Dans la RE2020, les exigences énergétiques sont renforcées par rapport à la RT2012 et le nouveau coefficient DH pour la prise en compte de l’inconfort d’été donnera du fil à retordre à bien des concepteurs et Maîtres d’Ouvrage.
Cependant, les réponses techniques pour mieux faire du point de vue énergétique sont connues : conception bioclimatique chaque fois que le PLU le permet, plus d’isolation, de meilleures protections solaires, des systèmes de chauffage et de ventilation plus efficaces, voire, dans certains cas, de la climatisation réversible active.
La partie de la RE2020 qui traite de l’empreinte environnementale des bâtiments, en revanche, est une quasi-totale nouveauté. Bien sûr, elle ressemble beaucoup au calcul environnemental dans le label E+C-, avec tout de même l’ajout d’un ACV dynamique au lieu de l’ACV classique.
Mais, selon le site officiel du Label E+C-, seulement 828 opérations, soit 1192 bâtiments, dont 154 bâtiments tertiaires, 331 bâtiments de logements collectifs et 707 maisons individuelles ou accolées, ont demandé et obtenu un Label E+C-. Seulement 131 ont atteint le niveau C2 qui est à peu près ce que demandera la RE2020 en logement neuf lors de son application au 1er janvier 2022.
Autant dire que peu d’équipes de conception et de Maîtrise d’œuvre ont acquis une réelle expérience dans le calcul et la conception nécessaires pour la partie environnementale de la future RE2020. De ce point de vue, le label E+C- n’a pas rempli le rôle de facilitateur d’apprentissage environnemental qui lui était assigné. Et il va falloir que tous les acteurs de la construction neuve s’y mettent assez vite maintenant.
Regardons de plus près ce que recouvre le calcul environnemental dans la RE2020, toujours en nous appuyant sur le dernier webinaire du BE NRGYS.
Le calcul environnemental dans la RE2020, comme le rappelle NRGYS, s’effectue par lots. En effet, page 30 de l’arrêté du 4 août 2021 qui décrit la méthode de calcul RE2020, il est indiqué « Pour l’analyse de cycle de vie, et plus spécifiquement pour le calcul de la contribution « Composants », le bâtiment (et sa parcelle) sont décrits suivant quatre niveaux :
a. Le niveau « Bâtiment » (ou “Parcelle”)
b. Le niveau « Entité programmatique »
c. Le niveau « Lot »
d. Le niveau «Sous-lot »
Dans de nombreux cas, le périmètre du bâtiment et de l’entité programmatique sont identiques.
La méthode liste 13 lots numérotés, plus un, le lot chantier, qui n’est pas numéroté. Chaque lot est fractionné en sous-lots. Huit sous-lots pour le lot 3 Superstructure-Maçonnerie, par exemple, ou encore sept sous-lots pour le lot 8 c'est à dire CVC (Chauffage-Ventilation-Refroidissement Eau chaude sanitaire).
Les lots détaillés et les lots forfaitaires dans le calcul environnemental RE2020. ©NRGYS
Ces 14 lots sont de deux sortes. Première sorte : les 11 lots dits « détaillés », à propos desquels les concepteurs doivent effectuer un calcul détaillé. Un calcul détaillé signifie que le BE a à sa disposition les quantitatifs précis de tous les composants de tous les ouvrages de chacun de ces 13 lots.
La seconde sorte, 4 lots « forfaitaires » peuvent faire l’objet d’un calcul non-détaillés et le BE n’a pas besoin du quantitatif exact et précis. Mais les BE très pointilleux peuvent tout de même se lancer dans un calcul détaillé pour les lots dits forfaitaires, si l’envie les en prend. La méthode le permet.
11 + 4 = 15 et non 14, comme vous l’avez impitoyablement remarqué. C’est parce que le lot 8 a un pied dans chaque sorte. Ses sous-lots 8.2 à 8.7 appartiennent aux lots détaillés. Tandis que son sous-lot 8.1 relève des lots forfaitaires
Lorsque que l’on parle de calcul « détaillé », ce n’est pas un vain mot. Voici le niveau de détail requis pour un calcul environnemental sur le lot 3. Et il y a 11 lots détaillés. ©NRGYS
La précision requise dans le calcul de l’empreinte environnementale rend très difficile le fait de changer de produit en cours de construction : il faut refaire le calcul. Ce qui pose d’ailleurs un problème dans le cas des marchés publics qui interdisent, dans les documents de consultation, de désigner des marques et des produits.
Le remède consistera sans doute à effectuer un calcul préalable, lors de la conception et jusqu’à la phase consultation, en prenant des données environnementales par défaut ou forfaitaires. Puis à recommencer le calcul, une fois les consultations d’entreprises achevées, en travaillant cette fois-ci avec les données issues de FDES individuelles, plus précises et nettement moins pénalisantes. D’ailleurs, quelles sont les données environnementales dont nous disposons aujourd’hui ?
Pour les besoins de la RE2020, les données environnementales sont exclusivement puisées dans la base INIES. Le 13 septembre 2021, on trouve dans la base INIES 5006 Fiches de Données Environnementales pour le bâtiment, soit 3968 pour les produits de construction (FDES), 971 pour les équipements électriques, électroniques et de Génie Climatique (PEP) et 67 services.
Parmi les produits de construction, l’isolation arrive très largement en tête avec 1459 fiches, suivie par la structure/maçonnerie/gros-œuvre/charpente (552), les cloisonnements/plafonds suspendus (536), les revêtements de sols et murs/peintures/produits de décoration (358), puis les menuiseries intérieures et extérieures/fermetures (277) et les façades (239). Tous les autres lots rassemblent moins de 100 fiches. Avec seulement 41 fiches, l’équipement sanitaire et salle d’eau est particulièrement pauvre.
Côté PEP, l’appareillage d’installation pour les réseaux d’énergie électrique et de communication (≤63 Ampères) vient en tête (372), suivi par les équipements de Génie Climatique (290). On trouve même 27 modules photovoltaïques et deux micro-éoliennes, ainsi que des batteries plomb-acide (1) et Lithium-ion (1).
Si l’on considère les acteurs ayant déposés des fiches sur la base INIES, le Ministère de la transition écologique vient en tête d’assez loin avec 1453 fiches. Ce sont néanmoins pour l’essentiel des données par défaut et une trentaine de données conventionnelles. Les unes et les autres sont destinées à permettre au calcul environnemental d’aboutir, sans être rendu impossible par l’indisponibilité des données environnementales précises sur un grand nombre de produits.
Le second plus important acteur dans les fiches environnementales est le groupe Saint-Gobain. En tenant compte de toutes ses marques, Saint-Gobain a déposé 797 FDES au total, dont 316 pour Isover, 267 pour Placoplâtre, 10 pour Isonat, puis 45 pour Saint-Gobain Glass France, 45 pour Saint-Gobain Eurocoustic, 10 pour Ecophon Saint-Gobain et 7 pour Optiroc Saint-Gobain. Six des fiches Saint-Gobain Isover portent sur les composants de réseaux aérauliques.
L’isolation thermique est naturellement bien représentée avec 148 fiches pour Knauf, 131 pour Rockwool, 97 pour Rockwool Insulation, 39 pour Ursa France, 17 pour Isobox Isolation, 15 pour Recticiel Insulation, 12 pour Actis et même 12 pour la jeune entreprise Gramitherm Europe qui fabrique de l’isolation thermique à base d’herbe.
Les PEP (Profil Environnemental Produit), qui décrivent les équipements électriques, électroniques et de Génie Climatique, sont relativement peu nombreux L’équipement électrique est bien représenté avec 100 PEP pour Legrand, 90 pour Hager et 87 pour Schneider Electric.
En ce qui concerne les équipements de Génie Climatique, De Dietrich a produit 12 fiches individuelles : 2 pour des chaudières, 5 pour des pompes à chaleur, une pour un chauffe-eau thermodynamique et 4 pour des radiateurs. Chappée, qui fait partie du même groupe BDR Thermea que De Dietrich, propose 8 fiches : 3 pompes à chaleur, 1 chauffe-eau thermodynamique et 4 radiateurs. Oertli, la troisième marque de BDR Thermea en France, propose 4 fiches : 3 pac et un chauffe-eau dynamique. ©PP
Le groupe Atlantic propose 7 fiches, : 1 VMC simple flux, 4 émetteurs électriques rayonnants et 2 radiateurs électriques. Carrier a mis 3 fiches à disposition, portant sur des groupes de production d’eau glacée. Uniclima a mis en ligne 19 fiches collectives : 4 chaudières biomasse, 6 pompes à chaleur, 1 capteur solaire thermique, 1 ballon d’accumulation d’ECS en collectif, 1 radiateur, 1 sèche-serviette, 1 conduit de ventilation rigide, 2 caissons de ventilation simple flux et deux caissons de ventilation double flux, dont un destiné au tertiaire.
Carrier propose plusieurs PEP pour des groupes de production d’eau glacée. ©PP
Si l’on prend les PEP portant sur des pompes à chaleur, la base Inies en compte 44, mais 18 sont des fiches forfaitaires préparées par le Ministère de la transition écologique, donc pénalisantes. Uniclima en propose 6, dites collectives, moins pénalisantes que les versions forfaitaires du Ministère, mais qui ne permettent pas de valoriser les qualités de chaque pac. Il reste donc seulement 20 pac faisant l’objet de PEP individuels.
Stiebel Eltron a déposé un PEP pour une pac eau glycolée/eau, donc géothermique en boucle fermée. Aldès met en avant son T.One AquaAir. Nibe Energy Systems France a obtenu un PEP pour la F730, une pac double-service sur air extrait. Chaffoteaux dispose de deux PEP, l’une pour une pac air/eau monobloc, l’autre pour une pac air/eau split. Les 11 pac du groupe BDR Thermea portent sur des pac air/eau.
Ce sont avant tout des pac pour maisons individuelles. On trouve seulement un PEP collectif déposé par Uniclima pour une pac géothermique non-réversible destinée aux immeubles collectifs.
Le second grand morceau de la méthode de calcul environnemental est l’ACV dynamique. Ce sera l’objet du prochain article sur la RE2020.