L’an dernier, le Salon parisien de l’Immobilier d’entreprise battait son plein avec plus de 30 000 visiteurs, entre deux actes des gilets jaunes. Cette année, c’est comme si tout le monde, dans ce milieu, habitait le long de la ligne 1 du métro, automatisée et donc en fonctionnement. La fête bat son plein.
Selon un habitué, ce salon est le grand rendez-vous de l’immobilier, on s’y montre, on réseaute, on tâte le terrain si on veut changer de travail, et on peut assister à des conférences parfois très pointues sur des sujets d’intérêt pour les professionnels. L’observatoire de l’immobilier durable a ainsi révélé lors d’une conférence que les immeubles de bureaux pesaient trop lourd en carbone (calcul sur l’ensemble de leur cycle de vie…)
Sur le salon, les grandes maquettes de présentation de projets pharaoniques ont un peu cédé la place à des espaces conviviaux, où le bois s’affiche dans sa matérialité et sa chaleur, un peu comme lors de la dernière édition du salon Batimat.
Toutefois, les grosses opérations vraiment vertes, en phase avec l’urgence climatique, ne sont pas encore au rendez-vous. Didier Sauvage, nouveau Directeur Bois Construction chez Setec TPI, remarque que les interlocuteurs sont presque tous intéressés par ses compétences, parce qu’ils ont des projets de ce type sous le coude, sans forcément savoir comment s’y prendre.
La construction bois ou biosourcée est partout, mais encore un peu dans les cartons. Selon Maxime Brard d’Ecolocost, promoteur de la construction passive croisé sur le salon, tout le monde attend les élections municipales : « C’était différent quand les DDE accordaient les permis de construire, et non les équipes municipales. On dit : un maire qui bâtit est un maire battu. A l’approche des élections, les maires sortants ne veulent plus voir de grues ». Quant à la révolution du carbone, tout le monde s’y prépare. « Il faudra une RE2020 ambitieuse et contraignante pour que le marché bascule » estime Maxime Brard.
Julien Pémezec de Woodeum aux côtés de Laurent Girometti d’Epamarne. ©JT
En attendant, c’est plutôt « business as usual ». Y compris pour l’aménageur Epamarne qui poursuit la politique engagée par Nicolas Ferrand. Son successeur, Laurent Girometti, maintient le cap de 1000 logements en bois par an (60 000 m2), 5000 depuis le virage opéré par son prédécesseur.
Comme dans le cas d’Euratlantique, cette « profondeur de vue » est saluée par Julien Pémezec de Woodeum, car elle permet aux acteurs d’investir. Ainsi, la démarche d’Epamarne a constitué un soutien pour Woodeum dès ses débuts.
Une opération immobilière met entre 3 et 5 ans et on voit actuellement aboutir des projets qui sont d’autant plus le fruit d’une longue gestation que la construction biosourcée impose une attention particulière à la phase étude.
Au moment où le salon annonçait les lauréats de son prix, sur le stand d’Epamarne, Woodeum présentait l’opération Abelia de Bry sur Marne, 90 logements répartis sur trois bâtiments de seconde famille, donc R+3 avec atrium, où tout, ou presque, reste encore permis pour le bois.
Il ne s’agit pas d’un projet vert de façade mais une opération en cours de construction, déjà bien commercialisée à un prix jugé raisonnable pour la Première couronne, de 4700 à 4800 euros le mètre carré.
Les bâtiments de l’opération Abelia portent une signature, celle de l’agence Viguier, et soignent leur cinquième façade traitée à la manière des origamis. Situés près du nouveau Lycée international, ils font partie des cinq seules opérations françaises qui ont reçu le label BBCA de niveau excellent (en phase conception).
Comme le précise Julien Pémezec, la structure en CLT stocke 450 à 500 kg de CO2 par m3 au lieu de correspondre à des émissions de 450 kg de CO2 par m3 dans le cas du béton. La réalisation est assurée par Bouygues Construction, qui dispose d’équipes qualifiées en région parisienne.
Le chantier avance dans le calme au rythme d’un étage par jour, la rotation de camions est divisée par six ou huit, avec une estimation de 40 camions pour l’acheminement du gros-œuvre bois contre 250 dans le cas du béton. Le bois est apparent un peu partout dans des appartements qui sont tous traversants.
La collaboration entre l’agence Viguier et Woodeum, engagée dans le cadre de l’aventure de la tour Hypérion, se poursuit aujourd’hui à Aubervilliers pour une opération de 100 logements en phase de permis de construire.
Didier Sauvage : « Tout le monde a son projet en bois ».© JT
De son côté, Epamarne lance actuellement une opération de la même taille, mais en performance passive. En principe, la construction passive aurait dû entrer dans les mœurs, quand on sait que le 1er janvier 2020 a longtemps été présenté comme une date butoir pour l’avènement systématique de la construction à énergie positive dans le neuf en Europe.
Dans la pratique, l’approche passive reste rare dans le logement collectif, et d’autant plus rare le Bepos qui en est le prolongement. Un triste bilan dix ans après la création officielle de la notion d’écoquartier, un anniversaire qui est un peu passé inaperçu au SIMI. Ce qui ne veut pas dire que les pratiques n’évoluent pas. Ainsi, le recyclage et le réemploi sont actuellement en pleine faveur.
Upcycler est le nouveau mot d’ordre hype francilien. ©JT
Vibarchitecture a réalisé le stand de PariSudAm avec des matériaux recyclés, et évoque le 12, sur ce stand, ses « travaux et recherches sur des solutions 100% recyclées/biosourcées &100% recyclables/biodégradables ».
Malheureusement, la démarche de PariSudAm reste bien isolée au sein de l’exposition, à la fois en termes de présentation de stands que de démarche constructive. De même, le secteur des ouvrages agiles, donc conçus pour une implantation éphémère, mais déplaçables, est pour ainsi dire inexistant au SIMI. Sans parler des nouvelles opérations sous baux emphytéotiques que propose la ville de Paris.
D’une manière générale, le débat politique est peu perceptible dans les allées du salon, malgré la campagne municipale en cours. Tout semble vouloir continuer son petit bonhomme de chemin, d’autant que l’extension des transports parisiens et les équipements olympiques présentent encore des opportunités.
Pourtant, si la gestation des projets met bien entre 3 et 5 ans, les opérations courantes pressenties aujourd’hui risquent de ne plus être tout à fait au goût du jour en 2025, alors que la commission européenne vient de préciser son Green Deal et les objectifs drastiques de réduction des émissions de CO2 d’ici 2030.
Sur le stand qu’elle a conçu pour PariSudAm, l’agence Vibarchitecture expose ses recherches sur les matériaux de récupération. ©JT
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven