La vente s'est faite pour le compte du Russe Nikolaï Sarkisov, un habitué de Courchevel qui a fait fortune dans l'assurance. Il s'était associé en 2010 avec le Corse François-Xavier Susini, propriétaire de restaurants dans la station, pour construire Apopka, un palace de 2.753 mètres carrés comprenant huit chambres avec sauna, jacuzzi, piscine, salle de gym, bar-lounge et cinéma privatif.
M. Susini s'est chargé de trouver le terrain et d'obtenir le permis de construire, tandis que M. Sarkisov a financé l'opération via des emprunts bancaires, chacun devant au final posséder la moitié d'Apopka et tirer profit de sa location, selon leurs accords. Le chalet aurait dû accueillir ses premiers clients à l'hiver 2015, à un tarif atteignant 300.000 euros la semaine au plus fort de la saison.
Mais le chantier a pris du retard et l'ambiance a tourné au vinaigre entre les deux hommes qui s'opposent depuis devant les tribunaux. Dans le cadre de leur conflit, M. Susini s'est arrogé la propriété intégrale d'Apopka mais M. Sarkisov a obtenu que le chalet soit saisi et mis aux enchères afin de récupérer sa mise.
Un avocat a enchéri avec succès à 24 millions d'euros pour le compte d'une société derrière laquelle il est "vraisemblable" que le Russe "se cache", selon l'avocat du Corse, Me Maurice Lantourne. "Je ne cautionne pas cette information", a déclaré Me Didier Camus, l'avocat qui a porté l'offre. Après avoir lui-même mis aux enchères le chalet pour le compte de M. Sarkisov.
Sur le papier, c'est une société "Mascara Courchevel" qui a racheté Apopka. Le registre du commerce indique qu'elle est administrée par deux femmes, liées à des sociétés du Russe, selon une source proche du dossier. L'affaire est loin d'être réglée entre les deux hommes qui s'affrontent en justice autour d'un autre chalet, Owens, qu'ils ont fait constuire à Courchevel pour 14 millions.
"M. Sarkisov veut le beurre et l'argent du beurre, il a une volonté belliqueuse au lieu de trouver un arrangement à l'amiable qui permettrait de sortir par le haut", estime Me Pascal Garbarini, qui intervient pour M. Susini dans une procédure au civil engagée à Paris. Le nom de M. Susini est apparu ces derniers mois dans un autre dossier, pénal celui-ci, comme l'a révélé Le Monde.
Instruit à Marseille, il porte sur des soupçons de blanchiment d'argent par la bande criminelle corse dite du "Petit Bar". Parmi les transactions visées figure un investissement de 1,4 million d'euros dans un projet immobilier mené par M. Susini à Courchevel, réalisé par un riche homme d'affaires, Jean-Pierre Valentini.
Celui-ci a été mis en examen car les enquêteurs soupçonnent une origine illicite des fonds, un troisième homme proche d'une figure du "Petit Bar" étant intervenu dans l'affaire. M. Valentini dément totalement, l'origine de l'argent étant "indiscutable" et son affectation "justifiée à l'euro près", selon Me Lantourne qui le défend. M. Susini a également été mis en examen et conteste aussi les faits, selon son avocate dans ce dossier, Me Margaux Durand-Poincloux.