Intersolar 2014 : les vertus oubliées des énergies renouvelables

Intersolar 2014 : les vertus oubliées des énergies renouvelables

Promouvoir les ENR à long terme et de façon stable permettrait à l’Europe d’acquérir son indépendance énergétique et politique. Un point de vue défendu au salon Intersolar.




Depuis 2008, la politique énergétique en Europe se résume aux trois nombres 20-20-20 : 20% d'énergie renouvelable dans le bilan énergétique européen, 20% de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020 par rapport à 1990.

 

Sur le salon Intersolar à Munich, les participants à la conférence « Renewable Heating and Solar Thermal » (chauffage renouvelable et solaire thermique) ont rappelé avec force que cet objectif ne sera pas atteint sans un recours important à l'énergie solaire thermique et aux autres énergies renouvelables.

 

Le délégué de l'Estif (European Solar Thermal Industry Federation – Fédération Européenne des Industries Solaires Thermiques) a rappelé des données méconnues. Produisant peu de pétrole et de moins en moins de gaz naturel, l'Europe est de plus en plus soumise à la volatilité des prix des énergies fossiles.

 

Selon Eurostat, 65,8% du gaz naturel consommé en Europe en 2012 était importé, contre seulement 47,1% en 2001. En Europe, le gaz naturel est utilisé à 41% pour le chauffage et la production d'eau chaude sanitaire, à 31% pour des process industriels et à un peu moins de 25% pour la production d'électricité.

 

Si bien que la menace d'une éventuelle suspension des approvisionnements de gaz naturel en provenance de Russie en raison de la crise entre la Russie et l'Ukraine, par exemple, pose avant tout un problème de chauffage et de production d'ECS.

 

La sécurité des approvisionnements énergétiques en Europe

 

A la tribune de la conférence, les intervenants successifs ont appelé au développement d'une politique – stable et de long terme – de promotion des énergies renouvelables, au premier rang desquelles figure le solaire thermique.

 

Il serait selon eux possible de remplacer pratiquement tout le gaz naturel importé utilisé en chauffage et ECS par un mix d'énergies renouvelables et d'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments existants, réduisant la facture énergétique européenne, créant des centaines de milliers d'emplois en Europe et permettant d'atteindre facilement, puis de dépasser les objectifs 20-20-20 européens.

 

Dans ces appels, les mots – stables et long termeont leur importance. Après chaque crise énergétique depuis 1974, se développe un soudain engouement pour l'énergie solaire thermique, qui retombe cinq à six ans plus tard une fois la crise oubliée et les aides publiques diminuées.

 

Le marché disparaît, les savoir-faire développés par les entreprises d'installation et les Bureaux d'Etudes sont oubliés, les industriels souffrent, réduisent emplois et moyens de production. Lorsque la vague suivante d'engouement pour le solaire déferle, tout est à reconstruire.

 

Soutenir toutes les énergies renouvelables

 

Selon l'Estif (www.estif.org) et ses partenaires, dont le European Geothermal Energy Council (EGEC, Conseil Européen de l'Energie Géothermique, wwwegec.org) et l'European Biomass Association (Association Européenne pour le développement de la Biomasse, www.aebiom.org), trois énergies renouvelables permettraient d'agir à court et moyen terme : le solaire thermique, la biomasse et la géothermie profonde.

 

Pour assurer leur développement, il faudrait tout d'abord supprimer les politiques qui empêchent leur essor. Certains pays, dont la France, ont institué récemment ou de longue date des dispositions qui pèsent sur les ENR : subventions des énergies fossiles, RT2012 en France qui défavorise le solaire thermique en construction neuve…

 

Ensuite, il conviendrait de prendre en compte le bilan carbone des énergies dans tous les calculs thermiques, dans tous les projets de construction et de rénovation que ce soit en industrie ou en bâtiment, d'instituer une taxe carbone en Europe dont le produit serait consacré au financement des projets ENR…

 

Ce sont des mesures peu coûteuses, voire neutres pour les finances publiques, dont la portée est potentiellement importante. Selon Eurostat, les ENR ont contribué 82,4 MTEP (millions de tonnes équivalent pétrole) au chauffage, à la production d'ECs et au rafraîchissement en Europe en 2012, soit 15,6% du total de l'énergie consommé pour ces usages. L'Estif estime qu'il est possible de parvenir à une contribution des ENR de 148 MTEP en 2020.

 

Selon l'hypothèse que cette production supplémentaire des ENR se substitue aux importations de gaz naturel, cela réduirait la facture européenne de 21,8 milliards d'Euros en 2020 par rapport à 2012 (calcul à partir du prix du gaz naturel de janvier 2014 selon la Banque Mondiale).

 

Des  exemples à l'appui

 

L'Europe consomme de l'énergie sous forme de chaleur à différentes températures et, utilisées conjointement, les diverses énergies renouvelables sont parfaitement capables de fournir les températures requises. Premièrement, pour le chauffage et la production d'ECS, le solaire photovoltaïque alimentant des pompes à chaleur en autoconsommation peut fournir jusqu'à 65°C.

 

Le solaire thermique, avec l'appui de chaudières biomasse atteint sans difficultés des températures d'eau de 95°C, voire jusqu'à 250°C avec des capteurs tubulaires sous vide pour des applications industrielles. Au-delà de 250°C, la biomasse peut couvrir les besoins complémentaires de l'industrie.

 

Enfin, la géothermie profonde est en mesure d'alimenter les réseaux de chaleur et, selon les évaluations de l'EGEC, plus de 25% de la population européenne vit sur des sites équipables de réseaux de chaleur alimentés par géothermie profonde

 

Pour étayer sa démonstration, l'Estif a présenté au cours de la conférence plusieurs réussites exemplaires, allant de la conversion de réseaux de chaleur à la géothermie profonde ou à la biomasse, jusqu'à la création de réseaux de chaleur avec une importante couverture solaire au Danemark.

 

A Marstal, au Danemark, fonctionne depuis 2012, un réseau de chaleur utilisant 100% d'ENR (photo). Il alimente 1460 points de livraison et fonctionne à 55% à l'énergie solaire thermique : 33 600 m² de capteurs thermiques installés, fournissant une puissance de 23 MW et 13 400 Mwh/an.

 

Les capteurs sont soutenus par un stockage de chaleur annuel sous forme d'un réservoir d'eau chaude enterré de 10 340 m3, d'un second stockage en sable de 3 500 m3et un troisième en réservoirs hors-sol de 2 100 m3. Le solde de la chaleur est fourni par une chaudière biomasse de 4MW, une pompe à chaleur au CO2 de 1,5 MW utilisant le stockage de la chaleur en sable comme source froide.

 

Si le Danemark parvient à des taux de couverture annuels de 55% avec le solaire thermique sur un réseau de chaleur, imaginez ce que l'on pourrait atteindre avec un meilleur ensoleillement, au sud de la Loire, par exemple. Selon l'Estif, chaque installation de ce type est un pas vers l'indépendance énergétique – et donc politique – de l'Europe.




Source : batirama.com / Pascal Poggi

8 Commentaires
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  • par zore94
  • 05/06/2014 19:08:42

@Poggi, Je croyais que le 3° élément était 20% d'économies d'énergies. N'est-ce pas exact ? La formule aurait changé ? @Treompan, l'énergie électrique (à 75% de source nucléaire) ne représente qu'une petite partie de nos besoins énergétiques. @Poggi de nous le préciser... La principale source étant ... le pétrole! Merci!

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  • par Treompan
  • 04/06/2014 22:44:35

@M Poggi,si je comprends bien il faut renforcer les aides aux ENR malgré le réchauffement climatique. Pouvez vous nous donner le pourcentage d'import de gaz Russe en France, je crois que c'est de l'ordre de 15% mais je me trompe peut être. Est il intéressant de dépenser 30 % de plus avec des chaudières à condensation, des panneaux solaires, des éoliennes, de la géothermie profonde bref des usines à gaz coûteuses alors que nous sommes déjà dans une situation d'indépendance énergétique et de plus decarbonnée. Grace au Général De Gaulle nous avons bien avant tout le monde effectué notre transition énergétique.

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  • par Pascal Poggi
  • 04/06/2014 14:02:32

Le troisième des trois 2O européens est la date ; 2020. Quand au coût nul pour les utilisateurs et les finances publiques, l'idée est qu'une taxe carbone donne un signal de prix. A court terme, elle renchérit le coût pour les consommateurs d'énergies carbonées. Mais elle leur donne un signal de prix clair, à partir duquel ils peuvent décider d'investissements de décarbonation de leur consommations d'énergie, c'est-à-dire le passage progressif aux ENR. En ce qui concerne les bâtiments pris isolément, l'ENR la plus simple à mettre en oeuvre est le soleil, sous forme thermique, photovoltaïque ou les deux à la fois. N'oublions pas que la RT2020 imposera le BEPOS (Bâtiment à énergie positive) pour toute la construction neuve. Autant nous préparer tout de suite. A l'échelle des agglomérations, les réseaux de chauffage urbain à base de biomasse, de géothermie profonde, de solaire thermique sont intéressants.

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  • par jipebe29
  • 04/06/2014 12:35:21

Je précise mon propos sur les EnR, car mon lien n’est pas passé. Eoliennes : elles défigurent les paysages et réduisent les surfaces cultivables, leur fonctionnement est intermittent et imprévisible, la puissance fournie est fluctuante : elle est nulle pour V (vitesse du vent) inférieure à 5 m/s, soit 18 km/h. Elle augmente continûment pour 5 m/s.

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  • par mlm
  • 04/06/2014 08:52:56

Excellent article qui manque juste d'insister sur ce qui fâche en France, qui est que le solaire thermique est le principal moyen de nous désengager du nucléaire. Même si cela est politiquement incorrect ...

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  • par Treompan
  • 04/06/2014 08:44:37

@M Poggi pouvez vous développer le fait que le soutien à l'éolien et le solaire soit à coût nul pour l'état. En effet c'est le consommateur au travers de la CSPE qui en supporte la charge à fonds perdu, plusieurs milliards on été déjà soutirés de nos poches pour cette niche fiscale. Je vous rappelle que les tarifs honteusement gonflés de rachat ont été retoqués par le conseil constitutionnel. L'hiver a été très doux et nous avons très peu consommé de gaz et de pétrole et aussi d'électricité.

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  • par jipebe29
  • 04/06/2014 00:23:18

Si l'on veut torpiller les économies des pays de l'UE, alors les EnR sont la meilleure solution.

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  • par zore94
  • 03/06/2014 21:05:37

Vous écrivez : 20% d'énergie renouvelable dans le bilan énergétique européen, 20% de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020 par rapport à 1990. Et le 3° élément ?

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