À quoi pourrait bien ressembler la chaudière du futur ? Lors de la remise des prix du 1er concours ouvert aux jeunes ingénieurs et designers sur ce thème, le 19 mai dernier, au siège parisien de GdRF, Alain Mille, directeur du développement de GrDF et président du jury, a évoqué le problème de fonds.
Un problème que l’on peut résumer ainsi : « La reproduction des équipements de génération en génération », essentiellement pour cause d’adaptation aux branchements existants. D’où l’idée de demander aux étudiants, à priori plus ouverts, de présenter des solutions « plus belles ou de la faire disparaître. »
Plus précisément, le règlement de cette compétition internationale « Imagine la chaudière du futur » imposait quatre critères : innover, proposer une solution faisable, soigner la présentation du dossier, mettre en valeur la pertinence et l’intérêt.
Après son lancement en septembre dernier, 54 équipes, soit 204 étudiants de 19 pays, ont participé à la présélection. 24 ont été retenues en novembre pour la suite des épreuves et, en février, seules 10 équipes ont été retenues en finale.
Le jury de sept personnes, quatre membres du management de GrDF et de trois personnalités extérieures (Frédéric Minkès, du groupe Bosch et représentant le syndicat Uniclima, Farid Abachi, de l’USH, et Anne-Marie Sargueil, présidente de l’Institut français du Design) a retenu six vainqueurs dans deux catégories : habitat neuf et habitat existant (voir les encadrés).
Édouard Sauvage, directeur général de GrDF, s’est dit “bluffé” par les futurs systèmes développés par les techniciens et designers de tous horizons. Les associations d’équipements – récupération de chaleur, production d’électricité… – le “look” – formes sphériques ou “goutte d’eau” – l’exploitation de la connectivité pour la régulation, le parti pris du placement dans le logement… dénotent un renouveau des capacités de développement.
Des produits primés sont d’ailleurs d’ores-et-déjà industrialisables. Ne manque que la validation marketing.
Cette première édition, considérée par Alain Mille comme fructueuse, devrait être renouvelée. Mais GrDF se laisse le temps de digérer et d’accompagner ces innovations avant de relancer un second concours.
Catégories “Habitat neuf”
Imaginé par Vincent Nicolas (ESAIP), Guillaume Calvignac (ESA) et Fabien Nedelec (ESAIP), la partie visible de cette unité multifonctions ressemble à s’y méprendre à un foyer de cheminée suspendue. Ce qui permet de le placer dans le salon. Ce projet a convaincu le jury par son design global et la prise en compte des différents besoins de confort.
Les ingénieurs ont imaginé intégrer dans cette sphère un corps de chauffe – évidemment à condensation – un moteur Stirling – attention au bruit ! – pour la production d’électricité destinée à l’autoconsommation et à l’autonomie énergétique, et un équipement de production d’eau chaude sanitaire.
La diffusion aéraulique de l’air chaud utilise un caisson de ventilation double-flux placé dans les combles. Il traite l’air neuf, “mitige” la température l’air extrait et de l’air neuf, et diffuse la chaleur par les bouches terminales installées dans chaque pièce.
L’ensemble du système est connecté et commandable par tablette ou smartphone.
Aïmanne El Bouazzaoui, Jérémie Assezat et Maxime Passard, étudiants à l’Essec, ont récréé un foyer visible et à fonctions globales : technique, esthétique et sociale.
L’équipement principal comprend un large insert à brûleur gaz entièrement ceinturé d’échangeurs de récupération de chaleur avec, en dessous et invisible, un accumulateur gaz de production d’eau chaude sanitaire posé en position horizontale.
Le chauffage par vecteur air est émis par des bouches alimentées par des canalisations circulant dans les murs, les plafonds et les dalles.
Les équipements sont connectés via une appli pour tablettes ou smartphone. Les ingénieurs ont imaginé synchroniser la gestion du confort selon les informations contenues dans l’agenda électronique des usagers – leur présence ou non dans le logement – et d’après leur géolocalisation – éloignés, le système passe en mode économie, proches et s’apprêtant à entrer, il engage le mode confort.
Alors que les industriels ont plutôt tendance à reléguer la chaudière en cuisine ou en buanderie, les inventeurs jouent sur la convivialité de l’insert à flamme visible pour le transformer en point de rassemblement familial et chaleureux.
Anaïs Cipriano, Fabrice Bertocci et Felipe Corsino, de l’école ESAM Design, insiste sur leur volonté de rupture avec les codes sur les chaudières.
Au parallélépipède blanc, ils opposent une sphère qu’ils souhaitent en matériaux bruts percés de bandes laissant apparaître la lumière.
Ce module est maintenu par un tube en laiton : d’un côté, il alimentera la chaudière en gaz naturel, de l’autre il enverra l’eau chaude vers le réseau d’émetteurs et les points de consommation d’eau sanitaire.
Le jury, tout en considérant qu’il « manquait quelques détails » au dossier, a estimé que ce projet recelait des potentialités pour dans quelques années.
Catégories “Habitat existant”
Au mitan des “trente glorieuses”, les occupants de maisons jusque-là dépourvues d’un chauffage central, découvrent le confort moderne avec la cuisinière à bois équipée d’un bouilleur et d’un circulateur pour distribuer l’eau chaude dans les autres pièces.
Abdel Ghzili et David Launay, étudiant de l’Ei-CESI de Rouen, reprennent et modernisent ce concept avec un large “piano” à feux et four au gaz dans lequel sont incorporées une chaudière à condensation et une production d’eau chaude sanitaire.
L’intérêt de Cook&O' est de proposer un gain de place, de valoriser la cuisine au gaz et d’assurer la récupération de la chaleur du four en la transférant dans les mini-ballons d’eau chaude sanitaire rangés à l’arrière de l’appareil.
Les ingénieurs ont aussi pris en compte les besoins d’entretien de la chaudière en la posant sur rails coulissants.
La connexion permet de gérer aussi bien la cuisson au four que le confort thermique dans la maison.
Ce projet intéresse des industriels du chauffage, notamment le groupe Bosch – ELM Leblanc qui dispose déjà de sous-ensembles tels que corps de chauffe, bouteilles…
Porté par des étudiants qui revendiquent le design avant la technique, le projet Kuma veut faire disparaître la chaudière et mettre en avant ses fonctions : la gestion du confort, la culture hydroponique de plantes aromatiques…
Suzanne Bertrand et Pauline Maraud, de l’École de Design de Nantes, et Thibault Chapeyrou, de l’École de Condé, ont essentiellement travaillé sur l’intégration du module dans une cuisine aménagée : l’élément essentiel mesure 60 cm de largeur, 50 cm de hauteur et 35 cm de profondeur. La gestion de besoins est basée sur l’utilisation des données des calendriers électroniques des membres de la famille.
Stephan Franck, de la Brest Business School, Anouk Chateau, de l’Agora Campus et Stephan Doran, de l’ENSA, n’ont pourtant pas le profil d’étudiants près du poêle au fond de la classe.
Pourtant, ils ont présenté au jury leur module Buddy qu’ils définissent comme un élément domestique « de confort et de réconfort pour les occupants ».
Ce totem de près de 1,5 m de hauteur anthropomorphise l’équipement thermique. S’il produit du chauffage et de l’eau chaude sanitaire avec une chaudière à condensation, son enveloppe est capable d’émettre une température de contact de 16 à 37°C.
Sa forme de quille à surface douce et moelleuse inviterait à l’enlacer (on frise l’attentat à la pudeur, et peut-être faudra-t-il bientôt rajouter le mot “calorphilie” au dictionnaire, voire un article au Code pénal…), à le transformer en point de rassemblement du logement. Sa “tête” serait équipée d’un écran tactile de commande et de communication.
Ce coup de cœur ressemble en tout cas à une splendide blague. Du moins propose-t-il aux industriels de sortir de leurs visions rationnelles et hyper-techniques.