Il y a déjà 7 ans, en février 2016, Batirama publiait un article intitulé « Domotique : déjà 30 ans et toujours à l’âge bête ». Nous y déplorions que la « domotique vive dans une juxtaposition de dialectes » qui fait que « le détecteur de présence Legrand n’est pas capable d’enclencher l’interrupteur Schneider Electric, le moteur de volet roulant Somfy ou le thermostat connecté d’elm leblanc ».
Les choses ont lentement évolué, et depuis quelques mois sous l’influence des GAFA, cette évolution accélère nettement. Pour une fois, les GAFA ont une influence positive.
Fin 2019, Google, Amazon et Apple s’étaient associés avec la ZigBee Alliance pour développer CHIP, une couche applicative universelle, initialement conçue pour la domotique. ©CSA
Un protocole de communication, rappelons-le, se compose de trois grandes parties : le support physique – un câble, des ondes, une modulation du courant électrique – qui transporte les messages, une solution ou plutôt un ensemble de solutions qui font en sorte que le message arrive bien à son destinataire et peut difficilement être intercepté et décodé en cours de route, puis une troisième partie qui constitue le message lui-même. ©CSA
Pendant les 35 première années de la domotique, ces trois grandes parties étaient liées : on ne pouvait pas transporter un message KNX sur un câble LonWorks. C’était comme si dans un livre, support physique de communication, on ne pouvait écrire qu’en anglais. Tandis qu’au téléphone, autre support physique, on ne pouvait que parler français. Depuis une dizaine d’années, plusieurs acteurs, dont la ZigBee Alliance, s’emploient à séparer ces trois parties, pour faciliter la vie des fabricants d’équipements domotiques.
De plus, les Gafa - Google, Amazon, Facebook et Apple – voient dans cette évolution un moyen d’étendre leurs services. Ils n’ont pas du tout envie de parler trente-six langues informatiques différentes. Le projet Chip – Connected Home over IP – avait donc un double objectif : tous les supports physiques seront compatibles TCP/IP, d’une part ; la couche applicative sera universelle, d’autre part.
Le but étant de garantir l’interopérabilité entre des appareils issus de différents fabricants, aussi simplement qu’en branchant n’importe quelle imprimante à n’importe quel ordinateur ou tablette, on peut imprimer sans même penser à la manière dont techniquement cela se déroule.
La semaine dernière, la ZigBee Alliance a annoncé qu’elle changeait de nom pour s’appeler désormais Connectivity Standards Alliance (CSA). Dans le même élan CHIP est devenu Matter.
En France l’acronyme CSA n’est pas nécessairement synonyme d’efficacité et de transparence, mais en ce qui concerne l’IoT à travers le monde, il en ira différemment. La nouvelle Connectivity Standards Alliance s’est renforcée et compte désormais plus de 350 membres.
La présidence de la CSA est assurée par Bruno Vulcano de Legrand. Deux autres entreprises françaises sont représentées aux Conseil d’Administration de la CSA : Schneider Electric avec Makarand Joshi et Somfy avec Jean-Michel Orsat.
Signify (ex-Philips Lighting), Tuya, Samsung SmartThings, Ikea, Google, Amazon, Apple, Huawei et Assa Abloy font également partie du conseil d’administration. Tandis que le Groupe Atlantic, Belimo, le Groupe Veritas, Busch-Jäger Elektro GmbH, Carrier, Centrica, Crestron, Danfoss, Dekra, Delta Dore, Deutsche Telekom, Eaton, EDF, Emerson, enOCean, Facebook, GE Lighting, Gewiss, Grundfox, Hager, Haier, Johnson Controls, Lennox, LG, Midea, Mitsubishi Electric, NodOn, Orange, Osram, Overkiz (Somfy), Panasonic, Profalux (volets roulants), Bosch, Siemens, Sono, Velux, Viessmann, Xiaomi, Toshiba et Zumtobel figurent parmi les plus de 350 membres de l’association.
Matter, la nouvelle couche applicative universelle, est développée en Open Source : son utilisation sera gratuite. Mais, la CSA a toute de même développé un processus de certification. Les appareils certifiés pourront fièrement arborer le logo Matter. Ce qui signifiera notamment que l’appareil portant ce logo est capable d’obéir à une commande vocale adressée à Siri d’Apple, à Alexa d’Amazon, à Google Assistant, etc.
Les premiers appareils certifiés Matter devraient apparaître à l’automne. On trouvera parmi eux des serrures connectées, de l’éclairage, des thermostats d’ambiance, des protections solaires motorisées et des téléviseurs.
Matter est développé à partir des technologies de la ZigBee Alliance : ZigBee 3.0, green power, smart energy, jupiterMesh, rf4ce et dotdot. smart energy est un ensemble de solutions logicielles mettant en relation le smart home et les distributeurs d’électricité et d’eau. Pour l’instant, smart energy qui repose sur des compteurs intelligents connectés spécifiques est adopté exclusivement aux Etats-Unis. jupiterMesh consiste à rendre possible la connexion entre le SmartHome et la production d’énergie à l’échelle du quartier. C’est une couche applicative universelle pour les distributeurs d’électricité dans leurs relations avec les producteurs décentralisés et leurs clients. ©CSA
Green Power est la solution de récolte d’énergie développée, initialement par la ZigBee Alliance. De la même manière que le protocole enOcean, green power crée des commandes sans fil et sans piles. Legrand vient tout récemment de commercialiser une gamme d’interrupteurs sans fil-sans pile utilisant le protocole ZigBee green power. Green power est particulièrement utile en bureaux où la configuration des locaux est régulièrement transformée. ©PP
Matter, agrégation de tout ce savoir-faire, fonctionnera sur les réseaux TCP/IP : WiFi, y compris la récente version WiFi 6.0, le protocole sans fil maillé Thread, le PoE (Power Over Ethernet) et les réseaux Ethernet câblés. Pour la configuration des équipements, Matter utilisera une liaison point-à-point en BLE (Bluetooth Low Energy).
Clairement, une bonne partie des possibilités de Matter sont parfaitement adaptées au tertiaire. Verra-t-on Matter évoluer comme une couche applicative universelle en logement, comme en tertiaire ?