Une occasion d’apprécier l’évolution des savoir-faire d’un secteur qui trouve sa planche de salut avec la fourniture de chaleur collective.
C’était la bonne blague de Pierre-Louis François, P-DG du groupe Atlantic, du temps où il était président d’Uniclima : «Annuellement, il doit y avoir plus de colloques sur la géothermie que ventes de pompes à chaleur géothermales.»
Tout à fait conscient de l’état du marché, l’AFPG*, organisateur des Journées de la Géothermie qui se tiennent du 20 au 22 septembre au Palais des Congrès de Strasbourg, déplore cette situation. Depuis 2010, la chute des ventes de pompes à chaleur eau/eau pour la maison individuelle se réduit de près de 15 % par an. Ce, alors que leur progression devrait afficher 8 % par an, si l’on s’en tient à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Les raisons de ce marasme sont multiples : le coût du forage, l’organisation des chantiers de construction où il faut anticiper le forage avant les fondations, le choix du générateur parfois établi en cours ou en fin de chantier…
Christian Boissavy, président de l’AFPG n’oublie pas la conjoncture : « Il faut aussi compter avec les difficultés économiques des ménages, le coût global d’une installation, plus chère qu’un système aérothermique. »
Christian Boissavy, président de l’AFPG. Malgré le prix des énergies fossiles, la grande géothermie trouve des marchés et s’adapte aux nouveaux besoins de chaleur et de rafraîchissement
Pourtant, depuis quelques mois, les professionnels de ce secteur ont vu les lignes bouger. Au premier semestre 2015, le décret sur la géothermie dite « de minime importance » a permis d’alléger la charge administrative tout en augmentant les capacités.
Ainsi, les forages de moins de 200 m de profondeur et d’une puissance de moins de 500 kW ne font plus l’objet d’un dossier d’autorisation ; une simple déclaration suffit.
Certes, cette mesure n’est pas générale sur l’ensemble du territoire. La zone dite « verte » couvre 85 à 90 % du pays. Il reste donc la zone « orange » où la déclaration doit être assortie de l’avis d’un expert reconnu par le ministère de l’Industrie, ainsi que la zone « rouge » où le maître d’ouvrage se verra demander un dossier d’autorisation traditionnel.
Par ailleurs, les professionnels ont aussi vu leur métier restructuré. Depuis plusieurs années, Qualit’EnR gère une qualification Qualiforage – sur les sondes géothermiques et les doublets en nappe aquifère – aujourd’hui adoptée par tous les grands acteurs sur le territoire.
Enfin, dès janvier prochain, les bureaux d’études fluides pourront afficher la mention RGE «Études géothermiques».
Autant d’outils pour aider les maîtres d’ouvrage à l’affût d’un financement par le Fonds Chaleur ou l’aide fiscale du crédit d’impôt. Mais, concernant le CITE, Christian Boissavy reconnaît qu’il est « d’un niveau identique pour tous les systèmes ; cet avantage ne fait pas la différence. » Ce qui l’amène, depuis plusieurs mois, à proposer à l’administration l’ajout d’un chèque « géothermie », « comme cela se pratique déjà en Allemagne où l’aide est trois fois plus importante que pour l’aérothermie ». Elle porte sur l’ensemble du système : pompe à chaleur, ballon tampon et forage.
Si la géothermie individuelle mord la poussière, il en va tout autrement de la géothermie collective. Les chiffres de 2015, les derniers connus, indiquent que 1 175 pompes à chaleur géothermiques ont été installées pour des immeubles, des quartiers ou des réseaux de chaleur. Soit une puissance installée de plus de 85 MW contre quelque 28 MW chez les particuliers (2 500 installations).
L’Île-de-France reste largement en tête des régions productrices de cette énergie (plus de 1,1 TWth en 2015 avec 432 MW installés), devant La Nouvelle Aquitaine (146 GWth/an avec un parc de 40 MW) et l’Occitanie (64,6 GWth/an avec 22 MW). À noter qu’en 2015, les huit nouvelles centrales géothermiques étaient toutes implantées en Île-de-France. Elles totalisent une puissance installée de 86 MW et alimentent 55 000 équivalents-habitants via 67,5 km de réseaux de chaleur.
Pour Christian Boissavy, le Fonds chaleur constitue l’un des principaux leviers de développement de cette industrie. « Si actuellement le fioul et le gaz ne sont pas des énergies chères, les grandes installations géothermiques – qui demandent pourtant d’importants investissements – gagnent du terrain car à moyen ou long terme, la chaleur fournie sera d’un coût maîtrisable. »
D’autres intérêts de la géothermie ont par ailleurs été récemment mis en avant. C’est le cas de la basse énergie sur champ de dix à vingt sondes, d’une puissance de 100 à 200 kW.
Cette solution technique se développe dans les ZAC où il est nécessaire de fournir du chauffage à basse température en logement et du rafraîchissement pour les locaux tertiaires. De même, les concepts de boucle tempérée géothermique – parfois avec une thermofrigopompe pour fournir de la chaleur et du froid toute l’année – commencent à sortir des bureaux d’études thermiques.
Les deux journées de tables rondes des Journées de la Géothermie dresseront un panorama complet de cette industrie :
À ce sujet, la dernière journée de la manifestation sera consacrée à la visite de sites alsaciens de différentes technologies.
* Association française des professionnels de la géothermie.