Du bois à l’extérieur, du bois à l’intérieur. Si l’épicéa trace son empreinte majestueuse sur les accès, le chêne donne la tonalité de la salle. Au sol, le parquet recourt au chêne comme de rigueur.
L’entreprise catalane Frapont, qui est en charge de l’aménagement intérieur de l’auditorium, va se faire les dents sur les éléments latéraux des circulations, aux formes géométriques complexes, et pour lesquels le placage de chêne s’avère particulièrement complexe.
Un Allemand pour la charpente, un Catalan pour l’aménagement intérieur. Frapont est un habitué de ce genre de chantiers et intervient dans toute l’Europe, tout particulièrement en Europe du Nord.
Dans le cas de l’auditorium, Frapont se charge des revêtements de sol (parquets), des cloisons, des sous-faces acoustiques de balcons, des faux-plafonds et des éléments complémentaires comme les bordures des allées.
Premier constat, l’architecte veut une teinte chêne uniforme, seuls les fauteuils fabriqués à partir de rouleaux en carton chers à l’architecte japonais sacrifieront au rouge en contrepoint. Des fauteuils qui sont d’ailleurs des assemblages de rouleaux qui veulent «simuler l’absorption physique du son par le corps humain».
La mise en œuvre des ondes sur les doublages intérieurs. ©Frapont
L’ambition de Shigeru Ban semble être de livrer non seulement une salle de concert à l’acoustique irréprochable, mais que sa conception soit en phase avec la charpente et l’idée qui s’en dégage.
De fait, la charpente produit un effet de continuité fluide et doté de courbes, évoquant des entrelacs, tandis que les aménagements intérieurs qui répondent aux impératifs acoustiques sont souvent constitués d’une juxtaposition de textures avec une multitude de joints également entre éléments d’un même type, souvent des joints à angle droit.
Imbrication d’ondes, de la belle ouvrage au service de la qualité acoustique de l’auditorium. ©Frapont
En faux-plafond acoustique, l’approche habituelle de modules rectangulaires est abandonnée au profit d’hexagones en Ayous, un bois tropical tendre et léger, intégrant selon différentes compositions des bagues de carton ignifugé qui forment des motifs.
Au départ, on distingue 5 types d’hexagones, qui se répétaient par groupes de 7 (motif 5 au milieu, entouré dans le sens des aiguilles d’une montre par les motifs 4, 2, 4, 1, 4 et 3) : « Finalement, nous avons supprimé les modules de 7 hexagones, pour placer les hexagones avec des bagues plus grandes à la verticale des éléments techniques qui descendaient du faux-plafond en traversant les vagues en carton ».
Ces hexagones sont suspendus en trois points triangulaires à la voûte en staff. L’écart entre le plafond et la voûte est variable. L’une des difficultés vient de la performance en réaction au feu. Frapont va devoir effectuer des tests et tester des cartons ignifugés ré-ignifugés pour trouver enfin la solution.
La distinction subtile entre plusieurs types de motifs à disposer selon un certain ordre laisse place à une répartition aléatoire qui semble cadrer avec les contraintes acoustiques. Au final, le plafond est dans la teinte dominante chêne, l’hexagone est un clin d’œil à ceux de la façade, le carton un autre clin d’œil au matériau de prédilection de Shigeru Ban.
Shigeru Ban/De Gastines et Frapont lèvent la séparation qui prévaut entre le traitement essentiellement technique des salles de concert et l’approche architecturale de l’ensemble du bâtiment. ©Laurent Blossier
Le véritable coup de maître vient de l’approche choisie pour les habillages muraux. De même que la boîte en béton est arrondie et doublée à l’extérieur par un doublage acoustique couvert de céramique, côté intérieur, Frapont trace des doublages convexes indépendants, sur structure métallique, couverts de panneaux Fermacell. Ces parois seront le support des habillages en lames parallèles ou tressées.
Le concept part de lames de hêtre cintrées avec une onde de cadence 30 cm. « Ce sont toujours les mêmes lames, qui constituent pour ainsi dire « les briques » à la base du projet d’aménagement », explique Laura Navarro Gonzalez, chef de projet pour Frapont.
Il y en a presque 12 000 en tout, plaquées chêne. Les plus sophistiquées sont vidées par l’arrière et dotées de perforations au laser. A présent, on va jouer sur le décalage entres les ondes, à la fois en fonction des contraintes acoustiques, mais aussi à des fins esthétiques.
L’œil perçoit une grande diversité mais aussi une unité par le ton chêne et par ce pas de 30 cm. Dans certains cas et selon les besoins, le tressage masque un rideau escamoté qui pourra modifier le comportement acoustique de la salle en fonction des concerts.
En sous-face des balcons, on retrouve également cette approche de placage chêne en vaguelettes toutes avec un profil différent « fait sur mesure », 9000 lames cette fois faites une par une.
Un travail qui semble similaire à celui des murs, mais qui ajoute une complexité énorme avec le développement des murs inclinés de traçage concaves ou convexes. S’ajoute le défi ultime des tablettes, des pièces massives d’une géométrie qui défie les possibilités du placage.
Le morceau de bravoure vient des éléments tressés. Cette fois, les lames sont imbriquées de façon orthogonale avec quelques espaces interstitiels. Les lames sont partiellement perforées par la face cachée au laser afin d’absorber les sons avec l’aide du tissu et de la laine minérale qui sont derrière. Les plaques sont pour leur part fixées sur une ossature métallique autoportante et désolidarisée acoustiquement de la boîte en béton.
Le concept de lames cintrées acoustiques, en configuration tressée, est lui-même décliné de différentes façons, sur panneau plein ou sans panneau en support. ©Frapont
Le tressage évoque un panier, un peu comme la charpente, en fait. La complexité vient aussi du traitement de toutes les jonctions entre les modes de revêtement choisis. Comme pour la charpente, tout à l’air aisé, limpide, et en fait tout est extrêmement complexe.
Selon Laura Navarro , « Le résultat est le produit du travail de bons menuisiers. Frapont a dû mettre en place la plus grande équipe jamais constituée pour ce type de projets ».
Qui va raconter que la pose de tous ces éléments plaqués a débuté alors que le chantier n’était pas hors d’eau ? C’était en mai 2016, lors de ce printemps très pluvieux imprévu.
Quand on sait comment le hêtre réagit à l’humidité, il y avait de quoi craindre le pire, mais non, selon Frapont, la cohésion de l’ensemble a fait que tout s’est bien mis en place.
Les ondes du revêtement matérialisent les ondes sonores ©Frapont
Les ondes, le plafond, les fauteuils à tubes en carton dialoguent par la géométrie et la matière. ©Laurent Blossier
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