Le déploiement de l'hydrogène vert, utile pour décarboner notamment l'industrie et les mobilités lourdes, "tout ça n'arrivera que si on est capable à l'échelle nationale de fédérer les efforts et les investissements", a dit Benoît Potier devant la commission des affaires économiques du Sénat.
"Il faut qu'au niveau national on devienne à la fois opérationnels -avec un comité national capable d'agir et de prendre des décisions pragmatiques- et aussi qu'on ait une capacité à réfléchir, à un niveau peut-être différent, sur les directions à prendre, les budgets à allouer: industrie, mobilité, recherche...", a-t-il estimé, souhaitant que des organes de l'État y participent, pour que ça se fasse "au bénéfice du pays".
M. Potier s'est félicité des budgets promis ces derniers mois au secteur, tant au niveau français (7 milliards d'euros dont 3,4 d'ici 2023) qu'européen. Mais "c'est un défi. Il ne faut pas le dépenser pour dépenser, il faut avoir les idées relativement claires (...). On a mis l'argent, on a la volonté de faire, les industriels sont moteur. Ce que je souhaite est qu'on n'investisse pas n'importe où et n'importe comment".
Par exemple, "il y aurait un risque à ce que chaque ville fasse sa station": "la production sera décentralisée, oui, mais l'orchestration doit être coordonnée". Selon lui, il y a aussi "une réflexion à mener sur +où va la valeur+" de l'hydrogène: "le pire serait de reproduire ce qui s'est produit avec les panneaux photovoltaïques: subventionner, sans retour en termes de captation de valeur".
Le gouvernement a annoncé l'installation "prochaine" d'un Comité national de l'hydrogène présidé par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et réunissant des entreprises de la filière. Aujourd'hui, 880.000 tonnes d'hydrogène industriel sont produites en France (utilisé par exemple pour le raffinage pétrolier ou la fabrication d'engrais chimiques), mais il est à 95% issu d'énergies fossiles, indique France Hydrogène (ex-Afhypac), dans son bilan 2020.
A horizon 2030, la filière vise 1,35 million de tonnes, pour des usages étendus et décarbonées à 52% (issues d'énergies renouvelables, voire nucléaire ou fossile avec capture du carbone). Ce serait par exemple 5.000 véhicules lourds (contre 21 bus aujourd'hui), 1.000 bateaux (contre 2), 1.000 stations de recharge (au lieu de 40), 250 trains, projette la filière, qui évalue les besoins d'investissements à 24 milliards d'euros. Forte de 2.000 emplois, elle dit espérer en générer 50.000 à 150.000 d'ici 10 ans.
Illustration ©Agence de Développement économique Nord Franche-Comté