Les réseaux de chaleur et de froids urbains virent au vert

Les réseaux de chaleur et de froids urbains virent au vert

Les réseaux de chaleur et de froid urbain modernisent leurs générateurs, étendent leur desserte et deviennent un atout dans la transition énergétique.




La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) 2019 - 2023, dont le projet a été dévoilé, non sans mal, le 25 janvier 2019, prévoit une forte augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25% pour atteindre 196 TWh 2023 (+25%/2018), puis parviendrait entre 2018 et 147 TWh en 2028, soit une augmentation de 40 à 60% par rapport à 2016.

 

Le seul moyen d’y parvenir est, premièrement, de massifier les réseaux de chaleur et de froid, deuxièmement, de les basculer vers des énergies d’origine renouvelable ou de récupération. La PPE imagine d’ailleurs que 3,4 millions d’équivalents logements seront raccordés à un réseau de chaleur en 2023.

 

 

 

En une douzaine d’années, les chaufferies urbaines qui brûlaient du charbon et du fioul lourd sont passées à biomasse + gaz naturel. La biomasse permet d’atteindre ou de dépasser 50% d’ENR&R dans le bilan énergétique des réseaux de chauffage urbain. Ce qui leur donne droit d’appliquer à leurs clients un taux de TVA réduit, à la fois sur les abonnements et sur l’énergie. ©PP

 

Densifier et étendre les réseaux de chaleur et de froid

 

Deux grands moyens sont concevables, sans d’ailleurs être exclusifs l’un de l’autre, pour raccorder plus de bâtiments aux réseaux de chaleur et de froid : densifier et étendre. Densifier signifie raccorder plus de bâtiments à des réseaux de chaleur existants et de froid. Le moyen le plus sûr pour densifier consiste à « classer » un réseau de chaleur ou de froid.  

 

Le classement aboutit à la définition de « zones de développement prioritaire » à l’intérieur desquelles le raccordement au réseau est obligatoire pour toute installation d’un bâtiment neuf ou faisant l’objet de travaux de rénovation importants, dès lors que la puissance pour le chauffage, la climatisation ou la production d’eau chaude dépasse 30 kW.

 

Cette obligation s’applique aussi aux bâtiments faisant l’objet d’un changement de chaudière. Trois conditions doivent être réunies pour le classement d’un réseau : il doit être alimenté à ≥ 50% par des ENR&R, prévoir un comptage de l’énergie par point de livraison, assurer l’équilibre financier pendant la période d’amortissement prévue.

 

 

 

A Mazamet, Comte R a fourni non-seulement la chaudière bois, mais une solution complète incluant le stockage, le transport du combustible vers le générateur, le traitement des fumées par filtre cyclonique, le mouillage et le chargement des cendres dans des bennes en sortie de chaudière. ©PP

 

Le rôle immense du fonds Chaleur

 

La seconde mesure possible pour densifier un réseau de chaleur consiste en la réalisation d’un « Schéma Directeur de Réseau de Chaleur ». Cette démarche prévoit une concertation de tous les acteurs concernés. Ce qui est une vertu en soit.

 

Mais, le « Schéma Directeur de Réseau de Chaleur » est surtout le sésame indispensable pour obtenir l’aide du Fonds Chaleur dans le financement du développement ou de la rénovation d’un réseau de chauffage ou de froid urbain. Le projet de PPE prévoit de porter le Fonds Chaleur, géré par l’Ademe, à 307 millions d’Euros en 2019, 350 M€ en 2020 et en 2021, avant de redescendre à 339 M€ en 2022.

 

 

 

La taille des chaufferies urbaines varie beaucoup. De petites agglomérations se dotent de chaufferies de quelques centaines de MW pour alimenter un quartier. D’autres s’équipent de chaufferies de plusieurs dizaines de MW pour couvrir la majorité des besoins d’une ville. Il existe une offre étendue de chaudières biomasse et gaz pour toutes les dimensions de chaufferies. ©PP

 

 2 tubes ou 4 tubes ?

 

Un document de 30 pages détaille les opérations éligibles au Fonds Chaleur, à la fois en réseau de chaleur et en réseau de froid urbains, les conditions de leur éligibilité, le calcul des montants d’aides, etc. Son contenu peut être modifié dans les mois à venir, car la PPE prévoit de simplifier les règles du fonds chaleur.

 

Pour l’instant, les réseaux de chaleur doivent être alimentés au moins par 50% d’ENR&R (Energie renouvelable ou de récupération). L’Ademe recommande de viser plutôt 65 à 70%. Les opérations éligibles portent aussi bien sur la création ou l’extension de réseaux de chaleur, que sur leur densification.

 

En ce qui concerne les réseaux de froid, l’exigence d’ENR&R est réaffirmée et l’Ademe se propose, à travers les financements du Fonds Chaleur, de soutenir les réseaux « 4 tubes », qui distribuent à la fois de la chaleur et du froid, ainsi que les réseaux « 2 tubes » qui ne distribuent que du froid.

 

 

 

Les granulés de bois, combustible manufacturé, présentent des caractéristiques très stables d’une livraison à l’autre : teneur en eau, dimensions, etc. Ils sont parfaitement utilisables en chaufferies urbaines, même si leur coût demeure supérieur à celui des plaquettes. Les granulés permettent un excellent pilotage des proportions du mélange air comburant / combustible. Ce qui favorise la combustion complète. ©PP

 

TVA à 5,5%

 

Depuis 2012, les réseaux de chaleur et de froid bénéficient d’une TVA à 5,5% sur l’abonnement et de 5,5% également sur la partie énergie si celle-ci est produite au moins à 50% par des énergies renouvelables ou des énergies de récupération.

 

Dans la pratique, pour les réseaux de chaleur et de froid urbains, les ENR&R sont principalement le bois, la géothermie profonde et la récupération de chaleur sur les incinérateurs de déchets et sur les installations industrielles, le biogaz.

 

Le solaire thermique, les pompes à chaleur haute température en chauffage, les thermofrigopompes et les pompes à chaleur à absorption – des pompes à chaleur conçues pour que l’on utilise simultanément leur production de chaleur et de froid – font aussi partie des ENR&R.

 

 

 

A Mazamet, l’ensemble chaudière Buderus + brûleur gaz Weishaupt est conçu pour offrir la meilleure performance possible. Ce générateur fonctionnera en complément de la chaudière bois en hiver, à la place de la chaudière bois en été et, toute l'année, en secours en cas de panne de la chaudière bois. Le couple chaudière/brûleur offre 5200 kW de puissance avec un départ sous 6 bars à 110°C au maximum. ©PP

 

Très timide développement du solaire thermique

 

Cette disposition fiscale d’une TVA à 5,5% sur l’énergie a déclenché depuis 2012, une vague de modernisation des chaufferies urbaines qui en 6 ans ont abandonné le fioul lourd au profit de l’association bois/gaz naturel. Elle a également favorisé le développement des forages profonds pour bénéficier d’une chaleur géothermique ≥ 65°C et impulsé un nouvel intérêt pour le solaire thermique.

 

Depuis le début 2018, par exemple, le réseau de chaleur de Chateaubriant en Loire-Atlantique est alimenté par 2400 m² de capteurs solaires thermiques qui contribueront pour 5% à la production de chaleur annuelle. La centrale solaire thermique au sol, composée de 200 capteurs de 12 m² de surface unitaire, a coûté environ 1,5 M € HT, financés à 70% par l’Ademe dans le cadre du Fonds Chaleur.

 

Une garantie de performance sur la production de chaleur annuelle – 900 MWh/an au minimum – est apportée conjointement par Engie Cofely, l’exploitant de la centrale solaire, Eklor, le fournisseur des capteurs, Pasquiet Equipements, l’installateur, et Tecsol, le BE. Pour les abonnés, cette centrale solaire thermique diminuera de 5% environ le coût de la chaleur. Le reste de la chaleur est produite par une chaufferie biomasse et par une cogénération gaz.

 

Les énergies de récupération

 

Un autre réseau a été mise en service à Voreppe (Isère) en juin 2018 : un réseau de 800 m, alimenté par une chaufferie bois de 500 kW (1,4 GWh/an), avec un appoint solaire de 200 m² de capteurs thermiques produisant 100 MWh/an. Cette seconde installation a été réalisée par Eau et Chaleur en Haute Montagne (ECHM), filiale de Véolia.

 

La principale source d’énergie de récupération est constituée par les usines d’incinération d’ordures ménagères. Le biogaz – issu de la fermentation de déchets domestiques, agricoles, de l’industrie agro-alimentaire, etc. - fait partie des ENR&R.

 

Un réseau de chauffage urbain dont la chaufferie serait alimentée en biogaz peut prétendre à la TVA à 5,5%. Nous n’en connaissons qu’un seul exemple. Exploité par Engie Cofely, le réseau de chauffage urbain de Pont-à-Mousson est alimenté en chaleur par des générateurs brûlant du biogaz issu l’installation de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND) exploitée par Suez à Lesménils, une commune voisine.

 

Une seule chaufferie biogaz sur réseau de chaleur en France

 

Mis en service fin 2016, après un investissement total de 4,5 Millions d’Euros (voirie, génie civil t tranchées : 2,2 M€, distribution hydraulique, 1,9 M€, sous-stations 369 000 €, pompes primaires 55 000 €), dont 1,9 M€ financés par le Fonds Chaleur et 300 000 € par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), le réseau de 6,7 km de longueur compte trois générateurs.

 

Une cogénération fonctionne toute l’année et couvre tous les besoins de chaleur du réseau en été. Le second générateur est une chaufferie alimentée en biogaz. Le troisième est une chaufferie alimentée en gaz naturel et destinée à passer les pointes d’appels de puissance en hiver. Après un an d’exploitation, le biogaz a fourni 85% de l’énergie nécessaire à la production de chaleur.

 

L’ISDND produit chaque jour 24 000 m3 de biogaz grâce à la fermentation et à la dégradation biologique des déchets. Ce qui assure une production de chaleur de 13,7 MWh/an, alimente environ 20% de la population de Pont-à-Mousson et a permis une réduction de 10% de leur facture énergétique.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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