de déchets ménagers, voire à 100% durant l’été, cette installation constitue la première et la seule production d’eau glacée urbaine fonctionnant entièrement à partir de la valorisation de déchets urbains. Les premières sous-stations pour la production de froid ont été mises en services en septembre 2017 et couvrent les besoins de rafraîchissement du Pôle Régional d’Enseignement et de Formation aux Métiers de la Santé (12 000 m²) et 7000 m² pour un autre bâtiment administratif. D’ici 2025, 54 000 m² supplémentaires de locaux administratifs seront traités de cette façon.

 

 

 

La valorisation de la chaleur fatale à partir de l’incinération des déchets non dangereux, de la récupération au sortir de process industriels, sur le refroidissement des Datacenters ou la valorisation de la chaleur des eaux usées recèlent des gisements importants d’énergie peu exploités. La Direction Régionale de l’Ademe en Île-de-France, les a évalués dans un rapport publié fin 2017. L’étude très détaillée établit un bilan du potentiel valorisable, éligible par source de chaleur et par niveau de température. En partant d’un potentiel de 26 500 GWh par an en Île-de-France, l’Ademe conclut que seuls 900 GWh sont exploitables, en prenant en compte les contraintes financières liées à l’urbanisme (l’éloignement entre les lieux de production et les lieux d’utilisation potentiels), ainsi que le obstacles techniques (de la chaleur disponible à une température pas assez élevée nécessitant d’importants investissements en pompes à chaleur pour la remonter à une valeur valorisable) et financiers en prenant comme critère d’éligibilité un objectif de coût du MWh de chaleur utile de 35 € HT. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas non-plus de nature à bouleverser le mix énergétique des réseaux de chaleur. ©Sictom du Guiers

 

Les réseaux de chaleur vecteurs de verdissement du chauffage et de la production d’eau chaude

 

Par nature, les réseaux de chaleur peuvent être plus facilement convertis à l’emploi d’ENR (Energies renouvelables) ou même d’ENR&R, comme on dit maintenant pour Energies renouvelables & de récupération. Les énergies de récupération sont considérées par l’Europe, et donc par la France, comme des Energies renouvelables. Elles contribuent donc à atteindre les buts de contribution des ENR dans le bilan énergétique national – 32% en 2030 pour la France - et donnent droit à des taux de TVA réduits, comme toutes les autres ENR.

 

En effet, pour le client final, la facture de chauffage ou de froid issu d’un réseau urbain, comporte deux termes : l’abonnement pour une puissance donnée et l’énergie consommée. Depuis 2012, les réseaux de chaleur et de froid bénéficient d’une TVA à 5,5% sur l’abonnement et de 5,5% également sur la partie énergie si celle-ci est produite au moins à 50% par des énergies renouvelables ou des énergies de récupération.

 

Côté réseaux de chaleur, les ENR&R aujourd’hui sont avant tout le bois, la géothermie profonde, la récupération de chaleur sur les incinérateurs de déchets et sur les installations industrielles. D’autres solutions d’ENR&R sont possibles et se développent, très lentement pour certaines : le solaire thermique, les pompes à chaleur haute température en chauffage, les thermofrigopompes et les pompes à chaleur à absorption. Par ailleurs, il n’est pas du tout inconcevable que des Pac haute température sur un réseau urbain, soient alimentées par un champ photovoltaïque, pendant la journée, naturellement. Ce qui améliorerait encore leur bilan ENR&R.

 

 

 

A Brest, Dalkia a imaginé la tour de chaleur pour stocker la production de chaleur par les ENR&R lorsqu’elle est disponible, puis pour la restituer durant les pics d’appels de puissance. Construite dans l’emprise du campus de l’université, cette tour de 20 m de haut et de 9,50 m de diamètre, offre un volume de 1000 m3 et stocke une puissance de 5 MW, soit 17 MWh instantanés et 2 500 MWh par an, l’équivalent de la consommation annuelle de 400 logements brestois. Mise en service le 23 novembre 2016, la Tour de Chaleur réduira les émissions de CO2 de 12 700 tonnes en 20 ans. Le coût de construction a atteint 820 000 €. Il a été financé par Dalkia à hauteur de 150 000 € et par des aides de 350 000 € de l’Ademe (Fonds Chaleur) et de 320 000 € des Collectivités Territoriales (ville de Brest, département du Finistère, Région Bretagne, ainsi Sotraval, l’exploitant de l’UVDM de Brest). ©Dalkia

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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