Achevée en décembre 2013, à Beauvoisin, au sud de Nîmes, la Villa YFS a été construite en pierre massive. Le calcaire utilisé, de type molasse coquillière, provient d’une carrière locale, à Vers Pont du Gard.
D’un lumineux ocre strié de blanc, les blocs ont un format de 2 m sur 1 m et une épaisseur de 0,45 m. Ils ont été relevés à l’aide d’un palonnier et positionnés avec des pinces Perdriel, un calepinage précis permettant de simplement les juxtaposer les uns aux autres (photo).
Deux piliers ont également été créés à l’intérieur, intégrant l’un une table de cuisine, l’autre, une table de bureau. Seule la toiture est isolée.
L’architecte Faustine Cadière, qui a conçu et construit cette maison aux lignes épurées, en est la propriétaire et l’occupante. Elle a privilégié de vastes surfaces vitrées sur la face Sud-Est, éclairant notamment le séjour et l’entrée, tandis que les autres façades sont aveugles ou ne comptent que de rares et petites ouvertures. Les baies vitrées sont protégées des surchauffes estivales par des avancées de toitures et casquettes solaires.
Construire en pierre massive est tentant, dans un environnement où celle-ci est abondante. Parfaitement intégrée à son cadre naturel, la pierre, taillée sur mesure, s’adapte aux besoins et goûts de chacun, apportant un cachet inimitable.
Elle vieillit bien, sans entretien important. Elle promet aussi une isolation phonique et une inertie thermique synonyme de confort, avec des étés au frais et des hivers à l’abri du froid. Mais est-elle pour autant bien adaptée aux exigences de confort actuelles ?
Villa YFS – les blocs sont relevés à l’aide d’un palonnier et positionnés avec des pinces Perdriel.
Cherchant à évaluer précisément ses caractéristiques, le CTMNC a missionné le Laboratoire de Génie Civil et de géo-Environnement de l’Université d’Artois pour instrumenter la villa dès janvier 2014.
Des capteurs de flux et de températures ont été installés de chaque côté des parois, afin de mesurer l’évolution de la conductivité thermique sur les façades Nord et Sud. Les flux de chaleur sont mesurés en surface de chaque côté de la paroi (avec des fluxmètres thermiques).
Par ailleurs, la température de l’air intérieur et son humidité ont été mesurées dans toutes les pièces, au moyen de thermo-hygromètres, pour évaluer les conditions de confort thermique intérieures.
Les évolutions saisonnières et journalières ont été mesurées, en interprétant les couples température/humidité relative. Enfin, un suivi des périodes de chauffage a été réalisé en mesurant des températures en sortie des climatiseurs réversibles (split du salon et split du couloir).
Villa YFS : vue sur les pierres massives utilisées pour ce chantier expérimental
L’analyse des données montre des performances élevées en termes de déphasage de sollicitation et d’amortissement d’amplitude. L’amortissement des amplitudes de température entre l’extérieur et l’intérieur est important : 20°C d’amplitude en entrée et 2°C d’amplitude en sortie, soit une amplitude de sollicitation divisée par 10. Le décalage temporel entre les sollicitations mesurées à l’extérieur et à l’intérieur est de 11 h 30, valeur optimale en termes de gestion de flux.
Les valeurs de conductivité thermique équivalente obtenues, comprises entre 1 W/(m.°C) et 1,5 W/(m.°C), se situent dans la norme d’une pierre calcaire sèche à humide (elles varient avec l’humidité saisonnière).
Les amplitudes de température s’avèrent relativement importantes, malgré la climatisation réversible. L’influence des apports solaires gratuits est en effet importante, notamment en hiver, avec un rayonnement solaire quasi perpendiculaire à la paroi.
La résistance thermique de la pierre, assez faible, induit des températures de surfaces de parois intérieures réduites par rapport à la température de confort ambiant souhaitée.
C’est au niveau de l’hygrométrie de la villa que se situe le seul bémol : dans le salon, elle a été de 65 % en moyenne sur les 3 premières années, une valeur supérieure aux taux de satisfaction habituellement rencontrés.
Sur les 3 années de données cumulées, le pourcentage de points situés dans le « polygone de confort hygrothermique» est de 53 % (voir diagramme de l’air humide, ci-dessous).
Les premiers mois d’occupation ont été particulièrement difficiles à vivre pour les occupants, avec près de 75 % d’humidité ambiante liés à l’eau encore présente dans la pierre fraîchement extraite (eau de carrière résiduelle). Le confort aurait pu être amélioré plus rapidement avec un système de ventilation permanent. Une fois la pierre séchée, l’atmosphère de la maison est devenue tout à fait agréable. Le pari d’une maison en pierre non isolée confortable était gagné !
Le diagramme de l’air humide traduit un indice de satisfaction admis par une majorité d’occupants (source :LGCgE – Université d’Artois)
*CTMNC
Une enveloppe isolante …
La résistance thermique du mur dépend de son épaisseur et de la valeur de la conductivité thermique de la pierre utilisée (qui traduit la capacité du matériau à transmettre la chaleur par conduction). Celle-ci dépend de la nature de la pierre : plus le coefficient de conductivité λ (en W/(m.K) est grand, moins la pierre est isolante.
… et une hygrométrie ad hoc
Le confort dans l’habitat est principalement lié aux conditions de température et d’humidité, mais également à la vitesse d’air (la question ne se pose pas ici, en l’absence de VMC).
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson