La ville de Paris, décidément en pointe en matière de prescription visant la neutralité carbone, orchestre actuellement un programme de construction de crèches modulaires dont 70% des matériaux de construction se doivent d’être réutilisables.
Pourquoi 70% ? Il se trouve que l’agence Djuric-Tardio avait suggéré un tel ratio à la ville il y a une dizaine d’années, à un moment où elle travaillait précisément sur un concept de crèche modulaire d’avant-garde, donc non massifié mais qui a depuis trouvé sa place dans un musée à Rome.
Dix ans plus tard, donc, la ville de Paris reprend l’idée du réemploi à 70% pour justifier la création de plusieurs crèches éphémères, installées notamment sur les terrains des hôpitaux de Paris (hôpital Trousseau, A19 architecture ; hôpital Bichat, Quatro Architecture) pour un bail de 12 ans.
L’agence Djuric Tardio s’inspire directement des portiques de Jean Prouvé, tout en les superposant.© Clément Guillaume
D’autres projets actuels s’inscrivent dans une démarche analogue, toujours à Paris, comme la crèche de la rue du Capitaine Marchal, par G+G, ou une crèche à la Pitié Salpetrière. La crèche du jardin du Luxembourg sera quant à elle démontée déjà dans deux ans seulement.
Comme pour en faire une pépinière d’idées, les crèches donnent lieu à des concours séparés, ce qui n’empêche pas Cruard Charpente d’intervenir en début de cette année sur le projet modulaire 3D de l’hôpital Trousseau, puis d’embringuer entre autres sur le projet du Luxembourg.
A l’exception de la première crèche montée à l’hôpital Trousseau, tous les autres projets sont en modulaire 2D. Le projet Djuric-Tardio ne se cantonne pas au concept de modularité imaginé il y a dix ans.
Puisant à la fois chez Jean Prouvé et dans l’architecture japonaise, il relève le défi de la réutilisation à 70% avancé à l’époque, dans une approche qui permet non seulement le démontage et remontage, mais aussi un changement de configuration.
Exemple d’assemblage d’éléments de plancher d’étage par boulonnage©Clément Guillaume
La crèche du Luxembourg s’enfile presque en chausse-trappe entre deux rangées de platanes, mais en 2021, elle devrait déménager dans le 13e arrondissement pour prendre une configuration en L.
La démarche de l’agence, épaulée par l’antenne parisienne du grand cabinet d’ingénierie allemand Bollinger+Grohmann, a poussé le constructeur bois dans ses retranchements. La modularité 3D n’est plus un secret pour Cruard Charpente qui réserve un vaste espace couvert sur son site afin d’y pré-assembler les modules qui seront ensuite acheminés pour un montage final à destination.
Dans le cas du jardin du Luxembourg, la situation de départ semble plus simple avec une préfabrication limitée à des éléments en 2D. En fait, le constructeur doit revoir en profondeur ses procédés d’assemblage, qui ne correspondent pas du tout aux standards.
Une source de frictions, certes, mais aussi, et Cruard Charpente le sait bien, un moyen d’assimiler les dernières évolutions de la construction bois. Certes pas, cependant, dans le recours aux matériaux biosourcés, abandonné pour des raisons de budget.
Le projet respecte une stricte trame de 1,20 m en généralisant les éléments manuportables. ©Clément Guillaume
La première trouvaille de l’agence, c’est de recourir à l’idée de portique central métallique développée par Jean Prouvé, et de le superposer pour obtenir le R+1. Ces portiques discrets assurent l’ensemble du contreventement.
Les éléments, emboîtés sur le réseau de pieux et longrines métalliques qui compensent la pente et limitent au possible l’impact de cet ouvrage provisoire, sont faciles à manipuler manuellement, en se conformant tous à la trame de 1,20m.
Ils sont solidement raccordés entre eux par des poutres en lamellé-collé boulonnées et se chargent de tout le contreventement du bâtiment, libérant complètement les façades et autres refends.
Vue intérieure avant équipement en mobilier spécifique ©Clément Guillaume
Le travail réalisé sur les assemblages est plus ambitieux encore, même si rien où presque n’en reste visible. Quand on dit que tout est boulonné, on pense à des liaisons entre des poutres où les boulons remplacent les vis.
Mais ici, cela va beaucoup plus loin : liaisons entre planchers bas et solives, planchers hauts et parois, parois et poteaux… chaque fois, tout est préparé au millimètre pour qu’une ou plusieurs tiges filetées viennent s’emboîter. Cruard Charpente a dû changer fondamentalement ses habitudes, mais pour les architectes, pas question de déroger, d’autant que cette crèche ne restera à cet endroit que peu de temps.
Si l’on vante les vertus du hors-site et de la préfabrication permettant de raccourcir les délais, l’opération de la crèche éphémère du Luxembourg n’est pas une référence. Malgré la légèreté de l’ouvrage sur pieux, il s’est avéré nécessaire de combler une carrière située à environ 15 mètres sous l’allée.
La durée du chantier s’est indument étendue ensuite sur de longs mois pour s’achever dans l’urgence de l’ouverture le lundi 16 septembre. Même si tout avait été parfaitement huilé, ce qui est peu concevable pour un chantier d’un tel degré d’innovation, l’architecte Mirco Tardio souligne que l’option d’éléments tramés de dimension réduite rallonge la durée du chantier : « Mais c’est le gage de la réversibilité et de la démontabilité ». Qu’à cela ne tienne, le principal enjeu sera le minutage du déplacement de la crèche vers un nouveau site.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven
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Comment se renseigner sur cette méthode de construction pour faire une petite maison , merci