Les participants Journées de la Géothermie qui se sont tenues à Strasbourg les 20 et 21 septembre derniern’ont pas manqué de rapprocher les situations entre pays européens. Exemple : Suisse et Allemagne installent annuellement 20 000 pompes à chaleur géothermiques en tertiaire… En France, en 2015, ce volume atteignait 1 200 à 1 300 unités !
Parmi les voies explorées pour soutenir cette activité figure le soutien à la prescription. Paul Jalet, ingénieur au CSTB, a annoncé le dépôt, ce mois de septembre, d’un Titre V « système » sur le géocooling à partir de captages géothermiques sur sondes, sur nappe et sur système à fluide frigorigène.
Ce travail mené avec l’Association française des professionnels de la géothermie (AFPG) devrait être examiné par la DHUP en octobre ; Paul Jalet a évoqué en tribune une parution du texte au Bulletin Officiel au cours du premier semestre 2017.
Vice-président de l’AFPG, Jean-Marc Percebois, responsable technique chez le constructeur de pompes à chaleur Waterkotte, évoque pour sa part le développement d’une solution à haut rendement : les thermofrigopompes.
Ce type de générateur est capable, sur la base d’une même source froide, de produire simultanément de la chaleur – pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire –, et du froid. Il évite le montage classique d’une chaudière et d’un groupe de production d’eau glacée. Outre cette économie d’investissement, il permet d’améliorer le rendement global de l’installation : de 4, on passe à 9.
Les usages s’étendent des locaux tertiaires aux piscines. Cependant, ces matériels, explique Jean-Marc Percebois, nécessitent une régulation plus pointue que celle des installations traditionnelles, avec un comptage d’énergie (chaud et froid) horaire, voire au pas de quinze minutes…
Hervé Lautrette, du bureau d’études Burgeap, insiste sur les autres avantages des thermofrigopompes : une faible consommation d’électricité, la possibilité de réaliser un stockage inter saisonnier et augmenter ainsi la part d’EnR d’une installation jusqu’à 75 %, et, moyennant un niveau d’investissement adapté, un retour sur investissement inférieur à huit ans.
Des expériences comme celle de la Zac de l’Île Seguin Val de Seine, ancien site des usines Renault à Boulogne-Billancourt, sont éclairantes.Quatre puits géothermiques à 40 m de profondeur et d’un débit de 350 m³/h alimentent des thermofrigopompes de 15 et 5 MW.
Cet ensemble contribue à 30 % des besoins thermiques des bâtiments sur cette Zac de 74 ha ; soit 240 000 MWh de chaleur et 40 000 MWh de froid. Ces équipements sont maîtrisés par les industriels, et la rédaction d’un Titre V « Système » est envisagée.
Promis économe en coût de forage et capable de fournir de l’énergie comme d’en stocker, les champs de sondes doivent encore faire leurs preuves. Le BRGM continue ses travaux de recherches afin de maximiser les coefficients de performance sur un cycle annuel, ainsi que sur des délais d’exploitation de 20 ans.
Le travail porte sur le placement des sondes selon les usages – chauffage ou rafraîchissement –, des critères économiques (leur nombre, leur profondeur), et d’autres plus difficilement quantifiables : l’énergie est-elle exploitée par un seul ou plusieurs utilisateurs…
Régis Eme, représentant du foreur Mannfor, livrait à ce sujet l’expérience d’Airbus, à Toulouse. Les locaux sont alimentés par un champ de 140 sondes d’une profondeur de 205 m. Soit un total de quelque 29 000 m de captage pour produire 2 MW de chaleur et 1 MW de froid. Cet ouvrage, produit majoritairement de la chaleur (80 %) et subvient aux besoins de froid – freecooling ou sur pompe à chaleur.
Sous réserve d’une étude et d’une exécution correctes, témoigne Régis Eme, ce type d’ouvrage peut être réalisé sur 95 % du territoire, n’est techniquement pas limité, et convient pour des applications résidentielles, tertiaires comme industrielles, en mode individuel ou mutualisé…
Jean-Baptiste Bernard, de la société Ecome, a rappelé que la ville de Paris s’est engagée pour le « Facteur 4 » en 2050 et pour un triplement de la production d’EnR en 2020. Sur ces annonces, il souligne les possibilités de la géothermie en ville : elles s’étendent de la géothermie profonde telle qu’elle s’est développée depuis le premier choc pétrolier, en passant par les champs de sondes exploitées dans certaines ZAC.
Il mentionne en particulier la démarche du bailleur privé 3F actuellement en train d’identifier ses résidences au sous-sol capable d’accueillir des sondes géothermiques, les recherches pour intégrer des pieux géothermiques dans les fondations ou d’équiper les parois moulées de boucles de captage.
Citant le cas parisien, il indique que les stations de métro peuvent être équipées de sondes, et que globalement, 1 400 sites pourraient en être dotées. Il n’oublie pas de mentionner l’exploitation des nappes superficielles, que ce soit avec des boucles d’eau tempérées ou des réseaux « basse température » associées à une pompe à chaleur centralisée.
Au sud de Paris, l’aménagement de Paris-Saclay fait aussi figure d’exemple. Xavier Du Chayla, de la société Geother, présente ce site où plus de 1,7 million de m² de bâtiments seront construits en six ans. Deux doublets géothermiques d’une profondeur de 750 m (eau à 31 °C, débit de 200 m³/h) alimenteront deux réseaux de chaleur ; leur maillage est prévu dans un deuxième temps, en 2021.
Ces ouvrages d’une puissance totale de 9,8 MW alimenteront sept sous-stations auxquelles, seront raccordées les 800 000 premiers mètres carrés de bâtiments. Ces réseaux de chaleur reprendront aussi la chaleur dissipée par un laboratoire et un data-center. Globalement, ils atteindront une couverture de 55 à 60 % par énergies renouvelables. Il sera aussi couplé à un smart grid électrique.
Pour Hervé Lautrette (Burgeap), l’une des clés du succès des systèmes géothermiques repose sur la régulation communicante mise en place. Les automates reliés au captage, à la distribution et aux émetteurs sont seuls en mesure d’assurer l’optimisation énergétique des systèmes. Ce qui suppose une supervision avec une gestion horaire de l’exploitation, le pilotage des sous-stations à distance, la gestion de la maintenance de l’installation…
Odile Lefrère, ingénieur au Cerema de Nantes et spécialiste des réseaux de chaleur intelligents, a présenté succinctement son sujet de travail principal. Son cheval de bataille est la boucle d’eau très basse température.
Source d’énergie des pompes à chaleur, ce réseau convient particulièrement aux nouveaux quartiers. Il permet particulièrement de fournir une « climatisation verte » aux locaux tertiaires.
Autre argument : la géothermie n’est pas intermittente. Et de lister les multiples possibilités de stocker l’énergie dans des ballons tampons, dans le sol à l’aide de sondes géothermiques, dans les fondations des bâtiments eux-mêmes.
Quant au lien avec l’énergie électrique, il peut s’établir entre les EnR (éolien, photovoltaïque…) et les pompes à chaleur à alimenter en électricité ; de même, l’électricité peut être classiquement stockée sous forme de chaleur dans des ballons.
Autre question importante selon elle : comment gérer ces réseaux ? Elle écarte rapidement la délégation de service public, d’un fonctionnement trop lourd. Elle préfère la formule de l’association foncière urbaine libre (AFUL), mieux adaptée aux besoins de comptage et de facturation de l’énergie.
Mais il reste la difficulté initiale d’un investissement très demandeur de capitaux. Sous cet angle, la construction neuve est nettement favorisée par rapport à la rénovation.