Le Label E+C-, comme chacun le sait, rassemble deux approches : un calcul de performance énergétique et un calcul de l’empreinte environnementale des bâtiments. Après avoir détaillé le calcul de la consommation énergétique E dans le Label E+C-, nous présentons aujourd’hui l’évaluation du contenu carbone : le « C » dans E+C-.
Bien que le C corresponde à « Carbone », le Label E+C- examine l’empreinte environnementale d’un bâtiment dans une Analyse du Cycle de Vie (ACV) de 50 et exprime le résultat en deux indicateurs d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) : Eges et EgesPCE.
Le bâtiment de bureaux Le Themis conçu par Corinne Vezzoni & Associé pour Icade dans la porte la double labellisation BBCA et E2C2. 10 655 m² construits dans la Zac Clichy-Batignolles à Paris pour 30,5 millions d’Euros HT. ©Corinne Vezzoni & Associés
Eges traduit les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment durant l’ensemble de son cycle de vie en comptabilisant les flux entrants et sortants. Il ne s’occupe pas de la construction du bâtiment, c’est le rôle du second indicateur : EgesPCE qui rend compte des émissions de GES des produits de construction et des équipements mis en œuvre dans le bâtiment durant l’ensemble de leur cycle de vie.
La méthode de cacul du Label E+C- commence par déterminer des valeurs plafonds de référence Egesmax et EgesPCEmax, un peu comme il existe un coefficient CEPmax dans la RT2012. Il faut ensuite calculer les coefficients propres du bâtiment. Ces derniers doivent naturellement être inférieurs aux plafonds de référence.
Le label E+C- propose deux niveaux de C. Le premier, C1, est accessible à tous les modes constructifs et à toutes les énergies. Il a pour but de pousser les acteurs de la construction à calculer l’impact environnemental des bâtiments qu’ils conçoivent, construisent et dont ils doivent désormais envisager l’exploitation durant 50 ans. En revanche, C2, le second niveau de C requiert un véritable effort dans le choix des matériaux de construction et des équipements techniques.
OBM, un constructeur bois qui produit ses propres CLT (panneaux pleins structurels), a bâti les bureaux de la DREAL Centre, certifiés BBCA réalisation. L’ACV a été réalisé par le BE BED. OBM revendique la possibilité de démonter ses bâtiments en fin de vie et de les reconstruire ailleurs. Le bâtiment construit d’occasion pourrait devenir une réalité et faire reconsidérer la fin de vie. ©OBM
Pour effectuer un calcul de C, les concepteurs utilisent bien sûr l’un des logiciels agréés pour cela et les renseignent à l’aide des FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire) pour les matériaux de construction et des PEP (Profils Environnementaux des Produits) pour les équipements techniques.
Du point de vue technique, un calcul E+C- compte 3 phases : premièrement, calcul RT2012 et du bilan Bepos ; deuxièmement, exportation d’un Récapitulatif Standardisé d’Etude Thermique (RSET), compatible avec les logiciels d’évaluation de la performance environnementale du bâtiment ; troisièmement, à partir du fichier RSET, réalisation de l’ACV et calcul des deux indicateurs de gaz à effet de serre Eges et EgesPCE.
Fin novembre 2017, 10 logiciels couvrent les deux premières phases (étude RT2012, bilan Bepos et exportation du fichier RSET) : ClimaWin de BBS Slama, Cypecad MEP et Cypetherm de Cype, DesignBuilder de DesignBuilder CTTEG, Lesosai de E4tech Software, Visual TTH de Fauconnet Ingénierie, ArchiWIZARD de HPC-SA, Pleiades+Comfies Module RT2012 d’Izuba Energies, U22Win RT2012 et U21Win RT2012 de Logiciels Perrenoud.
Pour la troisième étape, 5 logiciels exploitent le fichier RSET pour calculer les indicateurs Egesmax et EgesPCEmax de référence etEges et EgesPCEdu projet : ClimaWin de BBS Slama, OneClick LCA de Bionova, élodie du Cstb, novaEQUER d’Izuba Energies, ThermACV de logiciels Perrenoud. Les solutions de BBS Slama, Izuba Energies et Logiciels Perrenoud sont donc les seules en mesure de couvrir les trois étapes d’un calcul E+C-.
Accor Hotels lance une nouvelle chaîne d’hôtel, baptisée JO&JOE. L’un des premiers – R+7, 85 chambres et 555 lits, 5821 m² - est en projet à Gentilly. Il est déjà certifié BBCA en conception, a fait l’objet d’une ACV conduite par le BE Terrell et a été l’un des premiers bâtiments tertiaires utilisés pour roder la méthode E+C-. ©AccorHotels
Calculer un Label E+C-, spécialement si les Maîtres d’Ouvrage visent le niveau C2 et l’un des niveaux E3 ou E4, est un exercice d’aller-retour entre le calcul de performance énergétique E et celui de l’empreinte environnementale C. Si jamais l’expérimentation du Label E+C- se transforme en règlementation applicable à la construction neuve en 2021, cet exercice deviendra la règle pour les concepteurs.
Il repose beaucoup sur l’emploi des FDES et des PEP qui sont rassemblés dans la base INIES. Une FDES ou un PEP ne sont pas faits pour être lus, ni même pour être comparés les uns aux autres, pour au moins trois raisons. Premièrement, les données qu’ils contiennent sont exprimées, conformément à la norme NF EN 15804 A1 et à son complément national NF EN 15804/CN pour les produits de construction, dans des unités ésotériques qui, pour l’instant, ne disent rien à personne au-delà d’une poignée de spécialistes de l’ACV.
Par exemple, la contribution d’un produit de construction à l’acidification atmosphérique est exprimée en keSO2 (kg équivalent SO2), son influence sur la destruction de l’Ozone stratosphérique est comptée en keCFC (kg équivalent CFC) et sa participation à la formation d’ozone photochimique est donnée en keE (kg équivalent Ethylène).
Deuxièmement, qui peut dire sans l’aide du calcul, si pour obtenir un bâtiment le plus vert possible, il vaut mieux un peu plus de keCFC ou un peu moins de keE ? Répondre à cette question est le rôle du référentiel du Label E+C- et de ses indicateurs synthétiques : Eges et EgesPCE.
Amoes, un BE versé dans l’art de l’ACV, a développé tout un ensemble de diagrammes – barres, camemberts, courbes – et de tableaux synthétiques pour rendre les résultats d’une ACV plus facilement compréhensibles. ©Amoes
Troisièmement, le nombre de données dans une FDES ou une PEP varie de quelques dizaines à plusieurs centaines. La FDES générique sur le bardage en Douglas non-traité aligne 494 données, par exemple. Il n’est donc pas concevable de saisir les données dans les logiciels de calcul. Le risque d’erreur est trop important. Ce sont donc les logiciels de calcul eux-mêmes qui s’en chargent.
Les éditeurs de logiciels utilisent un Webservice pour récupérer les données dans la base INIES et les intégrer à leurs logiciels. FDES et PEP sont réalisés conformément à la norme NF EN 15804 A1 et à son complément national NF EN 15804/CN (FDES et PEP), à la norme XP P01-064 (FDES), aux normes XPC 08-100-01 (PEP) ou PCR-édition 3 (PEP).
Depuis le 1er juillet 2017, pour pouvoir être pris en compte, FDES et PEP doivent être vérifiées par tierce partie : un vérificateur agréé soit par l’association INIES pour les FDES, soit par l’association européenne PEP ecoPASSPORT pour les PEP.
Elodie, développé par le Cstb effectue toutes sortes de calculs environnementaux : BBCA, BREEAM, HQE Performance, la partie environnementale du Label E+C-. Elodie est lié au viewer IFC eveBIM pour faciliter la saisie des données environnementales. Il est connecté à la base INIES pour aller chercher les données nécessaires au calcul directement dans les PEP et les FDES. ©CSTB
Aujourd’hui, coexistent dans la base INIES, des FDES établies conformément à la norme NF P 01-010, et d’autres selon les deux déclinaisons successives de la norme NF EN 15804. De même on y trouve des PEP établis sous trois régimes différents : PCR édition 1, édition 2, édition 3. Dans chaque fiche, un champ indique sous quel référentiel elle a été établie.
Les logiciels d’ACV qui utilisent les PEP et les FDES, lisent ce champ et réconcilient les différents référentiels à l’aide de coefficient de correction. C’est l’une des contradictions du calcul du C dans E+C- : les résultats sont donnés avec une grande précision, au kgéqCO2 près.
Mais l’établissement des FDES et des PEP, d’une part, les coefficients d’harmonisation, d’autre part, introduisent en réalité une imprécision importante dans le calcul. Le résultat est apparemment précis, mais il est en réalité exprimé avec une marge d’incertitude considérable, dont l’existence même n’est jamais mentionnée. Bon, ce n 'est que le début.
L’outil ClimaWin de BBS Slama est agréé pour effectuer l’ensemble des calculs nécessaires au Label E+C- le calcul RT2012, le Bilan Bepos, le bilan Carbone et l’ACV – sans sortir du logiciel. Il se charge lui-même de la transmission des données, dans les deux sens, entre les différents modules, rassemblés sous une interface unique. Lers données environnementales sont restituées de manière claire, ouvrage par ouvrage. ©BBS-Slama
Mercredi 22 novembre, le site de la base de données INIES indiquait 2326 fiches environnementales pour le bâtiment, dont 1444 FDES portant sur des produits de construction, 824 PEP décrivant des équipements électroniques, électriques et de Génie Climatique, 54 services.
En ce qui concerne les produits de construction, plusieurs catégories bénéficient de FDES : voirie et réseaux intérieurs et extérieurs (74 FDES), structure, maçonnerie, gros-œuvre et charpente (125), façades (61), menuiseries intérieures et extérieures, fermetures (85), isolation thermique et acoustique (574), cloisonnements et plafonds suspendus (196), revêtements de sols, de murs, peintures et décorations (190), produits de préparation et de mise en œuvre (38), équipements sanitaires et salles d’eau (39), …
En ce qui concerne les 824 PEP, les équipements couverts sont les appareillages d’installation pour les réseaux d’énergie électriques et de communication ≤63 A (444), les fils et câbles (29), la sécurité des personnes et le contrôle d’accès (51), la sécurité du bâtiment (77), les équipements de Génie Climatique (130), la production locale d’énergie (13), le matériel d’éclairage (43), …
novaEQUER, le module ACV et Label E+C- d’Izuba Energies est associé à ses programmes phares Pleiades et Comfies. Il récupère le fichier RSET et effectue les calculs du bilan environnemental. Les restitutions de novaEQUER d’Izuba Technologies sont disponibles sous forme de graphiques destinés à comparer clairement les impacts environnementaux durant différentes périodes de la vie du bâtiment, mais aussi le contenu carbone de différentes solutions techniques. ©IZUBA Energies
Sur ces 2326 fiches, le Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la Mer – Ministère du Logement et de l’Habitat Durable en a déposé 546. Ces 546 fiches correspondent aux valeurs forfaitaires que l’on doit utiliser dans un calcul C du Label E+C-, s’il n’existe pas de fiche décrivant un produit réel.
Ces 546 fiches sont naturellement plus pénalisantes dans le calcul que les 174 fiches synthétiques produites par certains syndicats professionnels qui reflètent une valeur moyenne pour certains produits (fenêtres PVC, fenêtres aluminium double vitrage, capteur solaire thermique, etc.). Elles sont également plus pénalisantes que les 1516 fiches établies par des fabricants pour des produits réels correspondant à une référence commerciale.
Les marques les plus représentées dans la base INIES sont, dans l’ordre, le groupe Saint-Gobain avec 299 FDES sous 7 marques différentes, suivi de près par Legrand (277 PEP), Hager (186), Knauf (134), Schneider Electric (94), Corstyrène (88, isolation et doublage en polystyrène), Atlantic (77) et Ursa (68).
Dans tous les cas, les fiches peuvent recouvrir plusieurs références commerciales différentes. Par exemple, la FDES détenue par Artepy SA pour le revêtement de sol Bolon en rouleaux de PVC recouvre 9 collections de produits Artepy. Etablie par l’AFSIB, la FDES collective « baignoire en acrylique de dimensions 160 x 70 à 180 x 80 cm et ses pieds » recouvre une petite centaine de références commerciales dans une douzaine de marques.
Le mode d’établissement des FDES, pour l’instant, est parfait pour des produits précis, mais il ne contient pas la notion de gamme. Pourtant, dans le cas des fenêtres, par exemple, une même gamme est susceptible de générer des centaines de milliers ou des millions de combinaisons différentes, selon les dimensions, les couches utilisées sur le vitrage, le type de joint, d’écarteur, les différentes solutions de quincaillerie et de motorisations, la présence de protections solaires, etc. ©Sky-Frame
La manière dont sont établis PEP et FDES ne convient pas à tous les produits. Les PEP ont prévu la notion de gamme, mais pas encore les FDES. Dans le cas des chaudières ou des radiateurs, par exemple, les fabricants ont mis au point une méthode simple. Pour une gamme donnée, ils calculent un PEP pour une puissance précise, puis une formule jointe au PEP permet l’évaluation pour d’autres puissances au sein de la même gamme.
Les fenêtres qui relèvent des FDES, pourraient avantageusement bénéficier d’une démarche similaire. Dans le cas des fenêtres, le nombre et la diversité des variantes possibles – vitrages à couches, écarteurs, joints, quincaillerie, etc. - aboutit littéralement à des millions de solutions différentes pour une même gamme. Etablir une fiche « moyenne » n’a pas grand sens. Mais nous sommes encore dans le cadre d’une expérimentation qui sert notamment à pointer les insuffisances de la démarche et les pistes d’amélioration.
Pour les grands bâtiments, comme l’hôpital d’Ajaccio, l’emploi du BIM et la maquette numérique 3D permet d’établir des quantitatifs extrêmement précis de chaque ouvrage. Ce qui fournit une aide précieuse dans le calcul du bilan environnemental. ©Centre Hospitalier d’Ajaccio
Dernier point, pour un calcul précis des indicateurs Eges et EgesPCE, il faut non-seulement disposer des données environnementales pour tous les produits et équipements du bâtiment, mais il faut aussi les quantitatifs précis pour chacun d’entre eux, afin de réaliser les multiplications.
Dans une démarche de conception classique, ces quantitatifs précis sont difficiles à obtenir et, au moment du début de la conception, ils sont souvent sous-estimés. Dans une démarche BIM, en revanche, il est simple d’extraire de la maquette 3D du bâtiment des quantitatifs très précis, ouvrage par ouvrage. Bref, dans les grands bâtiments, le BIM vient au secours de l’ACV et du calcul du C dans un Label E+C-.
En attendant, voici la formule de calcul de l’indicateur Egesmax,i = Ai + mi + Mpark et EgesPCEmax,i = APCE,i + Mpark où i vaut 1 ou 2 selon le niveau C1 ou C2 visé. Ai et APCE,i sont exprimés en kg eq. CO2/m²SDP où SDP signifie Surface de Plancher, définie par l’ordonnance 2011-1539 du 16 novembre 2011 et par le décret 2011-2054 du 29 décembre 2011.
En kg eq. CO2/m²SDP | Niveau de performance visé | Maisons individuelles isolées ou accolées | Bâtiments collectifs d’habitation | Bâtiments à usage de bureaux | Autres bâtiments soumis à la RT2012 |
A1 | Carbone 1 | 1350 | 1550 | 1500 | 1625 |
A2 | Carbone 2 | 800 | 1000 | 980 | 850 |
APCE,1 | Carbone 1 | 700 | 800 | 1050 | 1050 |
APCE,2 | Carbone 2 | 650 | 750 | 900 | 750 |
Le coefficient Mpark, toujours en kg eq. CO2/m²SDP, est une modulation en fonction du nombre de places de parking. Sa formule de calcul est Mpark = ((NbPlacesSurface x 700) + (NbPlacesSouterrain x 3000))/SDP. mi, toujours en kg eq. CO2/m²SDP, rassemble la modulation en fonction du type de bâtiment, de l’altitude, de la zone géographique et de la surface des logements. mi = αi x ((Mgctype x (Mgcgeo + Mgcalt + Mgcsurf) – 1).
Valeur de αi | Niveau de performance visé | Maisons individuelles isolées ou accolées | Bâtiments collectifs d’habitation | Bâtiments à usage de bureaux |
Carbone 1 | 550 | 600 | 300 | 525 |
Carbone 2 | 100 | 250 | 130 | 100 |
Mgctype dépend de l’usage des bâtiments et de leur catégorie CE1 ou CE2 (ouvrant droit à compenser les consommations d’énergie de la climatisation ou pas). Mgcgeo, Mgcalt et Mgcsurf désignent respectivement la modulation selon la zone climatique, l’altitude et la surface. Les valeurs de ces 4 coefficients sont données en annexe au Référentiel « Energie-Carbone » pour les bâtiments neufs publié en octobre 2016.