Réinventer Paris : les promesses seront tenues

Réinventer Paris : les promesses seront tenues

Quatre ans après son lancement, l’appel à projets Réinventer Paris est en bonne voie, plus de la moitie des permis de construire sont accordés, 10 chantiers ont commencé.




Lancé en novembre 2014, Réinventer Paris est un nouveau type d’appel à projets urbains innovants. La Ville de Paris et ses partenaires - Paris Habitat, CASVP (Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris), SEMAPA (Société d’Economie Mixte d’Aménagement de la Ville de Paris) et Paris Batignolles Aménagement (Société publique locale d’aménagement) – avaient proposé 23 sites, terrains ou immeubles, leur appartenant.

 

Tous n’étaient pas des sites enviables. La plupart, enclavés, voire virtuels – au-dessus du périphérique, par exemple – avaient déjà fait l’objet de tentatives d’aménagement, sans succès.

 

Paris et ses partenaires invitaient les promoteurs, les concepteurs à manifester leur intérêt en développant de nouveaux usages des bâtiments, des modèles de villes futures, des innovations environnementales, de l’écoconstruction, etc. Premier résultat, 815 manifestations avaient été déposées, puis 372 offres initiales, 74 offres finales et enfin 22 projets lauréats avaient été retenus et annoncés en février 2016.

 

 

 

La méthode développée pour la première édition dee Réinventer Paris a été utilisée pour d’autres APUIs (Appels à Projets Urbains Innovants). ©RéinventerParis

 

Premier succès : l’invention d’une nouvelle méthode

 

La méthode mise au point pour Réinventer Paris était une innovation. Elle est devenue le premier succès de cet Appel à Projets Urbains Innovants (APUI). Elle a été reprise par la Ville de Paris pour la seconde édition : « Réinventer Paris – Les dessous de Paris ».

 

Elle a été largement imitée par la Métropole du Grand Paris pour ses deux APUIs, par les Collectivités Territoriales qui participent à «Réinventer la Seine » , par certaines grandes villes étrangères membres de C40, par d’autres villes françaises, dont Angers avec son APUI «Imagine Angers ».

 

Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris chargé de l’Urbanisme, de l’architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité, a résumé cette nouvelle méthode en deux phrases jeudi 20 septembre, lors d’une conférence « Réinventer Paris – L’épreuve du chantier », au Pavillon de l’Arsenal à Paris : « Auparavant, la cession de terrain au plus offrant mettait le promoteur au premier rang. Réinventer Paris a placé le projet au premier rang ». Ce n’est pas un slogan vide.

 

 

Manuelle Gautrand Architecture fait partie de l’équipe lauréate pour le site Edison Lite, 67 avenue Edison dans le XIIIeme arrondissement, aux côtés des promoteurs Loftissime et Nouvelles Fonctions Urbaines. Sur une parcelle de 418 m² au sol seulement, se construit un bâtiment abritant 21 logements, une crèche de 30 berceaux, un commerce et 300 m² d’espaces partagés, dont la toiture consacrée à l’agriculture urbaine. Les espaces partagés seront loués pour fournir des rentrées financières destinées à financer et à réduire les charges collectives des occupants. SA structure associe le béton – premiers niveaux et circulations verticales -, le bois en CLT au-dessus du 1er étage et l’acier en renfort à des emplacements spécialement contraints. Du point de vue énergétique, il vise RT2012-20%. © Manuelle Gautrand Architecture

 

Le mieux disant, plutôt que le prix le plus élevé

 

Réinventer Paris a en effet sélectionné des projets en fonction de leur intérêt pour la collectivité, plutôt qu’en vertu du prix de cession offert. Réinventer Paris a consisté en des cessions de foncier, la conclusion de baux emphytéotiques ou « de tout autre montage visant à dissocier le bâti de la propriété foncière » par la ville et ses partenaires, sans qu’ils demandent d’équipements publics en échange. Ils exigeaient en revanche, le respect d’un règlement, suivi d’un premier, puis d’un second additif, soient 53 pages au total.

 

Ce règlement définissait les objectifs de la Ville en termes d’innovation dans les usages, d’innovation sociale, de valorisation du patrimoine parisien, de développement de l’agriculture urbaine, de mutualisation de services, ... Citant notamment le développement de buanderies partagées, espaces de convivialité. Le règlement soulignait aussi que l’innovation devait avoir pour objectif la résilience et l’efficacité énergétique.

 

Expliquant que l’immeuble innovant « est conçu selon une approche bioclimatique de façon à optimiser les apports énergétiques passifs l’hiver, l’éclairement naturel tout en assurant le confort thermique d’été ; l’immeuble innovant concrétise l’objectif « zéro déchet, zéro carbone » ; il privilégie l’utilisation de nouveaux matériaux, notamment bio-sourcés, présentant des qualités visuelles, thermiques et acoustiques à même d’opposer une résistance au bruit (double façade).

 

Le choix des matériaux doit s’appuyer sur une analyse du cycle de vie. ». La Ville et ses partenaires insistaient sur la viabilité des projets présentés : le financement du projet, accompagné de la description de tous les partenaires financiers, des garanties bancaires, … et son modèle économique figurent en bonne place dans le règlement et ses deux additifs.

 

 

Le triangle Eole-Evangile dans le XIXème arrondissement est situé entre la nouvelle gare RER Rosa-Parks, le tramway T3, les voies de la Petite Ceinture et la rue d’Aubervilliers. Les lauréats pour ce site de 1 ha sont les concepteurs TVK Architectes Et Urbanistes et OLM Paysagistes, les opérateurs Sodéarif (promoteur), Linkcity (filiale de Bouygues Bâtiment Île de France), Icf Habitat la Sablière (bailleur social), Association Parme (résidence sociale) et Arpej (résidence étudiants), les gestionnaires Ucpa (équipement sportif et auberge de jeunesse), Zoku (hôtel), Géodis (logistique urbaine), Jardins de Gally (agriculture urbaine), Impulse Partners (incubateur). Les autres participants sont Bérim (fluides), Amoes (environnement), Cube (VRD et espaces verts), Impédance (acoustique et vibratoire), Jardins de Gally (paysage), Qualiconsult (bureau de contrôle), CDC Biodiversité – Elan (biodiversité), WWF (ville durable et sensibilisation habitants), Carbone 4 (performance énergétique), Impulse Partners (innovation), EDF (stratégie énergies renouvelables, fourniture équipements et énergie), Bouygues Bâtiment Île-de-France, 
Embix (Moe smart grid), Techniwood (façades bois), Bouygues Energie & Services (smart grid), Cogemex (équipements énergétiques – résidentiel), Anticafé (espace de coworking), Agence Dédale (animateur de quartier) et Living Lab. ©OLM PAYSAGISTES

 

Un suivi attentif, mais souple

 

Le règlement insistait aussi sur le fait que chaque candidat retenu s’engageait à réaliser son projet, tel que décrit dans son offre finale et tel que retenu par le jury, y compris en termes de délais, de qualité environnementale et d’insertion sociale. Ce suivi par la Ville s’exerce pendant dix ans. La procédure n’est néanmoins pas rigide et prévoit des procédures pour faire évoluer les projets.

 

Chaque demande de modification et les évolutions proposées doit cependant faire l’objet d’un accord avec la Ville. Par exemple, le projet Morland – le bâtiment de l’ancienne Préfecture de Paris entre le boulevard Morland et le Quai Henry IV – constitue pratiquement un quartier à lui tout seul. Ses concepteurs, profitant de la diversité des bâtiments prévus – hôtel, logements, etc. – sur le site avaient décidé de l’équiper pour le chauffage, la production d’ECS et le rafraîchissement, d’une boucle d’eau, alimentant des pompes à chaleur réversibles sur boucle d’eau et d’équilibrer la boucle grâce à un forage géothermique.

 

Les premiers essais de puisage ont montré un débit géothermique insuffisant pour la taille de l’opération. La Ville a accepté de remplacer le forage pour un raccordement aux réseaux Climespace (froid urbain) et CPU (chauffage urbain), conservant la boucle d’eau et les pacs sur boucle d’eau. Résultat, le Bureau d’Etudes Barbanel estime que sur une année d’exploitation, environ 50% de l’énergie utilisée pour le chauffage, la production d’ECS et le rafraîchissement sera de l’énergie de récupération : les pacs versant de la chaleur ou du froid dans la boucle.

 

 

 

La livraison de l’Ilot Fertile, dans le triangle Eole-Evangile, est prévue pour 2022. Le site accueillera 400 logements, une résidence pour étudiants de 155 studios, une résidence pour 159 jeunes actifs, 5 000 m² d’activités sportives, 130 lofts logements/bureaux/hôtels, une auberge de jeunesse de 200 lits, 800 m² de commerces de proximité, 7 300 m² de bureaux, un espace consacré à la logistique du dernier km

 

 

22 sites retenus

 

Au final, 22 sites ont été retenus et ont rapporté à la Ville seulement 500 millions d’Euros en cession de foncier et d’immeubles, au lieu du Milliard d’Euros initialement attendu.

 

Les sites sont  :

 

Le bilan provisoire

 

Mi-septembre 2018, 8 actes définitifs – ventes, bail emphytéotique, … - ont été signes : Morland, Coulanges, Compagnie des philanthropes, Italik, Edison Lite, Bains Douches & Co, la Ferme du Rail, Auberge Buzenval et se traduisent par 8 chantiers déjà démarrés. La première livraison attendue en janvier 2019 est l’opération Compagnie des Philanthropes, les dernières en 2023 seront probablement Mille Arbres et la Ville Multistrates.

 

Pour l’instant, aucun projet n’a été abandonné, tous devraient se réaliser. Au total, 229 556 m² seront produits, 1344 logements dont 709 sociaux, 66 813 m² de bureaux, 30 012 m² d’hôtellerie, 20 084 m² de commerces. 26 416 m² seront végétalisés, dont 7 000 m² cultivés. Les opérations lauréates prévoient aussi 201 berceaux de crèches, des espaces dédiés au sport, à la culture et à la santé.

 

Certaines opérations renversent les notions habituelles : public ne signifie pas toujours accessible au public et inversement. Par exemple, l’immeuble Morland était une préfecture, soit un bâtiment public fermé au public. Il devient un bâtiment privé accessible au public, notamment sa terrasse avec vue à 360° sur Paris et ses environs.

 

Comme le fait remarquer Jean-Louis Missika, avec un délice non-dissimulé, les grands et classiques promoteurs n’avaient pas compris le mécanisme de Réinventer Paris et aucun de leurs projets n’a été retenu. Ils se sont rattrapés avec Inventer la Métropole. Les projets lauréats de Réinventer Paris ont été conçus en 2015 pour l’essentiel.

 




Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
1 Commentaire
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  • par architecte
  • 25/09/2018 11:01:14

Pourquoi toujours de "grosses" réalisations, bien lourdes, bien massives, appartenant à des groupes d'investisseurs ? La vraie ville est faite d'un ensemble de petites réalisations, financées par des particuliers, et la propriété immobilière divisée... Est-ce une image de la société dans laquelle nous vivons, toujours plus "globalisée", où l'individu n'a plus sa place? Cela ne fait pas de la ville, ou alors totalitaire...

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