La politique de soutien au photovoltaïque en France est une saga sans fin, toujours pleine de rebondissements, plus brutaux les uns que les autres. Souvenez-vous, la semaine dernière, le Gouvernement avait le projet de revenir sur sa parole : une proposition d’amendement à la Loi de Finances 2021 visait à réduire, de manière rétroactive, la durée des contrats d’obligation d’achat conclus avant 2011 pour la production d’électricité des installations photovoltaïques.
Mais la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale avait rejeté cet amendement. On pensait l’affaire résolue. Pas du tout : le même texte revient par le biais d’un amendement du gouvernement.
Selon Tecsol, qui suit toujours ces questions avec une extrême attention, lors d’un point presse qui s’est tenu le 29 octobre, le ministère de la Transition écologique et un conseiller du ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, ont présentés la position du gouvernement.
La mesure concerne des contrats d'une durée de 20 ans signés durant la période de 2006 à 2010, lorsque les tarifs de soutien étaient particulièrement élevés : 300 €/MWh pour les centrales au sol, 600 €/mWh pour les installations sur les bâtiments.
Entre 2006 et 2010, souligne Tecsol, le coût des installations photovoltaïque a commencé à baisser. Mais les tarifs d’achat n’ont pas été modifiés. Comme d’habitude, ces conditions alléchantes ont créé un fort développement des installations, frisant la bulle spéculative, avant que le second gouvernement de François Fillon n’y mette fin en imposant un soudain moratoire sur les nouvelles installations en décembre 2010. Au second trimestre 2011, apparaissait le mécanisme des appels d’offres gérés par la CRE pour remplacer le dispositif précédent.
La baisse des tarifs d’achat pour le quatrième trimestre 2020 pèse plus lourd sur les petites installations de moins de 9 kWc. ©PP
La révision de la durée des contrats conclus avant 2011 devait être introduite dans le projet de loi de finance (PLF) initial, puis avait été retirée par le gouvernement pour laisser place à la concertation avec la filière, totalement opposée à ce changement.
Elle effectue son grand retour par le biais d’un nouvel amendement présenté par le gouvernement qui porte sur les contrats conclus pour des puissances de plus de 250 kWc. Cela signifie sans doute que la concertation a porté ses fruits et que la filière et le gouvernement se sont mis d’accord pour que les intérêts de tous soient respectés ?
Selon le gouvernement, la dépense annuelle pour ces contrats est comprise entre 600 et 800 millions d’euros et la nouvelle mesure devrait entraîner une économie de 300 à 400 millions d’euros par an. Mais voilà, ce n’est pas le résultat d’une concertation, mais une décision unilatérale de l’Etat.
Daniel Bour, président d'Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire, a aussitôt dénoncé une révision « incompréhensible et sans précédent ». « La remise en cause de la signature de l'État, est une catastrophe au moment de la transition énergétique », a-t-il réagi auprès de l'AFP, estimant que cette mesure poserait un problème de « confiance ».
Pour Daniel Bour « cette mesure annoncée est tout bonnement incompréhensible et inacceptable. J’ai l’impression que le Gouvernement ne mesure pas la portée de cette remise en cause, qui met gravement en doute la confiance accordée à sa parole. Le choix d’annoncer cette mesure maintenant, alors que le gouvernement appelle à la mobilisation des agents économiques dans le cadre de la Transition Énergétique et du Plan de Relance, interpelle. Et pourtant il ne peut y avoir de Plan de Relance sans confiance. »
« Toute révision d’un contrat quel qu’il soit, nécessite que les signataires négocient pour trouver un nouvel accord acceptable par les parties. Il est encore temps de choisir cette voie et de stopper cet amendement. Si malgré tout l’amendement était déposé alors j’appelle les parlementaires, qui examineront cette disposition, à faire preuve de plus de discernement, au risque de créer un nouveau moratoire de fait sur les énergies renouvelables. » », a-t-il aussi fait valoir.
Tableau compartif publié par la CRE. ©CRE
Les professionnels demandent ainsi au gouvernement de renoncer à son amendement et de revenir à la table des négociations. D’autant plus qu’ils ont d’autres sujets de mécontentement. En effet, le nouvel arrêté du 23 octobre sur les nouveaux tarifs d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques inférieure ou égale à 100 kWc traite mieux les grandes installations que les petites.
Enerplan, le syndicat des Energies Renouvelables, souligne que le nouvel arrêté limite la réduction des tarifs d’achat pour les installations d’une puissance comprise entre 36 et 100 kWc : ils seront de 98,7 € MWh au lieu de 93,6 €/MWh, si le nouvel arrêté n’était pas intervenu. En revanche, pour les installations domestiques < 9 kWc, la baisse des tarifs d’achat est accélérée par le nouvel arrêté, aussi bien concernant les prix pour la vente totale de la production que les primes, dites Pa, pour l’autoconsommation avec revente du surplus. Le rythme de baisse d’un trimestre à l’autre pour ce segment de puissance passe de 0,5 à 1,25%.
Enerplan souligne que « Cela n’est cependant en rien lié à une réalité de la baisse des coûts de ces installations, ni à une explosion du nombre de raccordements, ceux-ci étant stables d’un trimestre sur l’autre depuis presque 10 ans. Nous avions alerté sur cette anomalie avant son passage en Conseil Supérieur de l’Energie et proposé des amendements pour qu’il soit modifié lors de son examen, et ensuite en intervenant directement auprès du Ministère de la Transition Ecologique. Il est cependant paru sans modification ».
Le ministère de la Transition Ecologique, semble-t-il, n’aime pas les petites installations et s’occupe mieux des grandes. Il a en effet annoncé l’apparition prochaine d’un guichet d’appel d’offres pour des projets allant jusqu’à 500 kW sur les bâtiments et pour des ombrières.
Conçu par les architectes Atelier du Prado et Celkinier & Grabli, le Pavillon France de la prochaine exposition universelle de Dubaï sera couvert de tuiles photovoltaïques Sunstyle produites à Châtellerault. ©Cofrex
Souvenez-vous encore, la France avait inventé le concept « d’intégration au bâti » et pendant des années l’avait soutenu à l’aide d’une majoration des tarifs d’achat pour l’électricité issue d’installations intégrées au bâti, introduisant même des distinctions byzantines entre intégration au bâti et intégration simplifiée. Avant de l’abandonner progressivement après le moratoire de 2010.
Le 15 octobre dernier, Barbara Pompili participait au lancement officiel de la Fabrique Sunstyle à Châtellerault. Cette nouvelle usine devrait fabriquer 1 GW/an de tuiles solaires Sunstyle d’ici 2025. Il s’agit de plaques de verre texturées, de 870 x 870 mm, prenant des cellules photovoltaïques en sandwiche, avec des puissances variant de 115 Wc pour à une tuile noire à 85 Wc pour une tuile colorée.
Cette technologie, qui assure simultanément la couverture, l’étanchéité et la production d’électricité a été certifiée par le TÜV Rheinland et bénéficie d’un agrément du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). Elle fait également partie des solutions labellisées par la fondation Solar Impulse.
Enfin, les tuiles Sunstyle ont été retenues par la Cofrex (Compagnie Française des Expositions) pour recouvrir la toiture et la façade du Pavillon France à l’exposition universelle de Dubaï qui devrait ouvrir en novembre 2021. Bref, c’est une superbe solution française – un peu d’origine Suisse tout de même – qui est aussi poussée par l’Association Européenne Solar Power dans le cadre du Green Deal européen.
Ne voulant sans doute pas être en reste, Barbara Pompili a donc annoncé le 15 octobre « un coup d’accélérateur à la filière du solaire intégré au bâti avec l’octroi d’un bonus pour ceux qui choisiront ces technologies en 2020 et 2021 ». Depuis, comme sœur Anne, on ne voit rien venir. Et le nouvel arrêté tarifaire du 23 octobre n’en fait pas mention. ©Préfète de la Vienne sur Twitter