En mars 2019, quatre associations de défense de l’environnement - Oxfam France, Notre Affaire à tous, Fondation pour la Nature et l’Homme (celle de Nicolas Hulot) et Greenpeace France – avaient chacune introduit une requête devant le tribunal administratif de Paris, afin de faire reconnaître la carence de l’Etat français dans la lutte contre le changement climatique, d’obtenir sa condamnation à réparer non seulement leur préjudice moral mais également le préjudice écologique et de mettre un terme aux manquements de l’Etat à ses obligations. ©PP
Depuis, le tribunal administratif a :
Finalement, dans son jugement de 38 pages rendu le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris a retenu que l’Etat devait être tenu responsable d’une partie du préjudice écologique, dès lors qu’il n’avait pas respecté ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le jugement écarte la demande de dommages et intérêts des quatre associations requérantes qui voulaient une réparation pécuniaire de leur préjudice écologique. Le tribunal administratif accepte, en revanche, réparation de leur préjudice moral et, à ce titre, condamne l’Etat à verser un Euro à chaque association.
Enfin, le tribunal administratif donne deux mois à l’Etat pour indiquer ce qu’il compte faire pour réparer en nature le préjudice causé par le non-respect des objectifs fixés par la France en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
Ce jugement peut être résumé comme suit :
Après la Hollande, c’est la seconde fois dans le monde, qu’un tribunal reconnaît la responsabilité d’un Etat dans le dérèglement climatique et dans l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour lutter contre. Dès à présent, notamment en Espagne, des associations vont intenter des actions similaires, espérant que ce jugement français n’est que le premier d’une longue série internationale.
Dans sa réponse, le Ministère de la transition écologique prend acte et laisse entendre que, bien sûr, l’action de l’Etat a été insuffisante par le passé, mais que depuis 2017 – une date choisie sans doute au hasard – tout a changé.
Il énumère ensuite les nouvelles lois qui ont été promulguées ou qui viennent en discussion au Parlement prochainement : loi d’orientation des mobilités pour décarboner le secteur des transports, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi Energie-climat pour accélérer la décarbonation du mix énergétique, le plan de relance qui prévoit 30 milliards d’euros pour le verdissement de l’économie française, le projet de loi Climat et Résilience qui fait suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat, …
Ce qui prouve qu’il "contourne" le jugement du tribunal administratif de Paris qui, en quelques sorte, demande des résultats et non l’affichage de nouvelles lois.
Du reste, si l’on se penche sur les lois destinées à protéger l’environnement, elles contiennent de nombreuses dispositions qui ne sont pas appliquées.
Par exemple, l’article 5 de la Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, celle de Mme Royal, indique « Avant 2025, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l'objet d'une rénovation énergétique ». Comme chacun sait, nous sommes en bonne voie.
L’article 8 de la même loi demandait « Toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales font preuve d'exemplarité énergétique et environnementale et sont, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale ». Aucun bâtiment neuf de l’Etat n’est à énergie positive et toute référence au BEPOS a disparu des textes sur la prochaine RE2020.
De plus, spécialité très française, le Parlement adopte des Lois, le Président de la République les promulgue, puis le Gouvernement évite de prendre les décrets et arrêtés d’application ou fait durer le processus durant des années. Bref, il y a fort à parier que le tribunal administratif de Paris ne se contentera pas de la réponse du Ministère de la transition écologique, si elle suit le même argument que sa première réaction.
On ne peut présumer de sa réaction à l’examen, dans deux mois, des mesures concrètes – accent mis sur "concrètes" – proposée par l’Etat.
En revanche, le tribunal serait parfaitement fondé – et se serait une révolution – de demander à l’Etat de tenir ses engagements. La France a signé tel et tel traité, appliquons-les ! Et toutes ces lois sur la protection de l’environnement ? L’Etat a six mois, par exemple, pour prendre tous les textes d’application nécessaires.
S’il estime que ce n’est pas possible ou pas souhaitable, il doit retourner devant le Parlement et proposer une modification des dispositions législatives qu’il ne veut pas appliquer. Ce qui ouvrirait un débat et mettrait aussi les Parlementaires devant leurs responsabilités.
il est toujours possible d'espérer...