Comment verdir un centre commercial ? L’exemple d’Aéroville

Comment verdir un centre commercial ? L’exemple d’Aéroville

Puisage en nappe profonde, pompe à chaleur et boucle d’eau pour réduire les consommations d’énergie pour le chauffage et le rafraîchissement des boutiques et des circulations du centre commercial d’Aéroville




Un centre commercial consomme énormément d’énergie pour l’éclairage, la ventilation, le chauffage et la climatisation. Les concepteurs et exploitants de Centres commerciaux tentent de verdir leurs équipements et de réduire les consommations d’énergie.

 

Voici deux exemples différents mis en œuvre par Unibail Rodamco Westfield, le « premier développeur et opérateur global de centres de shopping de destination », comme l’entreprise se présente elle-même. Unibail Rodamco Westfield exploite 102 centres commerciaux en Europe.

 

Ce premier article porte sur l’équipement d’Aéroville, un centre commercial près de l’Aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Le second article traitera du Mall of Scandinavia à Stockholm. Les deux centres sont équipés de manière très différente.

 

 

 

Aéroville représente 110 000 m², dont 84 000 m² de surface commerciale. ©PP

 

Aéroville : 84 000 m² de surface commerciale

 

Ouvert en Octobre 2013, le Centre commercial d’Aéroville propose 110 000 m² de surface de plancher, dont 84 000 m² de surface commerciale divisée en 200 lots. Tout cela représente un investissement de 300 millions d’euros. La restauration occupe environ 20% des surfaces commerciales. La hauteur sous verrière dans les circulations atteint 9 à 12 m. Les vitrines offrent 5 à 8 m de hauteur.

 

Bref, c’est un centre commercial comme on les imagine aujourd’hui : lumineux, aéré, avec force restauration et offre de loisirs en plus des traditionnelles grandes surfaces et boutiques.

 

L’objectif global mondial d’Unibail Rodamco Westfield est de réduire d’au moins 40% sa consommation d’énergie et ses émissions en équivalent carbone en 2030 par rapport à 2015. Dans un centre commercial, la consommation d’énergie des preneurs – boutiques, grandes surfaces, restaurants, cinémas, etc. – représente plus de 2/3 de la consommation totale.

 

Pour parvenir à son objectif, Unibail Rodamco Westfield doit notamment réduire de 70% les émissions équivalent carbone de ses centres durant leur vie en œuvre. Ce ne sera pas facile. Mais ils ont eu au moins deux idées. La première, mise en œuvre à Aéroville, consiste à repenser les équipements de production et de distribution de chaleur et de froid des centres commerciaux.

 

 

 

Pour réduire la consommation d'énergie, deux technologies ont été combinées. Premièrement, pompe à chaleur eau/eau sur puisage dans l'aquifère yprésien à 100 m de profondeur. Deuxièmement, boucle d'eau avec pompe à chaleur sur boucle d'eau (eau/air) pour alimenter les 180 boutiques. ©PP

 

Géothermie et pompes à chaleur

 

A Aéroville, deux puits descendent à 100 m de profondeur et pompent de l’eau dans « l’aquifère yprésien », une nappe captive et sous pression. La température du puisage est stable à 14°C toute l’année. Un local technique équipé de deux pompes à chaleur eau/eau Lennox – fonctionnant au R410A et d’une puissance chaud combinée de 3 MW – utilise cette eau de pompage à travers des échangeurs pour produire de l’eau à 9°C en été, à 28*C en hiver.

 

Cette eau alimente une boucle d’eau qui fait le tour du bâtiment et distribue de l’eau à 23°C (départ) / 30°C (retour) en été, à 25 / 18 en hiver, à 180 boutiques dans le centre commercial. Chaque boutique a installé sur cette boucle, une ou deux pompes à chaleur réversibles sur boucle d’eau. Ce sont des pompes à chaleur eau/air.

 

Les surfaces de plus de 1000 m² (Auchan, Decathlon, etc.) ne participent pas à cette installation et sont traitées directement par des roof-tops traditionnels. De même, les bureaux sont équipés de DRV et les parties communes sont traitées par des roof-tops air/air.

 

 

 

Tous les locaux ne sont pas traités par les pompes à chaleur sur boucle d'eau. Les parties communes sont raccordées classiquement à des roof-tops air/air. ©PP

 

L’intérêt de la boucle d’eau

 

Les 180 boutiques n’ont pas nécessairement les mêmes besoins au même moment. En mi-saison notamment, certaines sont en demande de chaleur, tandis que d’autres ont besoin de rafraîchissement.

 

A un moment donné, la boucle d’eau est donc refroidie par les pompes à chaleur des boutiques en demande de froid et réchauffée par celle qui fonctionnent en mode rafraîchissement. Ce qui, en mi-saison, produit un auto-équilibre de la boucle d’eau qui a moins besoin d’apports de chaleur ou de froid par les pompes à chaleur Lennox dans le local technique.

 

D’ailleurs, lorsqu’on observe les diagrammes mensuels des débits de puisage dans l’aquifère, les mi-saisons automne et printemps montrent une nette réduction. Ce sont les moments dans l’année durant lesquels la boucle d’eau est proche de l’auto-équilibre.

 

 

 

L'eau est puisée à 14°C toute l'année à 100 m de profondeur : 2 puits de puisage, 4 puits de rejet. Toutes les pompes sont pilotées par des variateurs de vitesse de manière à moduler les débits de pompage en fonction des besoins de la boucle d'eau. ©PP

 

 

 

 

350 000 m3 puisés et rejetés dans la nappe en 2017

 

Après 5 ans de fonctionnement, la température de l’aquifère yprésien demeure stable à 14°C. Dans une telle opération – 2 puits de puisage, 4 puits de rejet à 100 m de profondeur – le dimensionnement et l’équilibre hydrologique de l’installation sont très importants. Ce sont eux qui déterminent le débit maximum puisable, donc la quantité d’énergie que l’on peut prélever et remettre dans la nappe sans modifier sa température.

 

A Aéroville, le rejet se fait en aval du puisage, dans le sens de l’écoulement de l’aquifère. En 2017, 350 000 m3 d’eau ont été prélevés et remis dans l’aquifère. De Mars à Octobre, l’installation – la boucle d’eau et les pompes à chaleur dans le local technique - fonctionne en mode froid. De novembre à février, elle se place en mode chauffage.

 

La puissance chauffage maximale instantanée en chauffage est de 1,3 MW. Ce qui correspond à un débit de puisage de 220 m3/heure avec prélèvement de 5°C avant rejet dans la nappe. La puissance maximale en mode froid est de 4,5 MW : 280 m3/h avec 14°C de réchauffement du rejet. Outre les pompes à chaleur, la boucle d’eau peut également être refroidie par des aéroréfrigérants en toiture. En 5 ans, ils n’ont jamais été mis en route.

 

 

 

Une batterie d'échangeurs à plaques permet de bypasser les pompes à chaleur pour fonctionner directement en géocooling pour rafraîchir la boucle d'eau. Près de 50% des besoins de rafraîchissement sont couverts de cette façon. ©PP

 

30 % d'économie par rapport à une solution classique

 

Comme l’essentiel des besoins dans un centre commercial se portent avant tout sur le rafraîchissement, le fonctionnement en boucle d’eau avec auto-équilibrage en mi-saison, contribue à la réduction des consommations d’énergie. Le fait que la boucle puisse être rafraîchie par géocooling pendant près de 50% du temps de fonctionnement en mode froid – les pompes à chaleur sont à l’arrêt, la boucle d’eau est refroidie directement par un échange entre le puisage et la boucle – fournie une seconde source de réduction des consommations.

 

Seules les consommations des pompes de puisage, des pompes de la boucle et des pompes à chaleur sur boucle d’eau des boutiques interviennent alors. En mode géocooling total, le COP de l’installation dépasse 30. Unibail Rodamco Westfield estime réaliser au moins 30% d’économie d’énergie par rapport à une solution classique : roof-tops ou groupes d’eau glacée + chaudière et diffusion par ventiloconvecteurs 4 tubes.

 

Du coup, le groupe se pose la question de la géothermie à chaque projet de nouveau centre commercial et de rénovation de son patrimoine existant. C’est d’ailleurs plus facile en France qu’ailleurs, car notre pays possède une assez bonne cartographie des sous-sols. Ce qui n’est pas nécessairement le cas ailleurs en Europe. Le prochain article portera sur l’installation de froid et de climatisation au CO2 du Mall of Scandinavia.

 

 

Deux pompes à chaleur eau/eau fournissent jusqu'à 4,5 MW de puissance froid et 1,5 MW de puissance chaud. ©PP

 

 

 

 

Une GTB Apilog suit le fonctionnement de l'installation et renvoie toutes les consommations pour analyse. Unibail Dodamco Westfiel doit publier en fin d'année un bilan détaillé des consommations du centre d'Aéroville et le comparer avec des installations plus classiques. ©PP

 

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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