Au moment où la France discute de sa Loi Climat et Résilience, l’Europe vient d’adopter définitivement sa loi Climat au bout de trois étapes, occupées par des discussions entre les trois grandes parties prenantes : la commission européenne, le parlement européen et le conseil de l’Union européenne.
La Commission avait adopté sa proposition de loi européenne sur le climat le 4 mars 2020, puis l’avait modifiée le 17 septembre 2020 pour y inclure un objectif révisé de réduction des émissions de l'UE d'au moins 55 % d'ici 2030. Elle avait également, en octobre 2020, publié une communication sur le plan cible en matière de climat à l'horizon 2030, accompagnée d'une analyse d'impact détaillée.
Dans ses conclusions des 10 et 11 décembre 2020, le Conseil européen, qui représente les gouvernements des Etats de l’Union, avait approuvé l’objectif contraignant d’une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Le Conseil et le parlement européen sont parvenus à un accord politique provisoire sur la proposition le 21 avril 2021. Le 24 juin 2021, le Parlement avait adopté le texte issu de l’accord avec le Conseil européen.
Enfin, lundi 28 juin, le Conseil européen a, à son tour, définitivement adopté le texte de la loi européenne sur le Climat, issu de l’accord avec la ^arlement européen : 27 votants, 26 votes pour l’adoption, dont la voix de la France, seule la Bulgarie s’est abstenue.
La loi européenne sur le climat étant désormais adoptée par le Parlement européen et par le Conseil, elle va maintenant être signée et publiée, avant d'entrer en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Le texte adopté par le Conseil Européen :
- fixe un objectif climatique contraignant pour l'Union visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Afin de veiller à ce que des efforts suffisants soient déployés pour réduire et éviter les émissions jusqu'en 2030, la loi sur le climat introduit une limite de 225 millions de tonnes équivalent CO2 pour la contribution des absorptions à cet objectif. L'Union s'efforcera également d'atteindre un volume plus élevé de puits de carbone net d'ici 2030.
- demande en outre à la Commission de proposer un objectif intermédiaire en matière de climat pour 2040, le cas échéant, au plus tard dans les six mois après le premier bilan mondial réalisé dans le cadre de l'accord de Paris. Dans le même temps, la Commission devra publier une prévision de budget indicatif des émissions de gaz à effet de serre de l'Union pour la période 2030-2050, accompagnée de la méthode employée pour l'établir. Ce budget est défini comme le volume total indicatif des émissions nettes de gaz à effet de serre (exprimées en équivalent CO2 et fournissant des informations distinctes sur les émissions et les absorptions) qui devraient être émises au cours de cette période sans mettre en péril les engagements pris par l'Union au titre de l'accord de Paris.
- consacre l’objectif d’une Union Européenne au minimum neutre du point de vue climatique dès 2050.
- établit un conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique. Ce conseil fournira des avis scientifiques indépendants et produira des rapports sur les mesures, les objectifs climatiques et les budgets indicatifs des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, ainsi que sur leur cohérence avec la loi européenne sur le climat et les engagements internationaux pris de l'UE au titre de l'accord de Paris.
- enjoint à la Commission de collaborer avec les secteurs de l'économie qui choisissent d'élaborer des feuilles de route indicatives volontaires en vue d'atteindre l'objectif de neutralité climatique de l'Union d'ici 2050. En plus d'assurer le suivi de l'élaboration de ces feuilles de route, la Commission facilitera le dialogue au niveau de l'UE ainsi que l'échange de bonnes pratiques entre les parties prenantes concernées.
L’une des premières mesures adoptées par la Commission est la publication de la Taxonomie européenne qui indique aux investisseurs quelles activités sont conformes aux objectifs européens de protection du climat.
Le projet de loi Climat et Résilience, adopté en 1ère lecture à l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée a été discuté au Sénat et a fait l’objet d’un vote le mardi 29 juin 2021. Tel qu’il est aujourd’hui, ce projet de Loi est en retrait par la loi Climat Européenne. Ce qui, en principe, n’est pas possible puisque, au sein de l’Union Européenne, les lois européennes priment sur les lois nationales.
D’autant plus que le représentant du gouvernement français a voté en faveur de la loi européenne le 28 juin. Par exemple, la Loi européenne prévoit une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030, tandis que le projet de Loi français prévoit une diminution de seulement 40% à cette date.
Les Sénateurs, en discussion publique du projet de loi le lundi 28 juin, contre l’avis de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, ont donc ajouté au texte, un article préliminaire selon lequel « la France s’engage à respecter ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre » en conformité avec la loi européenne, soit moins 55 % d’ici à 2030.
En préalable aux discussions à l’assemblée Nationale et au Sénat, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a publié un avis de 36 pages sur le projet de Loi Climat et Résilience.
Dans cet avis, le HCC rappelle que la France est en retard sur ses objectifs climatiques qui doivent être sévérisés pour respecter les nouveaux objectifs européens. Puis, il explique que le contenu du projet de Loi Climat et Résilience, d’abord ne porte quasiment pas sur la résilience (comment s’adapter à l’inéluctable altération du climat), ne permettra pas à la France d’atteindre ses objectifs actuels et encore moins s’ils sont renforcés.
Le projet de loi français est très différent de la loi européenne. Celle-ci fixe des objectifs, sans indiquer les moyens pour les atteindre. Le projet de loi français est un catalogue de moyens. A l’issue de son parcours au Sénat, il a plutôt été globalement affaibli, mais comporte quelques pépites.
Par exemple, le Sénat propose de reculer de 5 ans, le délai pour mettre en œuvre les ZFE (Zones à Faibles Emissions) qui doivent progressivement interdire la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations. L’interdiction de circuler en ZFE pour les véhicules titulaires d’une vignette Crit’air 3 serait ainsi repoussée de 2025 à 2030.
A propos des logements indécents, un amendement reporte à 2040, au lieu de 2034, la date à laquelle les logements de classe E seront considérés comme indécents et donc interdits à la location.
Le Sénat a modifié l'article 40, consacré à la réalisation de l'audit du diagnostic de performance énergétique (DPE) : à partir de 2025, la qualité de l'air intérieur "fait l'objet d'exigences spécifiques par typologie de bâtiments" et non plus globalement comme le prévoit la loi Elan du 23 novembre 2018.
Toujours à propos de la QAI, les travaux portant sur les parois opaques ou vitrées donnant sur l'extérieur des bâtiments ainsi que ceux concernant les installations de ventilation et de chauffage « doivent, si nécessaire, s'accompagner de travaux complémentaires permettant de garantir un renouvellement suffisant mais maîtrisé de l'air », au lieu de « ne doivent pas dégrader les conditions préexistantes de renouvellement d'air », comme le prévoit actuellement l'article L.153-1 du Code de la construction et de l'habitation.
L'article 42 bis AD, introduit en commission, autorise un bailleur à donner congé à son locataire pour la réalisation de travaux d'économies d'énergie « nécessitant la libération des lieux ».
Le nouvel article 46 ter AA ajouté au Sénat, introduit la prise en compte de l’économie circulaire dans les CEE et donne une base légale à l’intégration du cycle de vie des produits et équipements dans le calcul du volume de CEE, et donc dans le calcul de la prime. Ce ne sera certainement pas simple
Le nouvel article 46 ter AB dispose qu'avant chaque nouvelle période des CEE, le gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre de ce dispositif sur la période qui s’achève, notamment sur les économies d’énergie réalisées au regard de son coût pour les entreprises obligées, les impacts sur le prix de l’énergie pour les consommateurs, et les fraudes constatées. Il prévoit également que le gouvernement présente au Parlement, en amont d’une nouvelle période, ses intentions sur les évolutions qu’il compte apporter au dispositif.
L’article 46 ter, quant à lui, introduit une évaluation de l’efficacité des mesures prises pour réduire les émissions de particules fines PM 2,5 liées au chauffage au bois et de leur impact sur la qualité de l’air tous les deux ans, au lieu de tous les cinq ans.
Enfin, ce qui plaît beaucoup à Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, l’article 24 du projet de loi grave dans le marbre et accélère l’obligation de végétalisation ou d’installation d’ENR sur les toitures et les ombrières des bâtiments neufs ou subissant une rénovation lourde.
Le Sénat a adopté un texte différent de celui de l’Assemblée Nationale. La Commission Mixte paritaire, composée de députés et de sénateurs, va donc se réunir pour tenter de parvenir à un texte commun. Il est assez probable que ce ne sera pas possible. Le texte reviendra donc en seconde lecture à l’Assemblée qui aura le dernier mot. Etant donné le calendrier parlementaire, le texte viendra au vote devant l’Assemblée fin septembre ou en octobre.
La loi sera promulguée en fin d’année. Elle prévoit plusieurs dizaines de décrets et arrêtés : il faudra des mois, voire des années, pour que ces textes règlementaires soient rédigés et adoptés.
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Une fois de plus, le Sénat fait la preuve de son incompétence et de son inutilité : d’une part, il vote, sur le principe, le renforcement de la loi pour la rendre conforme au droit Européen. Et dans le même temps, il propose un allègement des mesures concrètes et un allongement des délais pour atteindre les objectifs de réduction de GES. Cherchez la cohérence et le sens de l’intérêt public… là où ne transpirent que les chicailleries et les manœuvres politicardes…