Dans un message diffusé le 24 avril, Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable, enjoint à prendre en compte le « poids nouveau que la santé va prendre dans nos choix et actions touchant à l’immobilier et au bâtiment ».
Il souligne que « notre logement aura été le lieu permanent de notre vie confinée durant de longues semaines, révélant qualités et défauts de notre habitat et marquant une fois de plus nos profondes inégalités sociales ».
Philippe Pelletier envisage quatre évolutions dans la réglementation française traitant de la construction neuve et de la rénovation du patrimoine existant. Premièrement, « il nous faut, dit-il, cesser de raisonner à l’échelle du bâti et le faire davantage au regard de l’espace urbain alentour, en développant une attention plus vive à préserver la biodiversité ; il en va de notre santé ».
Deuxièmement, plutôt que de continuer à produire une offre stéréotypée de bâtiments indifférenciés, « il va falloir engager une rupture de pensée et d’action : partir de la personne et non du bâti, écouter la demande diversifiée des occupants, en somme engager une stratégie de la demande, attentive par priorité à la qualité de vie des habitants ».
Troisièmement, « il va aussi falloir que la dimension sanitaire prenne une place accrue dans la façon avec laquelle nous produirons demain des constructions neuves : que ce soit dans la future réglementation environnementale ou dans la foulée de celle-ci, il est nécessaire que nous soyons rigoureux sur le confort d’été, la qualité de l’air intérieur, etc. »
Il révèle au passage que le Plan Bâtiment Durable a commencé à travailler sur un label d’accompagnement de la RE2020. : « Le label d’accompagnement de la RE, sur lequel nous commençons à travailler, pourrait sans doute ouvrir la voie à cette majoration accordée aux questions de santé ».
Pour l’instant, la RE n’est pas vraiment définie. On sait qu’elle ne correspondra pas au label E+C- et pourrait présenter, par rapport à celui-ci, des reculs à la fois en termes de performances énergétiques exigées, de possibilité de production et d’autoconsommation d’énergie sur site, voire de prise en compte de l’empreinte environnementale des bâtiments.
Mais, il y aura un label d’accompagnement dont le contenu est en train d’être défini, en toute opacité, et qui pourrait mettre l’accent sur les aspects sanitaires. Traditionnellement, un label est volontaire et sert à aller plus loin que la réglementation en vigueur, voire à préparer celle d’après, en échange d’incitations motivantes pour les Maîtres d’Ouvrage.
Le label BBC qui accompagnait la RT2005 s’accompagnait d’un droit à surconstruire par rapport au PLU. Ce qui avait assuré son succès et véritablement poussé les Maîtres d’Ouvrage publics et privés vers plus de performance énergétique.
Enfin, Philippe Pelletier souhaite que le critère santé soit pris en compte comme levier de décision dans la rénovation énergétique et environnementale des logements.
En ce qui concerne la qualité de l’air intérieur, rappelons qu’elle figure déjà dans plusieurs lois. Il suffirait peut-être de commencer par les appliquer, voire même les renforcer un peu.
Par exemple, la Loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 a rendu obligatoire la surveillance de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public. Ces dispositions ont été incorporées au Code de l’Environnement dans ses articles L.221-8, R.221-30 et suivants.
Les établissements concernés sont ceux qui accueillent des enfants de moins de 6 ans comme les crèches, halte-garderies depuis le 1er janvier 2018, puis les écoles maternelles et élémentaires également depuis le 1er janvier 2018, enfin les collèges et lycées depuis le 1er janvier 2020.
Les obligations des propriétaires de ces bâtiments sont contraignantes, dans une certaine mesure. Le propriétaire doit tout d’abord, au moins une fois tous les 7 ans, évaluer les moyens d’aération de son bâtiment. Il peut s’y prendre de deux manières.
Soit le propriétaire fait appel à un organisme accrédité pour réaliser une campagne de mesure de polluants : concentration de CO2 pour évaluer la réalité de la ventilation, formaldéhyde, benzène, perchloréthylène pour les bâtiments à risque – ceux qui se trouvent à côté d’un pressing, par exemple.
Ensuite, si les valeurs limite sont dépassées, le propriétaire doit engager à ses frais et dans un délai de deux mois après réception des résultats de la première analyse, une seconde expertise pour découvrir l’origine des polluants et y remédier de manière pérenne. Une seconde campagne de mesure doit être engagée dans un délai de deux ans après mise en œuvre des mesures correctives.
Soit le propriétaire construit un plan d’action de la qualité de l’air intérieur dans le bâtiment à partir des indications du « Guide pratique pour une meilleure qualité de l’air dans les lieux accueillant des enfants et des adolescents » proposé par le Ministère de la transition écologique et solidaire et par le Ministère des solidarités et de la santé.
Plus récemment en 2018, la loi Elan a intégré la qualité de l’air intérieur la qualité de l’air intérieur parmi les aspects à prendre en compte pour construire des bâtiments performants en consommation d’énergie, empreinte environnementale et santé. Ce qui a donné lieu à la modification de l’article L.111-9 du code de la construction et de l’habitation. Mais aucun décret ou arrêté n’est venu expliquer comment il fallait apprécier la QAI en construction neuve et cette disposition de la loi Elan demeure sans aucune portée pratique.
En 2018 également, les professionnels de la ventilation ont publié le Livre Blanc de la Ventilation – 100 pages tout de même - qui préconise notamment d’organiser une réception des installations de ventilation en construction neuve et en rénovation et recommande que la RE2020 rende obligatoire cette procédure. La pandémie Covid-19 met en exergue l’intérêt d’une ventilation fonctionnant correctement et on ne peut qu’espérer que la RE2020 reprendra cette idée.
A la suite de la loi Elan et comme le troisième plan national santé environnement (PNSE 3) arrivait à échéance fin 2019, le Ministère des solidarités et de la santé et le Ministère de la transition écologique et solidaire ont lancé, début 2019, l’élaboration du 4ème Plan National Santé-Environnement (PNSE 4), baptisé « Mon environnement, Ma Santé ». Il devait préciser les objectifs de QAI et la responsabilité des divers acteurs. Sa parution était prévue fin 2019, mais on ne l’aperçoit toujours pas.
Bref, les dispositions existantes sur la ventilation, la qualité de l’air intérieur sont déjà nombreuses. Il faut les faire respecter et veiller à ce que la future RE2020 intègre les bonnes idées.