Quelle est la situation des matériaux aujourd’hui sur le front de la construction des maisons individuelles ?
Damien Hereng : Selon les régions, on a pu constater que l’acier manquait, tout comme les poutrelles béton pour réaliser les planchers ou encore les briques, sans oublier le bois de charpente ou les panneaux OSB destinés à fabriquer les planchers bois. La pénurie est large puisqu’elle peut concerner les isolants dans certaines régions tout comme les ballons thermodynamiques dont les cartes électroniques sont parfois « manquantes ».
Dans le cas des panneaux OSB par exemple, certaines livraisons sont annoncées pour novembre selon les régions ! Ce manque de disponibilité engendrera des retards de chantier qui se comptent en plusieurs mois, ce qui est regrettable car l’activité des constructeurs est repartie fortement sur le segment des maisons individuelles
Avez-vous enregistré de fortes hausses de prix de matériaux ?
D. H. : La pénurie engendre des hausses de tarifs sur l’ensemble des familles de matériaux, sans exception. Et nous enregistrons des hausses toutes les semaines ! Les produits acier ont ainsi augmenté jusqu’à 40 % tandis que les autres produits du second oeuvre subissent des hausses allant jusqu’à 4 et 5 %.
Ce qui fait qu’au final, les prix de revient du constructeur vont augmenter de 3 à 4 000 euros. Si l’on prend un prix moyen de maison à 130 000 euros, on voit qu’on parle bien de hausses significatives.
Quelles sont les conséquences de ces hausses de prix pour vos clients ?
D. H. : Comme les règles de financements ont été durcies par les banques, ces hausses de prix contribuent à désolvabiliser une partie de la clientèle, constituée majoritairement de primo-accédants sans revenus extensibles. A cela, s’ajouteront les surcoûts liés à la nouvelle réglementation environnementale 2020, applicable en principe le 1er janvier 2022. Nous estimons ces surcoûts liés à la RE 2020 entre 5 et 7 % .
Comment votre syndicat réagit-il en ce moment par rapport à ces difficultés inédites ?
D. H. : Les pouvoirs publics ont été interpellés à ce sujet. Nous devons respecter des délais contractuels, or, la pénurie de matière première n’est pas clairement considérée aujourd’hui dans les marchés privés, comme un cas de force majeure. Des pénalités de retard pourraient donc être appliquées sauf si un régime d’exception était mis en place par rapport à cette règle.
L’autre difficulté concerne l’inadéquation entre nos prix de vente, établis environ 8 mois avant la livraison de la construction, et les prix de revient, revus à la baisse avec les hausses de prix. Par conséquent, soit nous tentons de prendre plus de temps pour essayer de tenir nos marges, soit nous acceptons d’avancer les chantiers en acceptant des baisses de marges. Dans cette situation, nous essayons d’avancer dans les conditions les plus raisonnables possibles dans l’intérêt de tous.
La maison individuelle peut-elle devenir un produit de luxe ?
D. H. : Je ne le crois pas. Le concept des barres d’immeubles a été rejeté depuis longtemps par les habitants qui veulent désormais vivre dans des logements et des maisons individuelles. Et le nombre de candidats à l’accession a beaucoup augmenté aujourd’hui, notamment en raison des périodes de confinement liées à la crise sanitaire. Certes, les dispositifs d’aides à l’accession ont disparu mais est-ce bien juste socialement parlant ?
La politique de densification à l’extrême des villes ne sera pas durable dans le temps à mon avis. De plus la maison individuelle n’est pas forcément incompatible avec la sobriété foncière. Encore faut il que soit réglée la dichotomie entre les pouvoirs publics qui veulent freiner l’expansion des villes et les règles d’urbanisme locales des collectivités qui craignent la densification. On le voit dans de nombreux PLU qui ont été modifiés avec par exemple des règles de recul qui ont tendance à augmenter…
La FFCMI, un syndicat dédié à la maison individuelle
Organisation syndicale dédiée à 100 % à la construction de maisons individuelles, la FFCMI (Fédération des Constructeurs de Maisons Individuelles) est une organisation professionnelle au service du métier de constructeur de maison depuis 25 ans. Elle regroupe 340 adhérents et représente 17 % du marché de la production de maisons, selon son président Damien Hereng, élu en 2019. Notons, à côté de cette organisation professionnelle, un autre syndicat, LCA-FFB, devenu depuis peu le Pôle habitat-FFB qui regroupe, outre les constructeurs de maisons individuelles, les promoteurs immobiliers et aménageurs fonciers |
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy