Les Assyriens et les Babyloniens utilisaient l’argile comme liant ; les Chinois, les Égyptiens et les Mayas avaient, quant à eux, découvert le mortier de chaux et le mortier de gypse.
Mais le premier liant que l’on associe aujourd’hui au ciment remonte à l’antiquité romaine : il s’agissait alors d’un ciment naturel issu d’un mélange de chaux grasse et de pouzzolanes (cendres volcaniques extraites du mont Vésuve), qui a permis d’ériger des structures extraordinairement durables comme le Panthéon romain, parfait exemple d’ « opus caementicium », c’est-à-dire de construction en béton.
L’art de ce « ciment » romain s’est perdu au Moyen-Âge, et ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que des ingénieurs l’ont redécouvert et se sont attelés à percer son secret. Avec le développement structurel d’infrastructures (ponts, routes, canaux, équipements portuaires), la nécessité de trouver des liants hydrauliques à coût acceptable est apparue.
Dans ce contexte, alors que la production de chaux grasse était relativement bien maîtrisée, de nombreux chimistes et minéralogistes se sont attelé à la production à bas coût de pouzzolane artificielle, très chère à importer depuis l’Italie ou la Grèce. En même temps, plusieurs de ces chercheurs essayaient d’améliorer les performances de la chaux.
En 1812, Louis Vicat à 26 ans. Jeune polytechnicien, il se voit confier la construction d’un pont à Souillac, en Dordogne. Il s’agit de réaliser un ouvrage composé de sept arches surbaissées, pour franchir ce fleuve réputé pour ses débits variables et ses crues torrentielles. Louis Vicat veut concevoir un nouveau liant ayant la résistance et la durabilité des ciments produits par les romains.
Il multiplie les expérimentations et trouve les dosages optimaux d’argile et de calcaire broyés puis cuits, à l’origine du ciment moderne. Grâce à cette formule scientifique précise mais simple (elle ne nécessite que du calcaire et de l’argile largement répandus), il devient possible de produire du ciment à volonté et sans contrainte géologique et donc géographique - contrairement au ciment naturel que l’on ne trouve que dans de rares gisements.
Louis Vicat, désintéressé et convaincu que sa découverte pouvait avoir un impact sur le progrès de l’humanité, refusa de déposer un brevet. Au contraire, il conseillera bénévolement les industriels qui se lanceront alors dans la fabrication du ciment. Ce désintéressement permettra le développement rapide de la construction en béton.
On nommera par la suite ce liant « ciment artificiel », puis « Portland » par similitude de dureté et de couleur avec le calcaire extrait dans la région de Portland en Angleterre, après que l’écossais Joseph Aspdin trouva le moyen d’en améliorer la qualité avant de déposer un brevet.
Dès le milieu du 19esiècle, de nombreux entrepreneurs vont enrichir le procédé en associant le ciment et l’acier. Plus de 260 brevets pour le béton armé seront ainsi déposés.
Cette découverte de Louis Vicat va inaugurer deux siècles d’innovation dans lesquels l’industrie française s’illustrera largement. Le jeune ingénieur Joseph Lambot construit en 1849 sa fameuse barque imputrescible en fer et ciment, dont il dépose le brevet en 1855, mais qui passera totalement inaperçue à l’Exposition Universelle de Paris cette même année.
En 1850, François Coignet dépose le brevet du béton moulé (ou aggloméré). L'église Sainte Marguerite du Vésinet est réalisée en 1864 par l'architecte L.A. Boileau suivant ce procédé et passe pour être le premier bâtiment non industriel réalisé en béton en France. A Saint-Denis (93), la maison qu’il fit construire selon le même procédé est la plus vieille maison en béton en France.
Joseph Monier dépose à son tour en 1867 un brevet pour un « système de caisses-bassins mobiles en fer et ciment applicable à l’horticulture ».
Maison Coignet, la plus vieille maison en béton en France ©DR
Les inventeurs du mariage des qualités du béton avec celle de l’acier sont donc nombreux et tous les brevets ne seront pas exploités. Mais quelques uns, comme Hennebique, sauront en tirer un avantage commercial.
Ce dernier dépose un brevet en 1892 dans lequel il place explicitement les fers en fonction des contraintes et préconise l’emploi d’étriers pour relier les fers longitudinaux afin de répondre à l’effort tranchant et de faciliter la mise en œuvre. Il crée les premières règles de calcul et de dimensionnement du béton armé et par extension, les premiers bureaux d’étude.
En 1917, la technique du béton armé évolue avec la découverte de la vibration. Et ce progrès technique qu’est le béton armé est vite complété, dès 1900, par celui du béton précontraint. Le béton est un matériau résistant à la compression mais peu résistant en traction (contrairement à l’acier). Le but de la précontrainte est d'obtenir des pièces qui ne travailleront qu'à la compression permettant des portées plus longues. Freyssinet dépose son brevet en 1928.
Paradoxalement, le foisonnement des procédés et des brevets de béton armé qui se concurrençaient les uns les autres ont freiné sa progression. La publication de la circulaire du 20 octobre 1906 relative à l’emploi du béton armé, marque une étape obligeant tous les systèmes existants à s’inscrire dans une procédure de certification généralisée.
A partir de ce moment, le béton armé va devenir très populaire parmi les architectes et les constructeurs. Il sera le matériau privilégié de la reconstruction après-guerre.
Enfin, dans les années 1980, de nombreux travaux dont ceux de Pierre-Gilles de Gennes sur les milieux granulaires ont permis l’apparition d’une nouvelle génération de béton avec les bétons auto-plaçants, les bétons haute performance, …pour des portées encore plus importantes et des tours encore plus hautes !
Timbre édité par La Poste à l’occasion des 200 ans découverte des lois de l’hydraulicité par Louis Vicat.