Sur son site de Rognonas, Lafarge-Holcim produit sous la marque aggneo différents granulats issus du recyclage de déblais de chantier. ©PP
Le chantier de la première ligne de tramway d’Avignon a été découpé en deux. Dans l’appel d’offres de 135 millions d’euros, la communauté d’agglomération du Grand Avignon a insisté sur la minimisation de l’impact environnemental des travaux, exigeant notamment la réalisation d’un bilan carbone sur la logistique et le sort des déblais de chantier.
Le Lot 2 du tracé, soit 2,6 km entre le rond-point de la route de Tarascon et le quartier de Saint-Chamand, a été remporté par le groupement Colas/Braja, notamment grâce au développement d’une solution de recyclage des déblais de chantier avec Lafarge-Holcim.
Chaque type de granulat obéit à une normalisation précise qui codifie ses emplois possibles. ©PP
En visitant le chantier du Lot 2, Fabrice Sova, responsable du chantier pour Colas/Braja, insiste beaucoup sur le fait que le hasard et la volonté du groupement Colas/Braja d’aboutir au premier chantier éco-circulaire de France ont bien fait les choses. En effet, à proximité immédiate du chantier – à trois kilomètres -, aggneo, la marque de Lafarge-Holcim qui se consacre au recyclage des déchets de chantier, exploite le site de Rognonas.
Sur le chantier du Lot du tramway, Colas a extrait 110 000 tonnes de déblais : excavations préalables pour le dévoiement des réseaux existants, puis excavations pour les emprises du futur tramway, etc. La réglementation est claire : les déblais appartiennent à l’entreprise qui les extrait (Code l’Environnement, Article L541-1-1).
Le producteur des déblais, considérés comme des déchets, établit le Document d’Acceptation Préalable (DAP) qu’il remet au recycleur et qui détaille le contenu des déchets. Le producteur et propriétaire des déblais/déchets est pleinement responsable de leur sort : recyclage et réutilisation – c’est-à-dire transformation du statut de déchet à celui de matériau - ou dépôt dans d’anciennes carrières, devenues Installations de Stockage de Déchets Inertes (ISDI).
Voici un énorme tas de granulats 0/22, la grave produite par aggneo à partir de déblais de chantiers sur son site de Rognonas. ©PP
Le site de Rognonas a accueilli le tout, trié et recyclé une partie de matériaux en fabricant 35 000 tonnes de remblais de tranchée et 5 000 tonnes de fraisats de chantier, utilisés pour les enrobés des voies à circulation légère et les trottoirs du futur tramway.
Entre le chantier et le site de Rognonas, Colas a effectué près de 6500 rotations de camions de 17 tonnes, sur un trajet de 5 km seulement. Environ 2500 de ces rotations pratiquaient le double fret : le même camion effectuait l’aller entre le chantier et Rognonas chargé de déblais de chantier, puis revenait de Rognonas chargé de matériaux recyclés, réutilisés directement sur le chantier.
Ces trajets courts – par rapport aux ISDI les plus proches situés à une vingtaine de kilomètres – constituent la principale source d’économie par rapport à la solution vers l’ISDI la plus proche. Ensuite, Lafarge-Holcim a accepté les déchets de chantier gratuitement, mais vendu les matériaux recyclés au groupement Colas/Braja aux prix du marché : seconde économie.
Les déblais de béton armé font l’objet d’un broyage qui permet d’extraire le ferraillage, avant transformation en granulats. Plus le béton est pur, meilleur est le granulat. Par exemple, le site de Rognonas a développé une expertise spécifique dans la valorisation des poteaux en béton qui donnent d’excellents granulats. ©PP
Sans vouloir chiffrer l’économie globale, les responsables du chantier estiment que cette opération - extraction-recyclage-réutilisation - sur le chantier a été à la fois financièrement rentable et environnementalement vertueuse. Elle a été rendue possible par la proximité du site de Rognonas et l’expertise de aggneo. Mais le tri commence sur le chantier.
Avant même le début des travaux, des sondages, prélèvements et analyses des sols ont vérifié l’absence de pollutions spécifiques – aux hydrocarbures, par exemple - et le caractère inerte des déblais qui seraient extraits.
Inerte signifie, selon le Code de l’Environnement, que dans le temps, le matériau « ne subit aucune modification chimique ou biologique importante, ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n’est pas biodégradable à l’échelle de 100 ans, ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d’une manière susceptible d’entraîner des atteintes à l’environnement ou à la santé humaine.
Environ 33 000 tonnes de granulats 0/22, produits par aggneo à partir des déblais du chantier du tramway, ont été utilisées sur le même chantier pour réaliser les sous-couches de voies et de trottoirs. ©PP
Ensuite, pour leur propre sécurité et pour faciliter le retraitement, Colas a formé ses compagnons à discerner dans les déblais extraits, le bon grain de l’ivraie. Même sur un chantier de travaux publics, toutes sortes de déblais peuvent être extraits : terres, graviers, pierres, déchets amiantés (anciennes canalisations en amiante-ciment oubliées, par exemple), etc. Il importe que les camions emportent vers le site de recyclage des chargements aussi homogènes que possible.
Arrivé sur le site de Rognonas, les camions versent leurs chargements sur différents tas, selon leur nature. Ensuite, aggneo fait appel à des sous-traitants pour séparer les déchets et les transformer en matériaux utilisables sur les chantiers. Le chantier du tramway a notamment utilisé des granulats aggneo 0/22 en sous-couche des trottoirs des nouvelles stations - et 6/30 – pour le remplissage des tranchées - issus du recyclage de ses propre déblais.
Les granulats 6/30 d’aggneo ont servi au remplissage des tranchées du chantier du tramway : une parfaite économie circulaire. ©PP
Les granulats utilisés en remblaiement de tranchées, en sous-couches de voies de diverses natures, en enrobés, en fabrication de béton, etc. obéissent à des normes précises de résistance mécanique et de comportement dans le temps. Les normes sont souvent en retard sur le souhait des acteurs du BTP d’utiliser des matériaux recyclés.
Par exemple, la résistance mécanique présumée des granulats recyclés ne permet pas de les utiliser pour toutes les voies. Ils conviennent pour les sous-couches ou les enrobés de voies destinées à des véhicules légers ou des piétons, mais pas à des voies accueillant le passage fréquent de poids-lourds.
De la même manière, aggneo produit du béton contenant des granulats issus du recyclage. Mais les normes qui régissent les bétons ne permettent pas d’utiliser des bétons à base de granulats recyclés pour construire des ouvrages structurels. Ce qui ne signifie pas qu’ils ne conviendraient pas.
Les déblais issus des démolitions de bâtiments sont également valorisables en granulats, pouvant même être utilisés dans la fabrication de nouveaux bétons, réservés à des usages autres que structurels. ©PP
Simplement, lorsque les normes ont été rédigées, l’emploi de granulats issus du recyclage n’était pas d’actualité et n’a pas été envisagé. A travers aggneo qui exploite 31 plateformes de recycalage et 62 ISDI en France, Lafarge-Holcim a valorisé 7,5 millions de tonnes de déchets inertes en 2017, produit 1,5 million de tonnes de granulats recyclés pour des applications routières et 146 000 m3 de béton contenant des granulats recyclés.
En 2020, l’entreprise vise 9,5 millions de tonnes de déblais inertes valorisés, 2 millions de granulats recyclés pour applications routières et 450 000 m3 de béton à base de granulats recyclés. L’objectif européen est de valoriser 70% des déchets inertes produits par le BTP en 2020. Ce sera difficile sans une évolution normative.
Le chantier du tramway d’Avignon a fait l’objet d’une opération d’économie circulaire. Environ 36% des déblais extraits sur le site ont été transformés en divers granulats et directement réutilisés sur le chantier. ©PP
Source : batirama.com / Pascal Poggi