Tout cela vient du souhait du gouvernement de mettre en pratique – ou de paraître mettre en pratique – les 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat.
Le Président de la République a rapidement annoncé que 3 des 149 propositions étaient inacceptables : taxer à 4% les dividendes des entreprises qui distribuent plus de 10 millions d’euros de dividendes par an et affecter le produit de cette taxe au financement de la transition écologique, limiter à 110 km/h la vitesse sur les autoroutes, modifier le préambule de la Constitution pour y inclure la protection de l’environnement.
Il reste donc 146 propositions que le Gouvernement Castex, tout nouvellement formé, a promis de mettre en œuvre au plus vite.
Entretemps, 130 des 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat ont créé une association baptisée «Les 150 ». Elle se donne pour but de maintenir le contact entre les membres de la Convention Citoyenne - et ne désespère pas de rallier les 30 récalcitrants – et de veiller à l’application de leurs 146 proposition. ©PP
Barbara Pompili, nouvelle ministre de la Transition Ecologique, a par conséquent réuni le 29 juillet, une partie des 130, plusieurs autres ministres, dont Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Bruno Lemaire, ministre de l’Economie et des Finances, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales, Marc Fresneau, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, des syndicalistes, des élus locaux et des parlementaires.
Organisée en trois réunions différentes, la première session de concertation a duré tout l’après-midi du 30 juillet et nous n’avons pas appris grand-chose. Barbara Pompili a précisé que parmi les 146 propositions, certaines nécessitent un projet de loi – il est préparation notamment grâce à ces réunions et sera présenté au Conseil d’Etat en novembre, pour une discussion au Parlement en janvier 2021 -, d’autres requièrent des textes administratifs – décrets, arrêtés, … - et devraient être mises en œuvre peu à peu à partir de l’automne, certaines propositions, enfin, ne demandent rien d’autre que des prises de décisions qui restent à venir. ©PP
Cependant, à la sortie du Conseil de Défense écologique du 27 juillet dernier, Emmanuelle Wargon, désormais ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique (Barbara Pompili) et chargée du Logement, a indiqué, qu’à compter du 1er janvier 2022, le gouvernement allait « accélérer le remplacement des chaudières au fioul ou à charbon en obligeant à ce que le renouvellement de ces chaudières se fasse avec des chaudières qui soient moins polluantes.
Aujourd’hui, nous avons 3,5 millions de logements en France qui sont encore chauffés au fioul, (…). Logiquement, à partir du 1er janvier 2022, on ne pourra plus remplacer une chaudière au fioul ou au charbon par une autre chaudière au fioul ou au charbon, et on ne pourra plus installer de nouvelle chaudière au fioul en France ».
C’était clair, mais lors de son introduction à la réunion de concertation du 30 juillet, Barbara Pompili a évoqué une interdiction des chaudières fioul (et charbon, mais toujours rien sur la tourbe) « après 2022 ». Est-ce que cela présage un glissement de l’interdiction au 1er janvier 2023 ou est-ce juste une imprécision de langage ? Il faut attendre les textes à venir – des décrets et arrêtés devraient suffire – pour comprendre.
De même, nombre de nos collègues ont traduit ces diverses déclarations par l’interdiction des chaudières fioul (et charbon) en construction neuve : c’est absurde. On n’installe pratiquement plus de chaudière fioul dans le neuf. L’interdiction portera bien sur la pose de toute chaudière neuve et sur le non-remplacement à l’identique des chaudières fioul (et charbon) qui tomberont en panne.
L’interdiction des chaudières fioul devrait porter aussi bien sur les chaudières domestiques que sur les chaudières collectives. Rien n’est dit pour l’instant quant aux chaufferies urbaines, ni aux chaudières fioul utilisées en industrie. ©Viessmann
La plupart des constructeurs vendent encore des chaudières fioul nues, sans brûleur. Laissant aux artisans le soin de la marque et du modèle de brûleur. ©Viessmann
Selon les statistiques publiées par Uniclima, le marché des chaudières fioul, classiques et à condensation, baisse d’année en année. On ne peut pas dire exactement combien de chaudières fioul ont été vendues en 2019 en France, car Uniclima publie la somme des chaudières gaz et fioul et ne distingue pas les ventes selon l’énergie.
En 2019, sous toute réserve, probablement moins de 60 000 chaudières domestiques (<70 kW) au fioul ont été vendues en France, notamment en raison des aides à l’installation des chaudières gaz à condensation et des pompes à chaleur.
En ce qui concerne les brûleurs fioul en caisse – ceux qui servent à rénover une vieille chaudière fioul en remplaçant son brûleur - , Uniclima estime que 38 000 pièces ont été vendues en 2019, en baisse de 31,2% par rapport à 2018. Ce qui marque une très nette accélération de la baisse des ventes, puis que la réduction atteignait seulement 1,4% en 2018 par rapport à 2017.
En France, plusieurs marquent fabriquent encore ou commercialisent des chaudières fioul domestiques : ACV (qui appartient au groupe Atlantic), Atlantic, Auer, BDR Thermea (De Dietrich, Chappée, Oertli), Bosch Résidentiel, Domusa Teknik, Ferroli, Hoval, Riello France, Vaillant, Viessmann, Weishaupt, Wolf France et Zaegel Held. Tandis que Cuenod, Elco, Riello, Weishaupt et plusieurs fabricants italiens commercialisent des brûleurs fioul en caisse. Une douzaine d’industriels, dont Danfoss, Oventrop et Thermador, fabriquent ou commercialisent en France des pièces spécifiques, comme les injecteurs (gicleurs), les filtres et les pompes à fioul.
Comme les mesures annoncées ne sont pas encore très précises, les industriels que nous avons interrogés ne souhaitaient pas indiquer dès maintenant leur stratégie quant à la poursuite ou pas de leurs fabrications de générateurs, brûleurs et composants fioul. Il faudra sans doute attendre l’automne.
Outre les industriels, les artisans ont une importante activité régulière liée aux chaudières fioul : le ramonage des conduits de fumées et l’entretien annuel des chaudières avant la saison de chauffe. Il est difficile d’évaluer le chiffre d’Affaires annuel lié à cette activité.
Et naturellement, les marchands de fioul et leurs fournisseurs sont concernés au premier chef.
Pour les zones non-desservies en gaz, la chaudière à granulés, avec son combustible stockable et à charge automatique, se présente comme un sérieux concurrent des pompes à chaleur en remplacement des chaudières fioul. Il est possible de lui associer des capteurs solaires thermiques. ©HS France
Pour être bien clair, si l’installation d’une chaudière fioul neuve est interdite dès le 1er janvier 2022, il faudra remplacer les chaudières fioul en panne par d’autres générateurs. Rien n’est dit en revanche, pour l’instant, sur la maintenance des chaudières fioul existantes : s’il faut simplement remplacer le brûleur fioul ou le gicleur, est-ce que ce sera permis ?
Pour remplacer les chaudières fioul, quatre solutions existent et une cinquième devrait en bonne logique disparaître. En effet, la solution de chaudière fioul hybride – chaudière fioul + pompe à chaleur -, dans la mesure ou cet ensemble contient une vraie chaudière fioul NEUVE, devrait également être interdite.
Restent, les chaudières gaz naturel, gaz propane ou butane, les pompes à chaleur eau/eau et air/eau, les chaudières gaz hybrides (chaudière gaz + pompe à chaleur) et les chaudières biomasse, dont les chaudières à granulés. Toutes ces solutions pouvant être accompagnées d’un complément solaire thermique, voire solaire photovoltaïque, pour la production d’ECS et une contribution au chauffage.
De nombreuses aides publiques sont disponibles, tant pour les particuliers que pour le tertiaire et les chaufferies d’immeubles collectifs. Il est prudent de ne pas s’engager maintenant dans leur description précise, puisque dans ce domaine également, de nombreuses et imprécises annonces sont intervenues depuis une petite semaine.
Le dispositif de MaPrimeRénov’ devrait être élargi à tous les ménages, mais les montants en fonction des conditions de ressources ne sont pas encore connus. De même, de nouvelles fiches standardisées et de nouveaux programmes « Coup de Pouce » sont en discussion d’autres dispositifs existants pourraient devenir plus généreux pour accélérer la disparition du fioul (et du charbon, et la tourbe ? Toujours rien). Nous en saurons davantage à l’automne.
Les pompes à chaleur devraient être les grandes bénéficiaires de l’arrêt des chaudières fioul. Au moins une quarantaine de marques de pac sont disponibles sur le marché français. Tous les fabricants de chaudières en proposent désormais. ©Chaffoteaux