L'avocat du groupe Vinci et la procureure ne se sont pas opposés à cette demande. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 27 septembre.
L'association Sherpa qui s'est fixé pour but de défendre les populations victimes des crimes économiques, a déposé plainte à Nanterre fin mars 2015 contre le groupe Vinci Construction Grands Projets (VCGP) pour "travail forcé" et "réduction en servitude", dans le cadre des chantiers liés à l'organisation du Mondial 2022 de football au Qatar.
Sur place, Sherpa assure que les travailleurs migrants voyaient leur passeport confisqué et étaient menacés, pour les dissuader de réclamer une amélioration de leurs conditions de travail. Le parquet de Nanterre a ouvert en avril 2015 une enquête préliminaire pour "vérifier les allégations" de l'ONG. Entre temps, le groupe Vinci avait porté plainte contre l'association pour diffamation.
Le 23 juin 2016, les avocats de l'association ont réclamé un sursis en invoquant l'article 35 de la loi sur la presse, qui prévoit que le délit de diffamation ne soit pas jugé tant que les poursuites commencées par le parquet sont à l'instruction. "Le débat de fond sur cette poursuite ne sera pertinent qu'à la lumière des résultats de l'enquête préliminaire", a fait valoir Me Léa Forestier, avocate de Sherpa, arguant que "tous les passages poursuivis par Vinci" visent des explications données aux médias sur l'objet de sa plainte.
L'avocat de Vinci Jean-Pierre Versini-Campinchi a surpris l'auditoire en s'associant à cette demande, non sans avoir dénoncé "l'effet cataclysmique" des accusations "d'esclavagisme" de Sherpa. "Si nous refusons le sursis, Sherpa va se répandre dans la presse pour dire que l'on se précipite par peur de la décision du parquet de Nanterre", qui doit survenir prochainement, a-t-il lancé. Nous ne prendrons pas le risque de "ce mauvais procès", a-t-il fait valoir.
Ce procès en diffamation s'inscrit dans le cadre de la riposte judiciaire déclenchée par Vinci contre Sherpa après sa plainte. Le groupe BTP a déjà poursuivi l'association pour atteinte à la présomption d'innocence, en référé (procédure d'urgence) puis au fond, mais son action a été déclarée irrecevable dans les deux cas.