Légende : Chantier du bâtiment sur 3 niveaux comprenant deux niveaux de bureaux et un espace de stockage ainsi que des vestiaires au niveau inférieur avec une enveloppe et une toiture isolée en béton de chanvre. Maître d’ouvrage : Triballat Noyal/ Entreprise béton de chanvre : LB Eco Habitat
La scène qui se déroule au centre d’Essais au feu du Cerib (2) est impressionnante : une paroi de façade en béton de chanvre (3) est soumise au feu et deux panaches de flammes d’une hauteur de plusieurs mètres s’échappent des ouvertures du rez-de chaussée. Le feu est en effet très violent et la sollicitation se révèle sévère au vu des températures enregistrées : 1100° C après 36 minutes dans la chambre de feu pour revenir à 900 °C en fin d’essai.
Pour réaliser cet essai, il a fallu enflammer 600 kg de bois, répartis en deux bûchers : ils ont été placés à l’intérieur du module en béton de chanvre testé. Il s’agit d’une façade de deux étages de 30 cm d’épaisseur, de 5,75 m de large et 6,55 m de haut avec une ossature bois noyée et une finition extérieure avec un enduit chaux-sable.
Et le résultat satisfait l’ensemble des protagonistes, dont l’association Construire en Chanvre qui a initié l’opération : l’enduit extérieur de 2 cm est resté adhérent au béton chanvre, qui a pleinement joué son rôle, de même que le béton de chanvre qui a assuré la protection thermique de l’ossature bois noyée. En effet, aucun bois d’ossature n’a dépassé 100 °C, hormis les linteaux et double-montants au niveau des ouvertures.
Essai feu Lepir 2 réalisé par le Cerib sur une façade réalisée en béton de chanvre de 30 cm d’épaisseur, de 5,75 m de large et 6,55 m de haut avec une ossature bois noyée et une finition extérieure avec un enduit chaux-sable.
L’élément est donc réputé « conforme à la réglementation applicable vis à vis de la non-propagation du jeu par les façades pour une durée de 60 min » (extrait de l’appréciation du laboratoire n° 026090)
Objectif de l’essai : examiner le comportement de la façade en termes de propagation de flammes et surtout vérifier que le feu ne se diffuse pas par la jonction entre la façade et le plancher entre les deux étages. Enfin, il fallait s’assurer que la température ne dépasse pas 180°C sur la face supérieure de ce plancher. Or, le résultat obtenu fait état d’une valeur de 44 °C, soit le quart de la valeur limite.
De l’avis de Christophe Tessier, directeur du centre d’essais au feu du Cerib, le résultat est vraiment intéressant. « Nous savions déjà que ces parois ont un bon comportement en situation d’incendie, puisque l’on obtient le classement EI 240 (ndlr : EI pour paroi non porteuse et 240 pour le nombre de minutes) qui caractérise l’étanchéité aux flammes et aux gaz chauds ainsi que l’isolation de ce type de paroi (la capacité à retarder la propagation de l’incendie) ».
« En fait, cela équivaut à un classement coupe-feu (CF) de 4 heures » précise Christophe Tessier. Or, les bâtiments d’habitation de la 3e famille ont une exigence CF de 1H00 pour les parois horizontales, tandis que les bâtiments publics doivent respecter une isolation coupe-feu de 1h30 voire 2H00.
« En matière de résistance au feu, les valeurs obtenues dans le cadre de l’essai sont sur-performantes par rapport au marché visé » constate Christophe Tessier. Le marché visé concerne en effet des constructions dites en hauteur, à savoir les bâtiments d’habitation collectifs de 3e famille (28 m de hauteur, soit 6/7 étages) et les ERP (établissements recevant du public de 3e catégorie) ; Il peut s’agir par exemple de collèges avec deux niveaux recevant 300 à 400 élèves.
Par ailleurs, l’étude menée permet de valider tous les couples liant / granulat de chanvre labellisés répertoriés dans les règles professionnelles de la construction chanvre. Enfin, l’essai couvre tout type de plancher, CLT, solivage bois ou plancher béton.
« Nous avons suffisamment appris de choses pour accompagner les projets de demain et notamment ceux qui comporteraient des variantes. Car aujourd’hui, nous connaissons bien les réponses de ce système en cas d’incendie » conclut Christophe Tessier.
(1)Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton
(2)Local expérimental pour incendie réel à 2 niveaux
(3)Mélange d’un liant minéral, d’un granulat végétal labellisé (obtenu après défibrage de la tige de chanvre) et d’eau
Façade recouverte de béton de chanvre ©bcb tradical® - nxnw architectes – © photo f. renard
Quelles perspectives pour les murs en béton de chanvre après l’essai feu ?
« Nous n’avons pas cherché à représenter le cas d’un projet unique mais à construire ensemble un cas générique pour avoir un maximum d’ouvertures vis à vis des projets » explique Philippe Munoz chargé de mission au sein de l’association Construire en Chanvre. En effet, les essais au feu étant longs et coûteux, il s’avère utile de rationnaliser et rentabiliser ce type de procédures.
Comment cette volonté s’est-elle traduite ? Tout d’abord, la paroi n’a pas reçu de finition à l’intérieur : seul un enduit chaux-sable de 2 cm a recouvert la paroi extérieure. « Cela signifie que l’on peut mettre en oeuvre tout type de finition intérieure répertoriée dans les règles professionnelles : chaux sable, chaux-chanvre, voire un doublage classique » indique Philippe Munoz.
Autre élément pris en compte : le plancher. A l’origine de la campagne de tests, la solution du plancher béton était retenue pour la dalle intermédiaire. « Lorsque le résultat EI 240 est arrivé, nous avons voulu aller plus loin en testant un système constructif biosourcé y compris au niveau du plancher intermédiaire »
3 types de dalles intermédiaires possibles
C’est donc un plancher CLT (bois lamellé croisé) de 16 cm qui a été retenu et qui a permis de valider l’essai au feu du Cerib. « Avec un seul essai, nous validons donc trois essais puisque trois types de planchers pourront être mis en oeuvre : le béton, le plancher CLT ou un plancher solivage bois » souligne Philippe Munoz.
Vers une massification des solutions murs béton de chanvre
Parmi ces ouvertures, les professionnels du béton de chanvre visent notamment la « massification » de leurs solutions puisqu’ils apportent le même degré de sécurité incendie que les autres systèmes constructifs.
Une massification qui pourra notamment s’opérer grâce aux techniques de la préfabrication. Elle suppose la réalisation en atelier de panneaux en ossature bois recouverts de béton de chanvre (projeté mécaniquement sur les parois). La légèreté du matériau (300 kg/m3 versus 2,4 tonnes pour le béton) est un facteur différenciant intéressant, relève M. Munoz.
Toutefois, d’autres défis attendent la filière, admet Philippe Munoz. « Les justifications qui nous sont demandées pour obtenir l’extension du domaine d’application des Règles Professionnelles ne se limitent pas à la sécurité incendie. Nous amenons aussi des références probantes (essais complémentaires, notes de justification, valorisation du retour d’expériences) notamment au niveau de la durabilité et de la prise en compte du risque parasismique ».
Enfin, si les systèmes se déclinent en façades-rideaux aujourd’hui, la profession aimerait étendre les domaines d’application de ce type de murs, aux façades porteuses. « Notre mur à ossature bois recouvert de béton de chanvre n’est pas porteur aujourd’hui. Et pour aller plus loin et justifier que l’ossature bois protégée par le béton de chanvre peut être porteuse, il faudra mener un travail avec les autres corps de métiers, dont les spécialistes de l’ossature bois mais le travail a déjà été engagé entre Construire en Chanvre et le Cerib » termine Philippe Munoz.
Projection de béton de chanvre sur une façade |
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy